MIDON Jacques

1913-1965

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ELOGE FUNEBRE

Jacques Midon, Chirurgien des Hôpitaux, Professeur à titre personnel, Président de notre Association des internes, était né à Diarville, le 21 décembre 1913. De vieille souche lorraine, il était le fils du Docteur Raymond Midon, qui finit sa carrière au Dispensaire Villemin.

Brillant élève du Lycée d'Epinal, il fut dans notre Faculté un étudiant aussi brillant, travaillant l'anatomie et passant ses premiers concours dès 1934. Reçu interne en 1938, il choisit d'abord un service de médecine, et je le vis arriver chez le Professeur Ribon ; il fut ensuite l'élève des Professeurs Chalnot, Hamant et Bodart avant de devenir en 1944 le Chef de Clinique de ce dernier.

Assistant de Chirurgie, puis admissible à l'agrégation de Chirurgie en 1946. il vint aider le Professeur Rousseaux en Neuro-Chirurgie d'abord, ensuite à la Clinique Chirurgicale B, et pendant plusieurs années, partagea les travaux, les soucis et les joies de ce Maître incomparable, pris par l'esprit d'équipe que ce dernier avait su créer autour de lui.

Mais Rousseaux disparut en pleine activité, et Jacques Midon, Chirurgien des Hôpitaux depuis 1951 prit le Service de la Maison de Secours qu'il anima de son mieux, s'adonnant à toutes les branches de la chirurgie et particulièrement à la pathologie digestive.

A son tour il paya tribut à la maladie, sacrifiant dès 1961 son activité personnelle pour garder jusqu'au bout son activité hospitalière. Au printemps de 1965, les événements se précipitèrent: longtemps alité, il se releva quelque temps. Ou le revit à l'Hôpital, puis il revint à Bon Secours au cours de l'été, une dernière fois...

Jacques Midon était un être charmant pour qui l'avait deviné, tel qu'il était réellement, sous sa rudesse apparente et ses boutades: coeur d'or, âme des plus sensibles, il ne vivait que pour les siens et sa profession, ne chérissant rien de plus au monde que sa famille et ses malades. Il se reposait de ses longues séances opératoires en enseignant la pathologie chirurgicale aux jeunes étudiants, à ses externes qu'il initiait en véritable frère aîné, en prenant en main l'avenir des jeunes Internes, lorsqu'il accepta d'être notre Président. Avec lui, pas de digressions historiques ou pathogéniques : homme de bon sens, il s'en tenait à l'examen clinique, au raisonnement logique, et avait le triomphe modeste lorsque la sûreté de son bistouri apportait la confirmation du cas épineux, longuement dis­cuté, et plus longuement médité encore, avant d'être publié.

Rousseaux l'avait choisi, et l'élève fut digne du Maître ; le Professeur Bodart lui avait appris l'art de réfléchir, le Professeur Kissel la rigueur du raisonnement neurologique ; Rousseaux en fit un neuro-chirurgien, et ce fut pour lui l'époque heureuse, aussi heureuse que brève, hélas! car les chagrins ne lui furent pas épargnés. Deuils familiaux ; sa mère d'abord, puis son père; une fille enfin, à la fleur de l'âge et encore son frère cadet. Insuccès personnels également, car il frappa plusieurs fois à la porte de la Faculté, en vain ; il était victime de la disparition de son Maître Rousseaux dont il était resté meurtri. Par un juste retour des choses, il allait à la satisfaction unanime, devenir Professeur à titre personnel, quand ce titre bien mérité lui fut contesté.

Mal rétabli de ces coups répétés du sort, il se vit lui-même atteint par la maladie et condamné à une activité limitée, ce qu'il supporta en silence, en se renfermant sur lui-même. Ses amis s'inquiétaient, l'affection des siens calma ses peines... mais le moral était également touché et sa sensibilité à vif. Je ne me permettrai pas ici d'insister sur le calvaire de sa femme, notre camarade Andrée Tirole : elle n'a vécu que pour lui, son bien-être et sa tranquillité, pour que le bonheur du foyer lui fasse oublier les injustices de certains concours officiels.

Grâce à son coeur de femme, la paix revint... mais le corps était à bout, et Jacques Midon rendit son âme à Dieu le 9 septembre 1965. Ses amis, anciens Internes, et Internes, ne pourront l'oublier.

Docteur P. BRIQUEL