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Les jardins botaniques de Pont-à-Mousson

 

Jean FLOQUET

 

 

L’histoire des jardins botaniques est souvent étroitement liée à la médecine. Ils ont été pendant longtemps la source principale des moyens thérapeutiques appliqués aux malades. De ce fait, les étudiants devaient parfaitement connaître la botanique et la pratique de ces jardins était une obligation de leur cursus. Des étudiants apothicaires les ont également fréquentés pour les mêmes raisons. Celui de Nancy verra le jour à la période de Stanislas parallèlement à la naissance du Collège royal des médecins de Nancy au milieu du XVIIIe siècle. A Pont-à-Mousson, cette création est bien antérieure, puisque contemporaine de la fondation de la Faculté de médecine de cette ville à la fin du XVIe siècle.

 

Le premier jardin botanique de Pont-à-Mousson

 

La date exacte de création de ce jardin ne figure dans aucun acte officiel. Le doyen Jadelot (1700-1769) la situe en 1606, donc quelques années après la nomination du premier doyen, Charles Le Pois. La mention d’un jardin et d’un jardinier se retrouve dans deux actes de 1617 et 1623. L’existence de ce jardin permettra la création d’une chaire de Pharmacie qui sera confiée à Claude Haguenier en 1628. Par la suite, la responsabilité de ce jardin sera souvent une prérogative du Doyen en exercice.

Sa situation nous est connue. Il s’étend sur la rive gauche de la Moselle, entre le couvent des Antonistes et la collégiale Sainte-Croix, actuelle place Saint-Antoine. La Médecine (comme le Droit), était d’ailleurs logée sur cette rive, réputée plus « turbulente ».

Son évolution est en partie parallèle à celle de la faculté. Après un début favorable, il est victime des épidémies qui touchent les professeurs et le personnel, des guerres et invasions diverses, en particulier celle de 1670, par les troupes du Maréchal de Créqui. Cependant, les renseignements sur les premiers jardiniers sont élogieux : Samuel Philpin (ou Phulpin) obtient les mêmes avantages que les professeurs ; un brevet de jardinier simpliste est accordé à un apothicaire de l’Université, P. Loysie (1660). Nicolas Guébin, nommé une première fois professeur en 1655, est rapidement révoqué car il n’est pas docteur en médecine. Il occupe un poste de jardinier simpliste. Il est possible qu’il ait continué ses cours puisqu’il devait succéder à Haguenier. Ayant finalement soutenu sa thèse en 1675, il est nommé professeur sur le poste de Marc Barot décédé en 1679. Doyen en 1692, il aura donc la responsabilité de cet ensemble jusqu’à sa démission en 1720, peu de temps avant sa mort.

Au début de l’année 1699, la mention d’un jardin en mauvais état est signalée. Le duc Léopold donne une ordonnance où il demande que soit choisi « un lieu propre à établir un jardin pour cultiver les plantes médicinales… avec des démonstrations faites par les professeurs, où les écoliers seront exercés dans la pratique de la botanique ». Il ne semble pas que ces voeux aient été exaucés, tout au plus un début de remise en état, les étudiants continuant à aller herboriser dans la nature. Une nouvelle ordonnance en 1708 fait obligation à chaque professeur de faire des démonstrations deux fois par an et d’emmener leurs étudiants découvrir la botanique régionale dans la nature, quatre fois l’an.

L’hiver de 1709, particulièrement rude, sonne le glas de cette première réalisation. Léopold décide de donner le terrain à la ville de Pont-à-Mousson pour y édifier un grenier à blé afin de lutter contre la famine. Un marché couvert occupera plus tardivement cet emplacement. En contrepartie, la ville a le nouveau jardin à sa charge.

 

Le deuxième jardin botanique

Le premier juillet 1719, une nouvelle ordonnance du Duc Léopold cède une partie d’un terrain situé au « vieux château », terrain qu’il partage entre la faculté et les moines Capucins. Il demande que l’entretien soit effectué par « un jardinier expert dans la connaissance des plantes et arbustes médicinaux ». Ce vieux château a reçu des appellations différentes selon les époques : Neuves-Maisons, Chastel, Forte-maison… Il a servi de résidence aux ducs de Lorraine d’une façon inconstante. Il existait encore sous le règne de Charles IV (duc de 1624 à 1675). En 1677, il est en ruine et le terrain est donc libre. Il est situé un peu plus en aval que le précédent, mais toujours sur la rive gauche.

Buchoz (1731-1807) en donne une description précise. Le jardin comportait 2 carreaux de 8 planches, ces 16 planches correspondant aux 16 premières classes de la nomenclature de Joseph Pitton de Tournefort (1656). Une 17e planche est située contre les murs, enfin les 5 dernières classes correspondent à des arbres qui sont situés à l’entrée du jardin. Celui-ci est surtout peuplé de plantes indigènes mais pas exclusivement, comme en témoignent des commandes passées par les jardiniers.

Cette fois, les hommes qui le prennent en charge sont mieux connus.

Trois doyens se succéderont. Guillaume Pacquotte (1698-1723) inaugure cette charge. Il laisse cependant rapidement sa place à son décès. Maurice Grandclas (1689-1757), nommé doyen en 1723, lui succède ; il se trouve à la tête d’un jardin abritant 2000 plantes. Botaniste précis et doté d’un esprit clair, connaissant bien la flore locale, il s’occupe bien du jardin épaulé par un médecin de Nancy, François-Nicolas Marquet. Excellent botaniste également, Marquet publie un état du jardin en 1724, dénombrant 1720 plantes classées, nombre tout à fait important pour l’époque. En 1727, son « Index plantarum horti regii botanicis pontimussani »* sera une référence. Le classement est par ordre alphabétique mais avec un rappel de celui de Tournefort en fin d’ouvrage. Ce sera un de ses titres de gloire -justifié- dont il se servira dans ses démêlés futurs avec le « Collège royal des médecins de Nancy ». Le dernier directeur est Joseph Jadelot (1700-1769), ultime doyen de la faculté qui déménage en 1768 à Nancy, peu après la mort de Stanislas. Jadelot est un botaniste également réputé, notamment pour ses connaissances des plantes régionales.

Pendant cette même période, des jardiniers plus ou moins sérieux, mais en général compétents, se chargeront de l’entretien. Christophe Chevreuse, dit du Verger, assure cette charge dans un premier temps de 1719 à 1730. Travaillant à Remiremont, il obtient du Duc Léopold en 1718 d’installer un jardin de plantes médicinales à Pont-à-Mousson. Le prévôt de la ville doit même lui trouver un terrain. Cette tentative, mal perçue par la Faculté de médecine, conduira finalement Chevreuse à la tête du jardin de celle-ci. Connu dans toute l’Europe qu’il parcourt à la recherche de spécimens, il fait du jardin une réussite que viendront admirer des personnages illustres comme Lapeyronie (1678-1747), présent en Lorraine pour opérer le Duc Léopold d’une fistule anale (1722). Lapeyronie lui adressera de nombreuses plantes.

Progressivement, son efficacité semble diminuer et il doit quitter sa fonction pour des problèmes de moeurs, semble-t-il. Il est remplacé par Givaudan (1730-1742). Après des débuts prometteurs, celui-ci s’occupe plus du potager et du verger qui lui rapportent, que de la partie consacrée à la médecine. Il va donc être remplacé par Chevreuse qui fait une seconde apparition, courte, de 1742 à 1743. Le jardin fait l’objet d’un contrôle par le jardinier Breton qui se trouvera également associé à l’histoire du jardin botanique du Collège royal de Nancy**, par le futur Doyen Jadelot et par Bonjour, un apothicaire de Pont-à-Mousson. Chevreuse renonce rapidement à sa mission, vraisemblablement faute de moyens. Il est remplacé par un nouveau jardinier, Louis Pochard, de 1743 à 1764. Le jardin ne comporte plus que 400 plantes, mêlées à des légumes. Il est devenu impropre à l’enseignement des étudiants en médecine. Chevreuse fait une dernière apparition en 1764). Il tente de remettre le jardin en état, malheureusement l’hiver rigoureux de 1765 entraîne le dépérissement d’un millier de plants. Le transfert de la faculté à Nancy, trois années plus tard, sonne la fin de ce jardin qui fut, pendant un temps, une réussite admirée.

A Nancy, le jardin botanique sera également confié, pour un temps, aux médecins avant de voir se différencier des scientifiques botanistes. Il est vrai que, progressive- ment, les « simples » vont perdre de leur importance dans l’arsenal thérapeutique médical.

 

 

Les plans de l’Université de Pont-à-Mousson montrent l’existence d’un troisième jardin botanique sur la rive droite. Ce jardin répondait aux besoins de la pharmacie des Jésuites et n’avait donc aucun lien avec la Faculté de médecine.