BURG Constant

1924-1998

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ELOGE FUNEBRE

Le 23 mars de cette année à l'Institut Curie dont il était le Président du Conseil d'Administration, le Professeur Constant BURG a quitté ce monde à l'âge de 73 ans, après une longue maladie, assumée avec un courage, une lucidité qui ont forcé l'admiration de tous. Beaucoup d'entre vous n'ont pas connu le Professeur Constant BURG, puisqu'il quitta Nancy en 1970, après avoir été pendant 12 ans Professeur titulaire de la chaire de Biophysique Médicale de notre Faculté et Assesseur du Doyen BEAU de 1965 à 1970. Ce soir j'ai l'honneur redoutable de lui rendre hommage, d'évoquer sa mémoire et de faire connaître aux plus jeunes d'entre vous la vie exceptionnelle que fut celle de mon Maître.

Constant BURG est né le 28 juin 1924 à Aumetz en Moselle où son père était médecin généraliste. Élève brillant à Saint Clément à Metz, il doit en septembre 1939, comme beaucoup de mosellans, émigrer vers l'intérieur et en juin 1940 il passe son premier bac à Rennes avec mention très bien. Après l'armistice de juin 1940, il rentre avec sa famille en Moselle annexée et obtient en 1941, à Strasbourg, l'"habitur", l'équivalent en Allemagne de notre deuxième bac de l'époque. L'année suivante, il commence ses études de médecine à Fribourg en Brisgau, la faculté de médecine de Strasbourg n'ayant pas encore repris ses activités. C'est alors que son père en juin 1942, demande aux autorités allemandes l'autorisation pour son fils mineur de regagner la zone libre française pour continuer ses études de médecine. Erreur fatale qui a eu pour conséquence l'envoi du jeune Constant BURG dans un camp de travail à Irrel en Allemagne.

En janvier 1943, il est transféré dans une compagnie de la Wehrmacht à Leipzig. C'est alors qu'avec quelques camarades d'Alsace-Lorraine, il s'évade et réussit à gagner la Suisse. Un certain nombre de ses camarades d'évasion seront repris et fusillés. Il est interné ensuite pendant environ un an par les autorités suisses, puis libéré, il reprend ses études de médecine à Lausanne. En juin 1944, il repasse clandestinement la frontière française et entre dans une compagnie du maquis en Haute Savoie. Il participe à de nombreux combats dans la vallée de la Maurienne et est blessé à Pontamaffes. Après la libération de la Haute Savoie, il s'engage au 5e Dragon rattaché à cette époque au détachement d'armée des Alpes.Il est démobilisé en septembre 1945. Sa brillante conduite lui vaut de nombreuses décorations, dont la médaille des Évades de Guerre, la médaille des Réfractaires à l'Armée allemande et la croix du Combattant Volontaire.

Il termine alors ses études de médecine à Strasbourg et obtient sa thèse en 1949. C'est alors qu'il rentre au Laboratoire de Physique Médicale du Professeur CHEVALIER. Il avait pour son Maître une véritable vénération jusqu'à avoir souhaité quitter ce monde revêtu de sa toge. Durant ces années il obtient sa licence de Sciences avec le redoutable certificat de Physique Générale. En 1948, il épouse Madame Simone BURG, bien connue dans le milieu médical nancéien, puisqu'elle exerça la radiologie et la radiothérapie à la polyclinique de Gentilly.

En 1955, il est major du concours d'Agrégation de Biophysique et devient ainsi Maître de Conférences Agrégé de Biophysique. Durant toute cette période, il mena une recherche active, celle concernant l'utilisation du radiophosphate de chrome dans les épanchements pleurométastatiques lui valut certains succès. C'est alors que les Professeurs de Biophysique de la Faculté de Médecine de Nancy, Professeurs KELLERSOHN et PELLERIN, nommés à Paris font appel à lui pour renforcer avec Jean MARTIN l'équipe locale. Il est nommé titulaire de la Chaire de Biophysique en 1958, et Assesseur du Doyen BEAU de 1965 à 1970.

Durant cette période nancéienne de 12 à 13 ans, il est très actif, il crée le Laboratoire des Isotopes, situé à l'époque près de l'amphithéâtre Parisot, rue Lionnois. Il est le créateur et le Directeur de l'Unité 95 de l'INSERM. Certains d'entre vous se souviennent peut-être de cet après-midi d'automne de 1968 où, en compagnie du Professeur SADOUL et du Professeur AUJALEU alors Directeur Général de l'INSERM, il dépose la première pierre du futur bâtiment des Unités 14 et 95 de l'INSERM. Cette pierre fut la première de tout l'ensemble du plateau hospitalo-universitaire de Brabois.

Fin 1969, il est nommé Directeur Général de l'INSERM et quitte alors Nancy. Pas complètement d'ailleurs, car durant de longues années, chaque samedi matin, dans les locaux de l'Unité 95, il exigeait de ses élèves un rapport détaillé de leur activité de la semaine. A la Direction Générale de l'INSERM, pendant 10 années, il transformera profondément cet organisme, lui apportant la consécration internationale dans le domaine de la recherche médicale avec des équipes structurées.

Ensuite de 1979 à 1992, il est nommé Conseiller d'État. Cette nomination l'avait honoré et surpris, et sa première réaction fut de considérer qu'on lui demandait de servir la France différemment. Là encore il s'y est pleinement investi, apprenant un nouveau métier où il retrouvait le sens de la rigueur qui avait dominé toute sa carrière scientifique et mettant son honneur à mériter l'estime de ses pairs.

En 1985, il est nommé Président du Conseil d'Administration de l'Institut Curie, poste qu'il occupa jusqu'à ces dernières semaines. Il s'est attaché à donner à cet Institut les moyens nécessaires pour tenir le rang digne de son nom tant sur le plan médical que scientifique. Le but de son action était que les malades bénéficient le plus rapidement possible des résultats de la recherche. Durant ces années, il créa dans cet Institut l'un des plus grands pôles européens de biologie cellulaire.

Ces dernières années, il lutta avec un grand courage et une grande lucidité certes contre la maladie, mais aussi pour que l'Institut Curie continue à être un pôle d'excellence. Le 15 janvier dernier dans un émouvant discours devant le personnel de l'Institut Curie, il déclarait : « Nous avons vécu, et nous allons continuer à vivre une aventure extraordinaire, il fallait le faire et désormais rien ne pourra nous arrêter ». Message plein d'espoir d'un homme se sachant condamné, pour qui la passion pour la recherche avait été sa raison d'être. Cette vie toute consacrée à son dévouement à l'Etat et à l'amour de son pays devra pour les futures générations de médecins et de chercheurs être un exemple. La Faculté de Médecine de Nancy ne peut que s'enorgueillir de l'avoir eu comme Professeur.

Professeur A. BERTRAND

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Hommage du Professeur P. PELLERIN

A l'occasion de l'inauguration des laboratoires Constant Burg à l'Institut Curie - octobre 1998

Mon ami Constant Burg, classe 44, fils de médecin, est né en Lorraine du Nord, à Aumetz, à 15 kilomètres de la frontière allemande, entre Audun le Tiche et Audun le Roman, l'allemand et le français. Toute l'histoire du déchirement lorrain est ici.

Quand on parle de notre Alsace-Lorraine, on oublie trop souvent la seconde. Cela ne soulage en rien le martyr de la première, mais il est juste, parce qu'on en parle peu, de rappeler que la Lorraine a subi au moins le même. Jamais autant qu'en 39-45. Cette région est historiquement l'une des plus broyées d'Europe, perpétuellement convoitée, envahie, reconquise, comme Dantzig, les Pays Baltes, les Balkans. Relire l'Invasion, le Blocus, tout Erckmann-Chatrian. L'Alsace est l'enjeu. Les champs de bataille sont en Lorraine. Septembre 1939. « Noch e'Mool ! ». Une fois de plus ... Les blockhaus gris de la ligne Maginot sont à quelques centaines de mètres. La zone de combat est évacuée aux premières heures de la drôle de guerre. Constant a quinze ans. Il est l'aîné de cinq enfants. Il obtient brillamment son premier bac à Rennes, où la défaite de juin 40 le surprend. A travers le pays frappé de stupeur, en ruines, les contrôles allemands qui barrent toutes les routes, il noue son destin en regagnant la Lorraine, où son père, le Docteur Aloys Burg, qui sera cité pour actes de résistance, exerce à Dieuze au nord de Lunéville. En ces temps-là, croyez-moi, il ne faisait pas bon avoir la Lorraine ou l'Alsace comme lieu de naissance sur sa carte d'identité... Dès août 40, la situation se durcit tragiquement. Hitler viole les conditions de l'Armistice, crée la « Zone Interdite », la Westmark. C'est tout le nord d'une ligne Besançon - Baie de Somme qu'il va annexer. Traitement spécial pour l'Alsace-Lorraine, « Zone Rouge » : nous, Alsaciens et Lorrains, sommes décrétés citoyens allemands.

Constant a seize ans. La vocation médicale paternelle l'habite : il sera médecin. Dès son retour, malgré les difficultés de l'époque, il parvient à achever ses études secondaires à Strasbourg au lycée Fustel de Coulanges, rebaptisé « Erwin Von Steinbach », l'architecte gothique de la Cathédrale : tous les noms ont été germanisés. Puis il valide son année préparatoire de médecine. Il se passionne déjà pour la biophysique et ce qui va bientôt devenir la biologie moléculaire. Nous sommes en 42. L'Allemagne est aux prises avec l'Union Soviétique depuis un an. Déjà, des dizaines de milliers de ses aînés, « Malgré Nous » Lorrains et Alsaciens, ont disparu dans l'enfer blanc du Front de l'Est. Constant va avoir dix-huit ans. Désormais, pour la loi allemande, il est mobilisable. Le 28 juin 42, il est pris. Après plusieurs mois de travail forcé dans le Reichs Arbeits Dienst, il est incorporé en janvier 1943 dans une « Strafkompanie », unité disciplinaire de la Werhmacht à Leipzig et affecté à une formation motorisée. Avec d'autres Lorrains, Tchèques, Polonais, tous « politisch unzuverlàsslich », suspects politiques, traités comme tels. Destination Front de l'Est. L'entraînement est terrible. Il faut briser les fortes têtes. Constant ne supporte pas de porter les armes contre les Alliés et ne le cache pas. Il est vite classé « Stifter », meneur, et subit pendant quatre mois des représailles inhumaines. Il ne cède pas. En avril 43, après une première tentative qui échoue, il s'évade.

Il faut concevoir ce qu'un tel projet représente de courage, de témérité, de détermination aussi pour l'enfant qu'il est encore, au cœur d'une Allemagne nazie où règnent la terreur, la délation, avec toujours la mort comme unique sanction. Le jeune Constant sait qu'il est « Uberlâufer », déserteur, que son signalement est diffusé à tous les postes de contrôle, que l'impitoyable Feldgendarmerie le traque, que la Gestapo est partout et que sa famille est menacée. Il sait que, repris, il sera fusillé sur place, sans jugement, avec ceux qui l'auraient aidé ou hébergé. Pas de pardon : les déserteurs lorrains sont des ennemis. Constant m'a dit que, pour traverser les six cents kilomètres de Leipzig à Strasbourg, il n'avait eu pour lui que sa parfaite connaissance de la langue et, aussi étonnant que cela paraisse dans cet enfer, l'aide déterminante d'Allemands anonymes au risque de leur propre vie. Enfin pris en charge par une filière d'évasion de Mulhouse, il parvient à Saint-Louis, à la frontière suisse, près de Bale, reste caché de longues heures dans une étable près du triage. Il s'attend à chaque instant à voir surgir les chiens de la Gestapo. Au signal donné, il saute en marche dans un train de charbon qui traverse la frontière. Caché dans la houille, les garde-frontières ne le verront pas. On informera sa famille qu'il a disparu lors d'un bombardement... Est-ce enfin la liberté ? Pas encore. Les Suisses sont méfiants et l'internent sous surveillance sévère pendant de longs mois. Il obtient enfin de poursuivre ses études à Lausanne. En réalité, il ronge son frein. Dès le début de 44, il repasse en France à Abondance, gagne le maquis de Haute-Savoie, au Plateau des Glières. Médecin-auxiliaire, il participe aux durs combats de libération de la Maurienne, où il est blessé par un obus de mortier. I1 rejoint la Première Armée, qui vient d'atteindre Lyon et s'y engage cette fois comme combattant, service armé au Cinquième Dragons, pour la durée de la guerre qu'il termine au grand jour, après une campagne exemplaire qu'illustrent de brillantes décorations.

Au jour de l'Armistice, Constant n'avait pas 20 ans. Nous sommes en avril 45. De ses camarades lorrains des panzers de Leipzig, aucun n'est revenu. Plusieurs évasions ont été tentées après la sienne : toutes se sont soldées par l'échec, les malheureux ont été fusillés. Le reste de la compagnie a disparu en Russie. On sait que sur 130000 Lorrains et Alsaciens incorporés de force, la moitié à peine sont revenus au pays, dont beaucoup après des années de captivité terrible en URSS. Pour les Russes aussi ils restaient des ennemis.

Convenez que, dès son plus jeune âge, Constant portait bien son nom. J'ajoute qu'il ne parlait jamais de tout cela. Il fallait être de l'Est, compatriotes et amis comme nous l'avons été, pour qu'il se confie parfois, et mesurer combien il avait été profondément marqué, mais aussi trempé pour toujours par cette période héroïque, l'histoire exemplaire de son adolescence. Pour savoir aussi que, sous une attitude parfois implacable, il cachait une grande sensibilité. Il adorait la musique, regrettant de n'avoir pas eu le temps de s'y adonner. Je sais combien le geste de Pierre Devillers, ce soir, l'aurait touché. Une profonde humanité aussi. Après la première du très beau film « La vie est immense et pleine de dangers », que tous connaissent ici à Curie, il me confiait : « Tu sais, pendant la projection, ce gosse m'a vraiment ému aux larmes »...

Constant Burg est maintenant revenu à Strasbourg, enfin libérée, où il termine sa Médecine en même temps que sa Licence es Sciences-Physiques. C'est au cours de l'été 1945, encore sous l'uniforme de la Première Armée, qu'il rencontre Simone Heckel, Vosgienne, elle aussi brillante étudiante de la Faculté. Aujourd'hui, Simone Burg est une grande dame de la radiocancérologie lorraine. Beaucoup trop modeste, je tiens ici à lui rendre un particulier hommage pour son dévouement, le soutien déterminant qu'elle a sans cesse apporté à Constant dans une totale discrétion, et son immense courage.

Fin 1945, le professeur André Chevallier, titulaire de la Chaire de Biophysique de la Faculté de Strasbourg, prédécesseur du professeur Louis Bugnard à la Direction générale de l'Institut National d'Hygiène qui allait devenir l'INSERM, est, lors d'une épreuve orale qu'il préside, frappé par l'exceptionnelle intelligence, l'étendue des connaissances d'un jeune candidat. Mais aussi par sa franchise. Lorsqu'il lui fait remarquer qu'il ne l'a jamais vu à son cours, Constant, car c'est lui, répond : « C'est exact. Mais je connais entièrement le Classer »... Pour qui l'ignore, Otto Classer est l'Encyclopédie de la Biophysique en 3800 pages. En fait, rien d'étonnant. Simone me rappelait récemment le propos familier de Constant : « Depuis l'invention de Gutenberg, tout est dans les livres ». Dès la proclamation des résultats, le redoutable professeur Chevallier le convoque ... et lui propose d'entrer dans sa propre équipe ! La ligne de Constant est tracée. Sa carrière scientifique débute à vingt-deux ans. Jusqu'au dernier moment, il restera d'une fidélité absolue à la mémoire d'André Chevallier.

Tout l'intéresse. Son érudition est immense. Sa faculté de synthèse, prodigieuse. C'est aussi un enseignant remarquable : expliqués par lui, les mécanismes fondamentaux les plus complexes deviennent accessibles à tous. Son esprit est toujours en éveil sur les toutes dernières avancées scientifiques. Mais pas en contemplatif. En homme d'action. Il sait instantanément distinguer l'essentiel de l'accessoire, puis il s'y tient sans concession jusqu'au but. « Pour atteindre l'objectif », disait-il, « il faut contraindre sa pensée à rester linéaire ».

Premier au concours d'Agrégation de Biophysique de 1955, il est d'abord l'adjoint du professeur Chevallier à Strasbourg, contribue à mettre au point les applications du radiophosphate de chrome en médecine nucléaire et cancérothérapie, et signe avec lui l'une des meilleures synthèses de l'époque sur la biochimie du cancer. Puis il succède au Professeur Claude Kellersohn à la Chaire de Biophysique de Nancy lorsque ce dernier rejoint Paris en 1960. Il joue un rôle déterminant dans la création de l'Université de Nancy-Brabois et de son Service de Recherche en radiocancérologie aujourd'hui dirigé par l'un de ses brillants élèves, le professeur Bertrand.

Très vite, avec le soutien de ses amis de toujours, le président Meyniel et le professeur Milhaud, Constant se consacre à la réorganisation de la Recherche Médicale en France à travers L'INSERM, dont il sera Directeur Général à la suite du Professeur Aujaleu à partir de 1969. Puis viendra le Conseil d'Etat. Des orateurs prestigieux vont décrire maintenant ses combats pacifiques. Il en a mené beaucoup, pour la Recherche Médicale, pour la Santé Publique, pour l'Institut Curie. Tous pour l'intérêt général. Tous totalement désintéressés.

Permettez-moi d'en citer un seul, que nous avons mené ensemble jusqu'à son dernier souffle : la défense de l'équipement énergétique de notre pays, condition indispensable pour son avenir économique, sa santé, sa survie dans un monde menaçant. Pour les moyens essentiels de la Médecine et de la Cancérologie aussi. Je vous lis sa déclaration prémonitoire du 28 février 1996 : « La guerre froide est terminée. Elle a été remplacée par une guerre monétaire et économique. Dans cette guerre à laquelle nous sommes psychologiquement très mal préparés, les normes représentent un instrument redoutable, surtout les normes destinées à protéger la santé. Parce que, bien sûr, si elles sont raisonnables, elles protègent la santé des citoyens. Si elles sont déraisonnables, elles deviennent un instrument de guerre et permettent d'étrangler une économie. Depuis dix ans, nous voyons déferler tous les jours des normes nouvelles, de plus en plus sévères, avec comme caractéristique principale de n'avoir pratiquement aucun fondement scientifique » ... « En matière d'énergie nucléaire, la situation devient tout à fait dramatique. Nous avions des normes qui ont permis d'éviter tous les accidents possibles. Et ces normes, on a voulu les aggraver »... .« L'Académie des Sciences a pris une position courageuse, disant que le projet d'abaissement des normes était dépourvu de toute base scientifique sérieuse. Si ces normes sont appliquées, je crois que c'est le début de la fin du nucléaire en France »... « Le résultat de cet abaissement des normes va être que tout ce qui touche le nucléaire va être soumis à un surcoût gigantesque »... « Cela veut dire que notre économie va subir un choc gigantesque. Je ne suis pas sûr qu'elle soit capable de le supporter ».

Puissions-nous à temps comprendre son message. Il y va de notre survie à tous et de celle de nos descendants. Constant Burg a remis ses conclusions sur l'Energie Nucléaire au Premier Ministre dans un rapport courageux, lucide, incontournable. Plus que jamais d'actualité, il faut le relire. A cet égard, Constant ne cessait de rappeler les paroles de Winston Churchill après Munich : « Ils ont accepté le déshonneur pour éviter la guerre. Ils auront la guerre et le déshonneur ». Il ne supportait ni la lâcheté, partout dominante aujourd'hui, ni le langage fallacieux qui lui sert de couverture, ni le dogme du conformisme politique prétendant que l'on ne puisse avoir raison seul : l'histoire de sa vie toute entière en est le démenti absolu. Quel exemple !

Si je dois définir ses qualités fondamentales, elles sont : une intelligence hors du commun, le sens de l'Etat, l'intransigeante honnêteté, l'évaluation infaillible, l'esprit de décision immédiate, une exceptionnelle clarté dans l'expression, la précision et l'efficacité dans l'action. Et toute sa vie, le courage du combattant infatigable qu'il était déjà à vingt ans. ]e voudrais dire ici à Simone, à sa famille, ses collaborateurs fidèles et si dévoués, ses amis, tous ceux qui l'ont connu et aimé, combien je partage leur peine de l'avoir vu, après son ultime combat, disparaître si cruellement.