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LES SOINS DENTAIRES AU DEBUT DU XVIIIe SIECLE :

PRATIQUE DES SEPT OPERATIONS PAR PIERRE DIONIS (1707)

 

Catherine STRAZIELLE

 

A la toute fin du XVIIe siècle, l’Edit royal de 1699 crée le Corps des “Experts pour les dents” sous la dépendance des Chirurgiens. Pierre Dionis (1643-1718), chirurgien et anatomiste français sous le règne de Louis XIV, publie en 1707 son ouvrage le plus célèbre, les “Cours d’Opérations de Chirurgie, démontrées au Jardin Royal“.

Dans la septième démonstration, Dionis présente les soins dentaires qu’il décrit en sept

opérations :

- “la premiére est d’ouvrir ou d’écarter les dents quand elles sont trop serrées” : il s’agit ici de la manière de traiter un trismus. Les méthodes préconisées par Dionis sont radicales dans le seul but d’alimenter le malade : le Chirurgien se sert d’un “élévatoire”, sorte de vérin à vis pour écarter les mâchoires, puis un bâillon est laissé en place. Par contre, “s’il était impossible de désserer les dents, il en faudrait casser quelqu’une au malade…ou bien on tâcherait de faire entrer du bouillon par les narines, …”.

- “la deuxiéme de les nétoyer quand elles sont sales” : la brosse à dents n’a pas encore fait son apparition mais les soins d’hygiène sont déjà pratiqués parmi les classes fortunées : cure-dents ou plumes après les repas et petites éponges pour frotter les dents chaque matin.

Cependant, le Chirurgien ou plutôt l’Opérateur se doit d’intervenir pour ôter “de petites croutes ou des écailles si dures qui rendent les dents jaunes”. Dionis préconise de poser le genou à terre pour travailler plus commodément ; il conseille la douceur et la propreté ; les instruments, petits, sont ordinairement en acier mais en or pour le Roi et les Princes. Après le détartrage, les gencives sont frottées avec de la racine de guimauve.

- “la troisième, d’empêcher qu’elles ne se gâtent” : si les soins d’hygiène sont conseillés à cette époque, c’est pour contrer les incommodités et non pour préserver la santé dentaire car la découverte de l’origine microbienne de la carie est plus tardive. C’est la “pituite du cerveau (du latin pituita, mucosité) qui, en tombant sur les mâchoires cause la carie”. , mucosité Ne pouvant “faire prendre une autre route à cette sérosité”, Dionis préconise de parer la cavité carieuse avec une rugine ou une lime “pour effacer la noirceur” avant de la cautériser à l’huile de souffre, au vitriol ou à la chaleur.

- “la quatriéme, de boucher les trous qui s’y sont faits” : car les dents cariées “rendent la bouche mauvaise … pour celui qui s’en approche”. Dionis conseille des morceaux d’or ou d’argent battu, de la forme du trou, ou du plomb plus maniable et modelable, ou encore de la cire.

- “la cinquiéme, de les limer quand elles sont trop longues et inégales” : les dents sont usées au moyen d’une petite lime emmanchée lorsqu’elles se chevauchent, pour les mettre de niveau ou pour les polir lorsqu’elles présentent des aspérités qui peuvent piquer la langue ou les joues.

- “la sixiéme, de les arracher quand elles sont gâtées” : c’est l’opération la plus demandée, la plus usitée à cette époque, mais Dionis condamne les extractions trop hâtives et pose 6 indications : 1) les dents de lait dès le début de leur mobilité, ceci pour permettre une éruption

parfaite des dents permanentes ; par contre, Dionis critique les “pratiques vulgaires”, certaines mères faisant arracher toutes les dents de leurs filles pour leur assurer une dentition définitive parfaite ; 2) les dents mobiles, à extraire sans instrument ; 3) les dents trop gâtées ou (4) cassées jusqu’à la racine ; (5) les dents antérieures en malposition car “elle cause une difformité qui choque tous ceux qui la regardent”; (6) les dents surnuméraires qui, selon Dionis, entraînent plus d’incommodités et de douleurs que le “tourment d’une extraction”. Dionis consacre une partie de ses propos à décrire les instruments déjà adaptés aux différentes dents ainsi que la position préconisée, la tête placée entre les deux cuisses de l’Opérateur.

- “la septiéme, d’en substituer d’artificielles à la place des naturelles” : pour Dionis, deux raisons autorisent cette pratique, l’“ornement” et la “nécessité d’articuler la voix” ; ces dents artificielles ne sont pas fonctionnelles. Il s’agit essentiellement de dents taillées dans de l’ivoire ou de l’os de jarret de boeuf, percées et tenues ensemble et aux dents naturelles restantes au moyen de fils d’or.

Il ressort des propos de Dionis que les soins dentaires au début du XVIIIe siècle sont peu répandus, empiriques et pratiqués pour la beauté et les commodités du langage et non pour préserver la santé. “Bien que le Chirurgien dont la science est d’une étendue infinie ne doit pas négliger cette partie de la Chirurgie”, Dionis ne fait pas grand cas de ces soins dentaires et considère peu les “Opérateurs ou Experts pour les dents”. Il déclare dans son propos sur les extractions : “les Chirurgiens qui font dans la pratique de beaucoup saigner et qui veulent toujours avoir la main ferme & légère ne doivent jamais arracher de dents de crainte que les efforts qu’il faut faire ne leur rendent la main tremblante … Si je conseille au Chirurgien d’abandonner cet opération, … c’est aussi qu’elle me paroît un peu tenir du charlatan & du bateleur”.

Il faudra encore attendre une vingtaine d’années pour que la dentisterie acquière ses lettres de noblesse grâce à l’un de ses experts Pierre Fauchard.