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PAUL SPILLMANN

 

Extrait de la thèse de médecine de Fabien Pageot

LA LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE

UN EXEMPLE D’INITIATIVE PHILANTHROPIQUE EN LORRAINE

LE SANATORIUM DE LAY SAINT CHRISTOPHE A L’AUBE DU XXe SIECLE

Nancy – Novembre 2007 

 

Son enfance

Nous ne pouvons parler du professeur Paul Spillmann sans situer ce fondateur de la médecine moderne nancéienne dans son environnement familial. La famille inculque les bases de l'éducation qui feront l’homme qu’il sera. L’Ecole puis l’Université forgent et impriment les connaissances nécessaires à cet homme pour qu’il s’épanouisse et se réalise.

Paul Spillmann est né à Nancy le 16 février 1844. Il est le fils de Elisa Spillmann née Wehrlin et de Martin Spillmann. Son père, Martin Spillmann est né en 1800, il est le fils d’un artisan cordonnier qui à la Révolution est devenu percepteur des contributions directes à Herrlischeim, village situé dans les environs de Colmar. En 1827, à l’âge de 27 ans, après des études probablement poursuivies à Strasbourg Martin Spillmann est nommé chirurgien à l’hôpital militaire Saint Jean à Nancy. Cet hôpital, fondé en 1724 par le duc de Lorraine Léopold et initialement situé rue Stanislas, fut transféré en 1768 par décision royale le long de la place Saint Jean, siège qu’il conservera jusqu’en 1909. Martin Spillmann épouse Marie- Anne Helminger en 1828 avec qui il aura deux enfants : Emilie en 1829 et Eugène en 1833.

Un an après son arrivée à Nancy, Martin Spillmann quitte l’armée pour exercer son art de façon libérale. Marie Anne Helminger décède en 1842 et l’année suivante, il épouse en secondes noces Elisa Wehrlin. Celle-ci dirigeait une pension de famille pour jeunes filles d’origine étrangère, précisément des jeunes filles germanophones, située dans le quartier Saint Sébastien.

Le couple Spillmann marié en 1843 s’installe au 28 de la Rue des Ponts à Nancy la même année. Puis l’année suivante le jeune couple déménage pour la Rue des Sapins. Martin Spillmann conserve un local dans le quartier Saint Sébastien afin d’exercer sa profession de médecin. C’est le 17 février 1844 que naît Paul Spillmann.

En 1845, la famille Spillman quitte Nancy pour un séjour à Cologne. Ils ne reviendront en Lorraine qu’en 1861 après une halte strasbourgeoise de 4 ans. Paul Spillman aura donc passé l’essentiel de son enfance en Allemagne ce qui explique son bilinguisme et ce regard porté tout au long de sa carrière de l’autre côté du Rhin.

 

Sa scolarité

Paul Spillmann est élève au lycée impérial de Strasbourg de 1857 à 1861 puis à celui de Nancy. En août 1862, il est reçu bachelier ès Lettres, puis ès Sciences en septembre de la même année. C’est brillamment que le jeune Paul Spillmann clôt ses études secondaires.

En octobre 1862, Paul Spillmann est admis à la faculté des Sciences de Nancy, situé au Palais de l’Académie de Nancy, l’actuelle Faculté de Droit sur la place de Grève actuelle place Carnot. Après quatre années d’études, en juillet 1866, Paul Spillmann est licencié ès Sciences Naturelles. Il sera le seul étudiant admissible à cette matière cette année-là. Sur les treize étudiants qui se présenteront toutes disciplines confondues, seulement huit seront reçus, en ces moments, la Faculté de Sciences ne délivrait que trois Licences : Sciences Naturelles, Physique et Mathématiques.

 

 

Les cinq Professeurs de la Faculté de Sciences.

en haut :MM. Lafon(mathématiques), J.Chautard(physique)

en bas : J.Nicklès(chimie), D.Godron (sciences naturelles), N.Renard (mathématiques)

 

Le nombre d’étudiants n’est pas connu car on ne dispose que des registres des licenciés et non de tous les étudiants, mais il semble qu’il fut très limité compte tenu du coût de l’inscription.

En effet, ils devaient s’acquitter des droits de participation aux manipulations qui s’élevaient à cent cinquante francs auxquels s’ajoutaient trente francs d’abonnement pour la mise à disposition du matériel ; le prix à payer pour suivre les conférences était de cent cinquante francs, redevables de moitié en novembre puis en janvier. A titre indicatif, le salaire pour une ouvrière du textile dans la ville de Lyon variait entre 83 centimes et 2 francs 50 centimes pour une journée de 12 heures. Pour se loger, elle dépensait 160 francs par an et pour se nourrir 90 centimes par jour.

De cette formation initiale, Paul Spillmann acquit une méthode d’analyse rigoureuse et scientifique. Le doyen Godron au cours de son enseignement lui aura inculqué les techniques de laboratoire et les nouveaux procédés d’analyse qui permettront toutes les découvertes à venir dans le domaine des Sciences Naturelles. Cette ouverture d’esprit lui permettra par la suite d’appliquer au champ médical nombre de procédés novateurs permettant un diagnostic basé sur des principes scientifiques. Ainsi, il traduira de l’Allemand l’ouvrage du docteur H.Frey dédié au fonctionnement et à l’usage du microscope. Puis du même auteur, il traduira deux ouvrages traitant d’histologie et d’histochimie. Paul Spillmann avait ainsi compris très tôt que des constatations cliniques découlaient leurs natures ou traductions microscopiques.

 

Une vocation médicale

Parallèlement à ses études de Sciences Naturelles, Paul Spillmann s’inscrit à l’école de Médecine de Nancy de 1862 à 1866. En 1864 et 1865 il sera lauréat de l’école. Il sera aussi interne des Hôpitaux de Nancy.

En 1866, il est reçu externe au concours des Hôpitaux de Paris. C’est donc dans les différents hôpitaux parisiens de la future AP-HP que le jeune Paul Spillmann apprendra auprès des maîtres parisiens son futur métier de médecin.

Ainsi, il fréquenta successivement :

• Le service du professeur E.Woillez à l’hôpital Cochin en 1866,

• Le service du professeur A.Grisolle à l’Hôtel Dieu en 1867,

• Le service du professeur U.Trélat à l’hôpital Saint Louis en 1868,

• Le service du professeur Cadet de Gassicourt à l’hôpital Lariboisière en 1868,

• Le service du professeur Guyon à l’hôpital Necker en 1868,

• Le service du professeur Delpech à l’hôpital Necker en 1868,

• Le service du professeur Fournier à l’hôpital Lourcine en 1869.

L’année 1867 voit les premières publications :

• « La pseudo leucémie ou maladie connue sous le nom d’adénie » est publiée en août dans les Archives générales de Médecine.

• La traduction du Traité d'Histologie du docteur Heinrich Frey, qui joua un rôle important dans le développement de l'Histologie en France. Cet intérêt pour les sciences nouvelles de l’époque montre le visionnaire qu’il était à un âge où la génération spontanée faisait office de loi et de certitude.

Il soutient en 1869 sa thèse de doctorat sur les Syphilides vulvaires. Le voilà donc fraîchement Docteur en Médecine à la veille de la Guerre de 1870.

À vingt-cinq ans, il revient à Nancy où il se marie avec Augustine Lhuillière le 20 août 1869.

La guerre éclate, Paul Spillmann est d’abord médecin au Service d’ambulance de la Prison de Nancy puis au Service d’ambulance de la Manufacture des Tabacs.  

Devant ses différents travaux parisiens, ses anciens professeurs de l’Ecole de Nancy lui confient l’enseignement d’histopathologie auprès de leurs étudiants, ce qu’il accepte avec le plus grand enthousiasme. C’est pour lui une opportunité de faire passer des idées novatrices dans un milieu bien trop souvent assis sur un passé de certitudes préétablies.

 

Les origines de la faculté de médecine de Nancy

L’environnement dans lequel évolue Paul Spillmann en début de carrière a aussi son importance pour mieux le situer. L’enseignement médical à Nancy s’exerce dans une Ecole préparatoire. La Faculté de Médecine de Nancy n’existe pas encore. Paul Spillmann intégrera son corps enseignant dès la création de la jeune Faculté nancéienne.

En 1870, la France en effet seulement compte trois Facultés : Paris, Montpellier et Strasbourg et vingt-deux Ecoles de Médecine dont celle de Nancy créée en 1822, devenue Ecole préparatoire en 1843. L’Ecole de Nancy, située dans le palais de l’Académie (l’actuelle Faculté de Droit), a un nombre d’étudiants modeste. Huit professeurs titulaires et trois professeurs adjoints forment le collège enseignant. Depuis 1850, son directeur est Jean- Baptiste Edmond Simonin.

La Faculté de Strasbourg est une des trois Facultés créées en 1803. Elle compte 16 professeurs et 16 agrégés, son doyen est Joseph Alexis Stoltz.

L’entente entre Nancy et Strasbourg est très partagée. D’une part, Nancy se plaint de voir de potentiels étudiants partir vers Strasbourg où ils pourront accomplir la totalité de leur cursus, ce qui n’est pas possible dans une école préparatoire. D’autre part, Strasbourg accuse Nancy du même méfait en tentant d’obtenir, dès 1866, la transformation de son école en Faculté.

Par ailleurs, la Faculté de Strasbourg souhaite la suppression des écoles préparatoires au profit de la création de deux ou trois Facultés nouvelles dans de grandes villes raisonnablement espacées les unes des autres, ce qui, à l’évidence, excluait Nancy.

Après un siège douloureux et destructeur d’une quinzaine de jours, les troupes allemandes entrent dans Strasbourg le 28 Septembre 1870. Quelques mois s’écoulent, la Faculté, toujours française, n’a pratiquement pas repris l’enseignement. Les Strasbourgeois, désemparés, attendent la décision du gouvernement français concernant leur futur. Or, celui-ci ayant d’autres priorités tarde à se manifester. En juillet 1871, le doyen Stoltz se rend à Paris pour faire part au Président Thiers des desiderata strasbourgeois ; à savoir qu’ils souhaitent maintenir l’unité du corps professoral et être transférés dans une grande ville, de préférence Lyon qui semble offrir des moyens bien supérieurs à ceux d’autres villes.

Deux protagonistes étaient en lice pour accueillir les Alsaciens : Nancy et Lyon. Nancy bénéficiait d’un argument politique : à savoir qu’il convenait de maintenir une influence française sur le territoire annexé, et d’autre part il fallait maintenir la rivalité scientifique en regard des institutions allemandes. La réunion de trois Facultés à Nancy permettrait de constituer un pôle scientifique rival des universités allemandes sur notre frontière. En 1871, le Conseil Municipal de Nancy s’engage à fournir les efforts nécessaires pour accueillir la Faculté de Médecine de Strasbourg et en particulier de fournir une capacité hospitalière de qualité.

L’Ecole de Médecine lyonnaise est prête à devenir Faculté, « Paris centralisatrice est débordée (...)Montpellier est en pleine décadence (...) Strasbourg n’existe plus...». Lyon possède une école qui peut être du jour au lendemain transformée en Faculté. Les Lyonnais souhaitent créer une nouvelle Faculté de Médecine sans pour autant accueillir l’héritage strasbourgeois.

Un troisième protagoniste vient s’inviter à la fête, la Faculté de Médecine de Montpellier qui par une commission locale avait rendu un rapport stipulant :

que deux Facultés étaient suffisantes en France (Paris et Montpellier).

que les professeurs de Strasbourg souhaitaient rester à Strasbourg et pour ceux, peu nombreux, qui désiraient quitter Strasbourg, ils seraient répartis entre Paris et Montpellier.

On peut y voir une manipulation visant à discréditer la candidature lyonnaise afin que Montpellier conserve son rayonnement dans le sud de la France.

Toujours est-il que la faculté de Strasbourg devait être transférée. Nancy et Lyon sont prêtes à l’accueillir. Mais ce transfert signifie-t-il importer dans une autre ville la faculté de Strasbourg avec tout son personnel. Ou s’agit-il simplement de transformer une Ecole de médecine existante en Faculté en y maintenant son propre personnel ?

Le 1er octobre 1872, A.Thiers signe le décret de « transférement » à Nancy de la Faculté de Strasbourg. Lyon se contentera d'accueillir l'école militaire de Strasbourg transférée, et deviendra à son tour Faculté, ainsi que Bordeaux, en 1874. Nancy accueillera alors les maîtres strasbourgeois émigrés et le doyen Joseph Stoltz, strasbourgeois, deviendra le premier doyen de Nancy : sur 16 chaires, 3 seulement reviennent à des Nancéiens. Le 10 novembre 1872, la Faculté de Médecine de Nancy ouvrait ses portes aux étudiants et c’est en qualité de directeur des autopsies que Paul Spillmann intègre la jeune université. Bien sûr, il poursuit ses conférences d’histologie auprès des étudiants.

Le jeune docteur prend une part active dans le mouvement médical de l’époque. En effet il multiplie les publications dans les différentes revues scientifiques de l’époque. En 1872, il devient secrétaire de la Société de Médecine de Nancy. En 1873, c’est la Société des Sciences qui lui ouvre ses portes. Ses publications sont très éclectiques ; toutefois les maladies vénériennes auront sa préférence. En 1874, il devient membre correspondant de la société des sciences du grand duché de Luxembourg. En 1877, il est nommé chef de clinique médicale.

En 1878, il est reçu au concours de l’agrégation section médecine avec une thèse sur la tuberculose du tube digestif : « De la tuberculinisation du tube digestif ».

À partir de cette année, il assure durant les vacances académiques la suppléance de la Clinique Médicale et ce jusqu’en 1882.

 

La Maison de Secours

En 1879, Paul Spillmann est nommé médecin de l’Hôpital départemental qui est l’ancienne maison du Refuge établie en 1624. C’est durant cette période qu’il sera confronté et sensibilisé aux pathologies de la misère et de la précarité. Parallèlement, il est chargé d’une conférence de diagnostic médical.

En 1872, lors du transfert de la faculté de médecine de Strasbourg à Nancy, la clinique d’accouchement et l’enseignement de l’obstétrique sont installés à la Maison de Secours. En 1880, la faculté de médecine crée un enseignement de dermatologie et de syphiligraphie confié au Professeur Paul Spillmann. La Maison de Secours comporte alors quatre services :

• La maternité et l’école de sages-femmes

• La dermatologie

• La médecine

• La chirurgie des maladies chroniques

En 1883, Paul Spillmann est nommé président de la Société de Médecine de Nancy.

 

Paul Spillmann, « le Maître »

« Le Maître », terme familier par lequel se plaisaient à l’appeler nombre de ses élèves. Je crois que c’est le qualificatif qu’il convient de donner à Paul Spillmann, ce médecin parvenu au sommet de sa carrière, reconnu, qui aurait pu se reposer sur ses lauriers et s’installer dans la bourgeoisie nancéienne. Mais il n’aura de cesse de transmettre non seulement ses connaissances mais aussi ses valeurs humanistes qui semblent avoir guidé l’ensemble de ses actions. Quarante promotions de médecins peuvent s’enorgueillir d’avoir bénéficié de ses « leçons » comme il aimait à appeler ses cours.

Paul Spillmann devient titulaire en 1887 de la chaire de Clinique médicale B à l’âge de 43 ans, en remplacement du Professeur Victor Parisot admis à faire valoir ses droits à la retraite.

Dans sa leçon d’ouverture du cours de clinique médicale, Paul Spillmann énonce les grands principes qui lui sont chers.

Empreint d’un profond respect pour ses prédécesseurs que furent Schützenberger et Victor Parisot, il se veut pour ses étudiants un modèle ou tout du moins un exemple. Suivre les traces sans rester dans les sillons du passé, voilà comment Paul Spillmann concevait la Médecine et son apprentissage.

« Ayez une jeunesse non pas sombre et morose, mais laborieuse et grave ; soyez des hommes non de plaisir mais d’étude ; recherchez des amis sérieux et dignes ; lisez assidûment les auteurs qui font autorité, analysez leurs ouvrages, rapprochez de leurs observations consciencieuses vos propres observations ; vivez dans le commerce des maîtres qui par leur caractère comme par leur intelligence ont honoré la médecine. »

Pour lui, vouloir devenir médecin signifiait entrer en religion. Véritable vocation, elle ne doit supporter aucune conciliation ; l’étudiant sans relâche doit faire preuve d’abnégation, d’esprit de sacrifice pour espérer toucher le but qu’il s’est fixé.

« Pour étudier avec succès la médecine, il faut l’aimer et l’aimer avec passion ; et comment ne pas l’aimer avec passion quand on comprend toute la beauté de la science médicale ? Si donc vous n’avez pas de vocation, si vous n’avez pas l’amour du métier, le sentiment du devoir, de l’abnégation, du sacrifice, retirez-vous »

Paul Spillmann se veut un juge et un professeur impartial, seul prime l’intérêt du patient. Il aime à rappeler que sans le malade, le médecin n’est rien. La science médicale telle qu’il la conçoit et la pense s’acquiert certes dans les livres mais aussi et surtout au lit du malade.

L’étudiant doit être rompu aux nouvelles données de la science : pour cela, il devait embrasser plusieurs disciplines comme la chimie, la physique, l’histologie, l’anatomie... L’étudiant doit aussi avoir un regard critique et ouvert sur tout ce qui se fait et s’écrit à l’étranger. Pour Paul Spillmann, la Science n’a pas de frontières.

« C’est de la Clinique que vous attendez toute votre initiation pratique à la médecine. Vous cherchez presque tous à devenir, non pas des savants, mais des praticiens…. Les laboratoires rendent de grands services. Mais l’art de reconnaître et de traiter les maladies ne s’apprend ni dans les leçons théoriques, ni dans les laboratoires de chimie ou d’anatomie. Pour le médecin, le vrai laboratoire c’est l’hôpital ; c’est là que vous devez passer vos journées. »

Nombre de médecins peuvent revendiquer l’honneur d’avoir été ses élèves. Parmi eux, certains sont même devenus à leur tour « des Maîtres ». La majeure partie de son enseignement s’est réalisée à l’hôpital au lit du malade. Il a formé des médecins, les a sensibilisés à la misère humaine. Durant ces nombreuses années, il s’est attaché à trouver des remèdes aux maladies sociales en s’occupant des indigents. Par sa sensibilité, sa compréhension et son empathie, Paul Spillmann a largement contribué à ouvrir des voies, notamment celles de la médecine sociale. Ses idées « d’Hygiène Sociale » seront quelques années plus tard reprises et développées par le professeur Jacques Parisot qui fut son élève et qui fondera en 1920 l’O.H.S. (Office d’Hygiène Sociale).

« Combien de ces pauvres ont contracté dans un rude labeur, dans un continuel dévouement, dans des privations méritoires, le germe de leur maladie ; combien supportent avec une silencieuse patience des souffrances qui les conduiront à la mort, ou combien attendent avec une généreuse ardeur le moment de reprendre leur travail ! »

Paul Spillmann, c’est aussi un esprit en avance sur son temps. Son plus grand engagement est sans doute le combat qu’il a mené contre la tuberculose. À l’heure de la diathèse tuberculeuse, il adhère à la théorie « farfelue » de J.A.Villemin qui fait de la tuberculose une maladie contagieuse. C’est grâce aux observations recueillies outre-Rhin avec d’autres de ses confrères comme le Professeur Haushalter que s’organise à Nancy un collège de praticiens qui militent ardemment pour que les patients tuberculeux soient confiés à des hôpitaux spécialisés. Très tôt, il a été confronté à des patients issus de milieux défavorisés et très vite il a compris que pour traiter l’humanité, il fallait aussi agir sur son comportement et son habitus.

Comme nombre de ses confrères, il était d’avis que la tuberculose se développait principalement auprès des populations miséreuses. Donc, pour pouvoir endiguer ce « fléau national », il fallait que les plus « pauvres » puissent avoir accès aux soins. Son idée était simple mais révolutionnaire pour l’époque : créer pour eux un établissement calqué sur le modèle allemand de sanatorium populaire où les plus pauvres de la société pourraient prétendre à un traitement jusque-là réservé aux « riches ». C’est dans cette optique que le projet du sanatorium de Lay Saint Christophe fut établi en 1900. Ainsi, la cure d’air se démocratisait à Nancy.

Il fut aussi associé à Hippolyte Maringer, maire de Nancy, pour la réalisation de l’Hôpital- Sanatorium Villemin. En effet, c’est lui qui fut le promoteur de l’acquisition d’un couvent du Sacré-Coeur, mis en vente par les religieuses exilées.

Ses travaux qu’ils portent sur la médecine générale, la syphiligraphie ou la dermatologie ont largement contribué à l’essor de ces disciplines. Il a contribué à l’extension du cadre nosologique de la syphilis en montrant son rôle dans de nombreuses affections nerveuses, cardiaques, vasculaires ou encore organiques.

Outre les communications présentées à la Société de Médecine de Nancy, Paul Spillmann a rédigé un Manuel de Diagnostic Médical qui sera traduit en Italien et en Espagnol. Avec son ami et confrère, le Professeur Haushalter, il publie un Précis de Diagnostic Médical et d’Exploration Clinique. Il collabore au Traité Thérapeutique Appliqué de Robin et il rédige plusieurs articles pour le Dictionnaire Encyclopédique des Sciences Médicales de Decambre.

En octobre 1913, le Professeur Paul Spillmann est cité à l’ordre de la Légion d’Honneur au rang de Chevalier dans la promotion dite de « l’Institut Pasteur ». Cette nomination est unanimement saluée par la population nancéienne et par la communauté scientifique de l’époque. À l’occasion de cette décoration, ses anciens élèves avaient fait graver par Prudhomme une plaquette à l'effigie du Maître. Il était projeté de la lui remettre dans l'amphithéâtre de la clinique où tant de générations avaient assisté à ses leçons. Il n’aura pas la joie d’assister à cette cérémonie. Le 22 février 1914, Paul Spillmann s’est éteint à Nancy à l’âge de soixante-dix ans.