GARNIER Léon

1855-1939

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ELOGE FUNEBRE

Le 31 mars 1939 décédait à Nancy, dans sa 85ème année, un maître éminent de notre Faculté de Médecine, le Professeur honoraire Léon Garnier. Né en 1855 à Bar-le-Duc, il accomplissait au Lycée de sa ville natale de brillantes études secondaires, et une fois en possession de ses diplômes de bachelier, il se faisait inscrire comme étudiant à la Faculté de Médecine et à la Faculté des Sciences de Nancy.

Le Professeur Ritter, alors professeur de Chimie médicale à la Faculté de Médecine de Nancy, remarqua très vite les qualités intellectuelles et l'ardeur au travail du jeune étudiant Léon Garnier, et en 1876 il l'attachait à son service comme Préparateur de Chimie. C'est en cette qualité que Léon Garnier commençait sa carrière dans l'Enseignement supérieur.

A partir de cette époque, il franchit rapidement les premières étapes de sa vie universitaire. Successivement licencié es sciences, puis docteur en médecine, il était nommé agrégé des Facultés de Médecine en 1880, et six ans après, en 1886, il succédait à son maître Ritter dans la chaire de Chimie médicale de la Faculté de Médecine de Nancy. Il avait alors 31 ans.

Le très jeune professeur était alors déjà connu dans les milieux scientifiques par ses publications et surtout par deux mémoires importants : sa thèse de Doctorat en Médecine et sa thèse d'Agrégation. Par la suite, son oeuvre scientifique, aussi étendue que variée, embrasse toutes les parties de la Chimie médicale et aussi de la Toxicologie, science pour laquelle il avait une prédilection toute spéciale. Parmi les nombreuses publications et les nombreux ouvrages qu'il mit au point, il faut citer surtout ses « Leçons de Chimie médicale » qui, pendant de nombreuses années, eurent un succès considérable auprès des étudiants ; son livre sur les « Ferments et Fermentations » et les trois volumes qui, dans « l'Encyclopédie chimique de Frémy » résument nos connaissances en chimie biologique et médicale, et en analyse des humeurs et des tissus de l'organisme.

Son enseignement était remarquable tant au point de vue théorique qu'au point de vue pratique. Ses cours étaient extrêmement fréquentés et les nombreuses générations de médecins qu'il a contribué à former s'accordent unanimement à louer la haute portée de ses leçons et l'incontestable utilité des exercices pratiques dont il avait lui-même établi le plan et réglé la technique.

C'était un travailleur infatigable, exigeant beaucoup de ses collaborateurs, mais payant lui-même énormément de sa personne. Manipulateur habile, la précision et la probité scientifique étaient les qualités dominantes dans tous ses travaux de laboratoire. La croix de la Légion d'honneur, au titre de l'Instruction publique, était venue récompenser sa valeur didactique et technique. Il fut pendant de longues années le collaborateur très apprécié des tribunaux en matières d'expertises toxicologiques et de répression des fraudes en denrées alimentaires. Membre du Conseil départemental d'Hygiène pendant plus de quarante années, il fut pour cet organisme important un conseiller technique de haute valeur extrêmement apprécié de l'autorité préfectorale.

Au cours de sa longue vie, les chagrins et les deuils ne lui furent pas épargnés. Il perdit successivement l'un de ses fils bien-aimés, l'ingénieur Pierre Garnier, tué glorieusement devant Verdun, en 1916, comme sergent d'infanterie; son épouse et compagne de sa vie, Madame Garnier, et son gendre, M. Gérard, ingénieur-directeur des Faïenceries de Lunéville. Sa grande force de caractère et ses chères études l'aidèrent à supporter ces coups cruels du destin.

Enfin, en 1925, atteint par la limite d'âge, il put prendre sa retraite et se reposer des fatigues d'une longue et féconde carrière qui fait honneur à sa famille, à l'Université, à l'Enseignement supérieur et à la Société.

Professeur M. LUCIEN