LORRAIN Jean

 

1930-2007

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` sommaire

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Photos à l'hôpital Maringer vers 1960

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Histoire étonnante de Fernand Néault, le plus ancien hospitalisé de France (patient du Dr. Lorrain à Maringer).

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Ecrit à partir du discours prononcé aux obsèques par François Marçon à la Basilique Saint-Epvre (19 juin 2007)

 

Je voudrais évoquer, brièvement, si j'en suis capable, quelques étapes de la vie de Jean Lorrain et rappeler à certains d'entre vous des souvenirs de cet homme et ce médecin hors du commun.

Jean Lorrain a eu une vie pleine. Elle a pourtant été marquée précocement par un terrible événement, la mort dans des conditions dramatiques de son père, médecin, un 15 août, alors qu'il n'avait que 15 ans. Toute la vie de Jean Lorrain, comme celle de son père, a été tournée vers la médecine. Et quelle carrière médicale a fait Jean Lorrain, loin des honneurs !

Reçu brillamment à l'internat en 1954, il a été nommé chef de clinique dans le service des maladies infectieuses à l'hôpital Maringer, puis a passé le concours du médical des hôpitaux. Il a choisi de quitter le CHU en 1965 pour prendre les rênes de l'hôpital de Saint-Nicolas de Port qu'il a tenu jusqu'à sa retraite et où il a été si apprécié par ses malades et le personnel, tout en exerçant conjointement une carrière de médecine interne à Nancy, rue Isabey, puis rue de Verdun.

La première partie de la carrière de Jean Lorrain a été consacrée aux maladies infectieuses et il restera toute sa vie un grand infectiologue. Il s'est intéressé très tôt à la poliomyélite qui faisait rage dans les années 50. Il en a fait son sujet de thèse et s'est battu contre elle avec toute son énergie. Combien de jeunes poliomyélitiques lui ont voué une gratitude sans fin pour les soins qu'il leur a prodigués et encore davantage pour le soutien qu'il leur a apporté. Jean lorrain a été le premier à pratiquer des trachéotomies à Nancy après avoir été se former à l'hôpital Nestlé de Lausanne, pionnier en la matière.

Le poumon d'acier (quel nom !) n'avait pour lui aucun secret et lui a permis de faire vivre un nombre incroyable de patients atteints de cette terrible maladie. Les couloirs de l'hôpital Maringer raisonnent encore de certaines visites énergiques du Dr Lorrain, mais ils se souviennent aussi de sa gentillesse avec Fernand Néault, petit poliomyélitique de 12 ans, originaire du Doubs qui a appris à écrire avec ses pieds et avait comme plus grand plaisir, celui de dérober le stylo du Dr lorrain avec ses orteils pendant la visite.

Cette aventure de la poliomyélite a trouvé son aboutissement dans la création du « Voyage de l'Espoir » en 1963, avec l'aide et la ténacité du Dr François Cattenoz dont je salue ici la mémoire. Le Voyage de l'Espoir, pèlerinage des polios de Lourdes, deviendra ultérieurement le pèlerinage international des polios. Quelle aventure pour l'époque ! N'oubliez pas qu'il fallait transporter à Lourdes en train des malades extrêmement fragiles, avec un matériel de réanimation très encombrant pour certains, modifier les horaires des trains, assurer la surveillance pendant le voyage, accueillir les malades à Lourdes, les héberger avec leur matériel. Combien d'heures de travail cela a-t-il demandé pour que le voyage de l'espoir de ces malades se fasse sans incident et ne déçoive pas leur enthousiasme. Mgr Pirolley, évêque de Nancy avait tenu, je le cite, à remercier le Dr Jean Lorrain pour sa science, sa délicatesse d'âme et son dévouement. Jean Lorrain a été décoré de la médaille d'honneur de la ville de Lourdes par son maire Douste-Blazy et c'est bien la seule médaille que Jean Lorrain n'ait jamais acceptée. Tous les malades, les brancardiers de Lourdes dont Jean Lorrain faisait partie, les infirmières, les aides-soignantes lui ont voué et lui vouent encore un amitié et un respect inaltérables.

Je crois que cette mission du Voyage de l'Espoir ne pouvait être accomplie qu'avec la foi en Dieu qu'avait Jean Lorrain et son amour pour la Vierge Marie qu'il a toujours eu en lui. Lourdes a fait partie de Jean Lorrain toute sa vie. Il a rencontré au cours de cette aventure de nombreux médecins français et européens avec lesquels il a créé de solides amitiés Il faisait toujours partie du comité international d'organisation du pèlerinage des polios et tenait encore l'an passé le poste de secours de Lourdes lors du pèlerinage du rosaire.

Jean Lorrain, pour tous ceux qui l'ont connu, c'était avant tout une formidable énergie qui lui a permis d'être à la fois chef de service de l'hôpital de Saint-Nicolas de Port, d'exercer sa clientèle de médecine générale, d'être expert près la cour d'appel de Nancy, expert de la sécurité sociale, expert de compagnies d'assurance, d'être administrateur de la CARMF, membre de la société française de médecine interne, membre du conseil départemental de l'ordre des médecins et j'en oublie. Les journées de Jean Lorrain commençaient souvent à 4 heures du matin pour se terminer tard dans la nuit. Sa famille en sait quelque chose. Cette incroyable énergie n'était pas vaine cependant, elle était toujours tournée vers les autres, vers sa famille, ses malades, ses collègues et ses élèves.

Jean Lorrain a été un maître de médecine, comme il y a des maîtres de musique : pour Dominique, sa fille, pour Philippe, son fils, pour moi, son gendre, pour Olivier son petit-fils, mais aussi pour beaucoup d'autres qui se reconnaîtront. Pour ses collègues, il était toujours d'un précieux conseil. Jean était un vrai médecin, au sens le plus noble du terme, restant au chevet de ses patients, essayant de leur obtenir des facilités pour leur traitement, se battant pour l'obtention d'emplois. J'ai vu la salle du café du petit village des Vosges où il avait sa maison de campagne se transformer le dimanche en véritable salle de consultation avec les habitants du village venant lui demander des conseils ou essayer d'obtenir plus facilement un matériel médical. Il connaissait tous les habitants du village par leur prénom ou leur surnom. Moi., je regardais et c'était pour moi une vraie leçon de vie. A l'heure où l'évolution technique de la médecine, si indispensable, s'accélère à une vitesse impressionnante, il faut se rappeler de Jean Lorrain et des vertus de la médecine qu'il incarnait : le bon sens, le dévouement et l'humanisme. Sans ces principes fondamentaux de la médecine qu'avait Jean Lorrain, je crains que cette dernière n'évolue pas dans une bonne direction et que le terme de médecin sonne faux et creux dans l'avenir.

Je voudrais aussi évoquer l'homme qu'était Jean lorrain ou tout du moins la façon dont je l'ai perçu. Jean Lorrain avait un esprit brillant et un esprit de synthèse hors du commun. C'était un homme droit. En dehors de sa culture médicale encyclopédique que tout le monde lui reconnaissait, il avait également une très grande culture musicale et historique. Il avait aussi la passion de la botanique. Jean Lorrain était quelqu'un dont on recherchait la compagnie. Il avait une gentillesse naturelle qui était parfois masquée par une certaine rudesse. Il avait toujours un bon mot. Il était fidèle en amitié. Il écoutait les autres. Il n'était pas triste et son énergie interne se retrouvait dans ses conversations. Il était aussi taquin, mais uniquement avec les gens qu'il appréciait fortement. Il adorait sa famille et sa famille le lui rendait. Claude son épouse qui a toujours été à ses côtés, lui a toujours été d'une aide précieuse et a su le soutenir dans les moments difficiles. Il l'aimait et elle l'aimait.

Merci encore une fois à vous tous d'être venus aujourd'hui accompagner Jean pour son dernier pèlerinage. Et je sais que certains sont venus de loin, d'Allemagne, de Suisse , d'Italie. Vous avez été tous ses amis et vous l'êtes toujours.