BLONDLOT Nicolas

1808-1877

` sommaire

Extrait de " Les sciences physiologiques et physico-chimiques " par P. ARNOULD - Numéro Spécial du Centenaire de la Revue (1874-1974) Annales Médicales de Nancy

La Faculté de Nancy comportait en 1872 une Chaire de Chimie médicale et Toxicologie.  Ce  ne fut  pas  un strasbourgeois qui l'occupa, mais Nicolas Blondlot, déjà Professeur de Chimie à l'école de médecine.

Né à Charmes en 1808, Blondlot avait fait ses études médicales à Paris, y avait obtenu un Doctorat es Sciences, et se destinait à la chirurgie ; il fut notamment l'élève de Dupuytren. Revenu à Nancy, il renonça rapidement à la chirurgie pour se consacrer à l'étude de la Physiologie expérimentale et de la chimie. Dès 1836, il était nommé Professeur de chimie, succédant à De Haldat. Ses travaux portent d'une part sur la physiologie digestive, d'autre part sur la toxicologie ; ils lui valurent donc une renommée suffisante pour qu'il soit nommé Professeur à la nouvelle Faculté. Il mourut en activité, le 7 janvier 1877.

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Extrait du livre de Jean Schmitt "Au fil des rues.. Les médecins célèbres de Nancy"

Nicolas Blondlot, médecin et savant

Lorsqu 'à la sortie du temple protestant, sur la place André Maginot, vous voulez gagner par le chemin le plus court la rue de la Visitation, vous commencez par remonter une dizaine de mètres la rue Chanzy et vous tournez à main droite dans la rue Blondlot. Il serait d'ailleurs plus juste de dire «rue des Blondlot», par référence aux deux illustres savants lorrains qu'ont été Nicolas, le père, et René, le fils.

C'est le parcours de Nicolas Blondlot qui nous retiendra par le biais de cette rubrique.

Né à Charmes sur Moselle (Vosges) en 1808, Nicolas Blondlot va rapidement sortir du lot de ses camarades d'école et de lycée ; on le sent animé du désir de poursuivre des études et il s'engage, dès que possible, dans la vie médicale. Sa valeur ne tarde pas à s'affirmer. Inscrit à l'école secondaire de Médecine de Nancy, il affronte sans vergogne le Concours de l'Internat des Hôpitaux de Paris, auquel il est reçu du premier coup et, qui plus est, à la place de major ; ceci se passe en 1828. Au cours de ses stages, il va avoir la chance insigne de pouvoir suivre les leçons de Dupuytren. Il décroche son diplôme de Docteur en Médecine en 1833 : il n'a que 25 ans !

Malgré le bel avenir professionnel qui s'ouvre devant lui dans la capitale, il se sent suffisamment nostalgique de sa province natale pour y revenir. Il prend donc l'option de s'installer à Nancy afin d'y exercer son art, plutôt dans le domaine chirurgical. Mais les bonnes places sont déjà occupées. Du même coup, sa carrière va diverger quelque peu, en raison de son attirance vers les sciences pures. D'un côté la pratique médicale continue à le tenter, puisqu'il sera nommé Chirurgien Ordinaire de l'hospice des Orphelines. Mais il lui faut vivre, ear ee poste n'est pas financièrement très productif ; c'est pourquoi, d'un autre côté, il se dirige vers la Faculté des Sciences où il entre comme Professeur de Chimie et Toxicologie.

En 1843, il accède à l'enseignement à l'École préparatoire de Médecine et de Pharmacie de Nancy où il succède à de Haldat, avec toujours en ligne de mire la Chimie et la Toxicologie.

Cette double orientation apparaît très bien à la lecture des titres de ses travaux personnels :

- un Traité analytique de la digestion (1843), couronné l'année suivante par l'Institut

- un Essai sur les fonctions du foie et de ses annexes (1846)

- un Mémoire, complémentaire de son Essai sur les fonctions du foie, à propos de « L'inutilité de la bile dans la digestion proprement dite» en 1841 (position défendable à ce moment-là mais qui n'est plus de mise à notre époque)

- de Nouvelles Recherches Chimiques sur la composition du suc gastrique (1851)

- des Recherches Toxicologiques sur l'arsenic, le phosphore, l'antimoine.

Les longues et obstinées fatigues du chercheur

Considéré, dans une certaine mesure, comme un digne émule d'Henri Braconnot, pharmacien et chimiste nancéien d'une génération antérieure à la sienne, il a publié beaucoup de ses travaux et notes scientifiques dans les Mémoires de l'Académie de Stanislas. Lorsqu'en 1872 la Faculté de

Médecine de Strasbourg se transfert à Nancy, pour sortir du giron allemand après la défaite de Sedan, seize de ses chaires gardent leurs titulaires, mais sept deviennent vacantes. C'est dans ces conditions que Nicolas Blondlot glisse de Professeur à l'école préparatoire de Médecine et Pharmacie de Nancy à la chaire de Chimie médicale de la Faculté de Médecine qui se crée à Nancy. Sa renommée scientifique va lui valoir la reconnaissance de ses collègues, qui le font entrer dans leurs institutions respectives : Nicolas Blondlot a ainsi été élu membre correspondant de l'Académie de Médecine, membre correspondant de l'Académie impériale de Médecine de Vienne et de la Société médico-chirurgicale de Turin. Il est également lauréat de l'Institut.

C'est en 1877 qu'il va s'éteindre à Nancy. Le Recteur Jacquinot peut, dans son éloge funèbre, dire de lui qu'il était ce « vieux Maître blanchi dans l'étude, sur le front duquel se lisait l'empreinte des graves préoccupations du savant et des longues et obstinées fatigues du chercheur, mais qui laissait promptement apercevoir non seulement les douces vertus, mais l'humeur bienveillante d'une âme cordiale et sincère, un grand fond de bonté et même de bonhomie, une touchante simplicité de mœurs, un goût passionné et un dévouement sans mesure pour sa profession et son devoir». La touche finale est apportée par le Président E.L. Poincaré, de l'Académie Stanislas, lorsqu'il déclame cette phrase qu'on voudrait prophétique : « Il part aujourd'hui avec la certitude que son nom restera inscrit en lettres d'or parmi les illustrations (sic) de la Lorraine ».

La vérité est quelque peu différente. En effet, quelques années plus tard, la municipalité, conduite par son premier édile, Adam, tient à lui rendre hommage en pérennisant son nom, affecté à une des rues de la Cité. C'est chose faite le 19 février 1889 : dans le but d'agrandir F ex-Lycée Impérial (Lycée Henri Poincaré à partir de 1933), issu de la réunion du Couvent des Minimes et du Couvent de la Visitation, une rue fut percée entre la rue Chanzy et la rue de la Visitation en 1882 et baptisée rue Crevaux.

On déplaça donc le nom de Crevaux à la rue de la Gendarmerie (entre la rue Sainte-Anne et la rue Jeannot) et on y affecta le nom de Blondlot.

En fait, tout n'était pas définitivement dit sur cette nouvelle rue Blondlot. En 1940, elle se complète sur le plan familial. La ville de Nancy tient à réunir finalement, dans un hommage commun, à la fois Nicolas Blondlot dont nous venons de retracer la carrière de Médecin et de Savant, et son fils René (Professeur de Physique à la faculté des Sciences de Nancy) qui légua une part importante de sa fortune à la ville (il est mort en 1930). De surcroît, le parc Blondlot - d'une superficie de l'ordre de 6.000 m2 - qui donne en plein sur le Quai Claude le Lorrain, à quelques mètres de la gare SNCF, est aussi un legs de la famille à la municipalité. Cette dernière s'est pliée aux dispositions testamentaires qui prévoyaient l'obligation pour le donataire de transformer la propriété privée donnée en parc ouvert au public.

On voit donc à quel point la famille Blondlot, à travers ses représentants scientifiques, Nicolas et René, s'est investie pour faire briller la ville de Nancy sur le plan intellectuel et, en outre, pour multiplier les motifs de satisfaction de ses habitants. La mémoire d'un tel dévouement et d'un tel désintéressement se devait d'être défendue auprès des générations à venir.