DEMANGE Charles

1815-1890

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ELOGE FUNEBRE

Je viens, au nom de la Faculté de médecine, rendre un dernier hommage au collègue qui vient de nous être enlevé, à l'homme de bien dont la carrière honorable s'est achevée au milieu de l'estime et de l'affection de tous ceux qui l'ont connu.

Charles Démange est né à Nancy, le 21 juin 1815. Il commença ses études médicales à l'École de médecine de cette ville, puis se rendit à Paris, où il fut l'élève de Yelpeau et de Grisolle, et le préparateur d'anatomie de Masse. Son ambition était d'arriver à l'internat. Il se présenta au concours ; la première épreuve le classait dans un rang favorable; il se voyait sur le point d'atteindre le but, quand un de ces accidents, malheureusement trop fréquents chez les anatomistes, vint l'arracher à la lutte et l'obliger à soigner sa santé sérieusement atteinte.

Docteur en 1840, Charles Démange revint se fixer à Nancy. Il ne tarda pas à occuper à l'École de médecine des postes successifs qui le mirent en relief : chef des travaux anatomiques en 1843, professeur suppléant en 1840, professeur adjoint en 1848, professeur de pathologie interne en 1850, il conserva cette chaire jusqu'à l'époque du transfert à Nancy de la Faculté de médecine de Strasbourg. Nommé alors professeur adjoint de pathologie générale et de pathologie interne a la Faculté, il fut admis à la retraite en 1880, avec le titre de professeur honoraire. En dehors de ses fonctions universitaires, Charles Démange a été médecin de la Maison des orphelines et médecin de l'hospice Saint-Julien.

Les distinctions ne lui ont pas manqué. Il était chevalier de la Légion d'honneur dès 1872. La Société de médecine l'a choisi deux fois pour président. Enfin le couronnement de sa carrière si remplie a été sa nomination à la présidence de l'Association des médecins de Meurthe-et-Moselle et à la vice-présidence du Conseil central d'hygiène. Il n'a abandonné ces deux postes d'honneur que le jour où sa santé ébranlée l'a déterminé à résigner toutes ses fonctions actives.

La vie si laborieuse de Charles Démange a été un modèle de dévouement, de ponctualité, d'attachement, au devoir. Jamais, dans les soins qu'il donnait à ses malades, il n'a ménagé ni son temps, ni sa peine et, dans les jours sombres de 1870, il a payé son tribut à son pays comme médecin en chef de l'ambulance du Séminaire.

Dans son enseignement, dans sa pratique médicale, le trait caractéristique de son esprit était un robuste bon sens, qui l'éloignait des théories chimériques et des médications aventurées. Tous ceux qui l'ont approché ont pu apprécier sa nature bienveillante, sa bonté, son caractère conciliant. L'état de son âme se reflétait dans l'enjouement de son esprit, dans sa physionomie empreinte de bonhomie, dans ses manières simples et cordiales. Cette sérénité de sa nature, cette bonne humeur inaltérable avaient le don, au chevet des malades, de dissiper les inquiétudes, de relever les courages chancelants. Elles ont été, en même temps, pour Charles Démange un gage de bonheur dans la vie.

Ne connaissant ni l'envie, ni la haine, il n'a pas su ce que c'est qu'un ennemi. Son existence s'est écoulée sans secousse, partagée entre ses devoirs professionnels et sa vie de famille. Il a goûté le calme du foyer domestique, entouré des soins dévoués de celle qu'il avait associée à sa vie. Il se complaisait au milieu de ses enfants et petits-enfants, et il était particulièrement fier des succès de son fils, qu'il a eu le bonheur de voir nommer professeur à la Faculté de médecine.

Charles Démange s'est éteint sans souffrances, léguant aux siens le plus beau des patrimoines : un nom honorablement porté et le souvenir d'une vie bien remplie.

Professeur A. HEYDENREICH