LAMARCHE Maurice

1924-1980

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ELOGE FUNEBRE

La mort brutale, dans sa 56e année, du Professeur Maurice LAMARCHE, au décours d'une maladie éprouvante qu'il assumait avec un remarquable courage et le souci de ne pas en faire supporter la gêne aux autres, a été douloureusement ressentie par ses proches et ses amis bien sûr, mais aussi par tous ceux avec qui il collaborait, élèves, collègues et étudiants.

C'était pour chacun, un homme calme, affable, souriant, ouvert, bonhomme, décontracté, toujours prêt à écouter et à aider, voyant les choses de la vie et les problèmes avec philosophie, bon sens et recul. C'était aussi, pour ceux qui le connaissaient mieux, une personnalité solide, tenace, logique à l'extrême, respectueuse des règles sociales et universitaires, pleine d'imagination créatrice. Collectionneur éclairé, il s'intéressait aux arts comme à toutes les formes de la créativité. Il avait un sens aigu des devoirs de sa charge et s'acharnait à défendre sa discipline. Toujours de bon conseil et efficace, il était le type même de ce qu'il est convenu d'appeler « Le bon patron » soucieux de l'épanouissement et de la carrière de ses élèves.

Il a créé la pharmacologie à Nancy et contribué à son développement en France. Il fut, rappelons le, un des membres fondateurs de l'Association des Pharmacologistes. Ebranlé dans ses convictions profondes par les événements de mai 1968, il a su s'adapter rapidement aux nouvelles structures et profiter du côté positif de l'événement pour modifier l'organisation de son laboratoire, et permettre le développement de la Pharmacologie Clinique, nouvelle branche de la Pharmacologie, étroitement associée aux activités hospitalières de soins. Il avait d'ailleurs l'habitude de ces évolutions, puisque lui-même avait greffé la branche pharmacologie sur l'arbre de la physiologie et adapté à l'hydrologie les méthodes scientifiques modernes, comme on va le voir en évoquant maintenant sa carrière.

Né à Nancy, il poursuit ses études secondaires à Bar-le-Duc où vivait sa famille, pour revenir dans la capitale lorraine entreprendre ses études de Médecine. Il prépare le concours d'externat des Hôpitaux et exerce ces fonctions pendant quatre années. En même temps, il commence à s'intéresser à la physiologie et dans le laboratoire du Professeur FRANCK, en collaboration étroite et amicale avec le Professeur Pierre ARNOULD, il assume les charges de Préparateur, puis d'assistant. Il présente sa thèse de doctorat en Médecine en 1952, devient lauréat de l'Académie Nationale de Médecine, puis est nommé Chef de Travaux de Physiologie en 1955 et Chargé de Cours de Pharmacologie en 1957. Cette nouvelle orientation l'amènera à l'agrégation en 1958. Il est nommé Professeur à titre personnel en 1963 et obtient la Chaire de Pharmacologie et d'Hydrologie Thérapeutique en 1964 succédant alors au Doyen MERKLEN. Il devient Chef de Service Hospitalier par intégration en 1971.

Titulaire de plusieurs certificats spécialisés de Sciences ou de Médecine, il était devenu membre des Sociétés de Médecine de Nancy, de Biologie, de Thérapeutique et de Pharmacodynamie, de l'association des Physiologistes, des Pharmacologistes. Il exerçait de nombreuses charges officielles au profit de la collectivité. Il a été élu au Comité Consultatif des Universités, nommé à la Commission Nationale de Biologie Humaine. Il était encore membre de la commission de publicité des Médicaments ainsi qu'Expert Pharmacologue et Toxicologue. L'Hydrologie et la Climatologie, qu'il affectionnait particulièrement, l'avaient conduit à la présidence de la Commission Universitaire de la Fédération Thermale et Climatique Française, à la vice-présidence de la Commission Universitaire Internationale du Thermalisme et Climatisme. Il était président de la Fédération Thermale et Climatique des Vosges et de l'Est et membre du Conseil Supérieur du Thermalisme au Ministère de la Santé. Chef du laboratoire de Physiologie de l'Institut National d'Hydrologie et de Climatologie en 1975, il venait d'être nommé Secrétaire Général de cet Etablissement.

Par ses missions à l'étranger, il a aidé au développement de stations thermales aux USA, à Madagascar, en Islande. Il devait, si le destin ne l'en avait empêché, se rendre prochainement en Argentine. Il ne serait pas normal que son influence internationale nous masque en ce domaine son activité locale où il avait créé un Centre de Triage Hydroclimatique, parfaitement original en France, au profit des malades et de la Sécurité Sociale. Ce dévouement à la chose publique lui avait valu d'être nommé Officier dans l'ordre des palmes académiques et Chevalier dans l'ordre de la Santé Publique et du mérite agricole.

Le Professeur LAMARCHE était aussi un enseignant hors pair et un chercheur. Avec précision et clarté, il assumait les cours de Pharmacologie et d'Hydrologie du curriculum des études médicales, organisait le certificat de Pharmacologie Générale du 3e cycle en Biologie Humaine. Probablement déjà fatigué par les prémices de sa maladie, il avait renoncé récemment à son habilitation à dispenser l'AEA, le DERBH et le doctorat. Il assumait aussi la Formation Professionnelle Continue des personnels des Stations Thermales. Fasciné par le livre, il était l'auteur de plusieurs ouvrages d'Hydrologie.

Les recherches scientifiques ont été orientées dans différentes directions : Physiologiques avec des études sur la masse sanguine et les liquides interstitiels, la résistance à l'anoxie ; et je me plais à souligner que c'est par ceux-ci qu'à commencé notre collaboration - Pharmacologiques avec les travaux sur les antihistaminiques, le liquide amniotique, l'intoxication phalloïdienne expérimentale, les substances à action métabolique cardiaque, la toxicologie générale avec, en particulier, l'exploration de l'agression superficielle cutanée - Hydrologiques afin de préciser les effets du conditionnement sur les propriétés des eaux minérales, les techniques de cures, l'analyse épidémiologique de leurs résultats, l'environnement écologique des stations thermales et bien d'autres encore.

Je voudrais maintenant, après avoir parlé de ce que fut l'homme et sa brillante carrière, évoquer avec émotion mon Maître prématurément disparu. Il était externe des hôpitaux lorsqu'il m'introduisit dans un service clinique. Avec lui, je fis mes premiers pas en cardiologie dans le service du Docteur MATHIEU, où je pris goût pour cette spécialité, que je devais plus tard continuer en tant qu'interne. Je le suivis en Physiologie, puis en Pharmacologie. Il a su me préparer à l'agrégation et m'associer à ses recherches. Il m'a énormément aidé pour ma formation et pour ma carrière hospitalo-universitaire, par ses conseils éclairés, son sens aigu de la pédagogie, son raisonnement logique. Il a su comprendre que la Pharmacologie se devait d'évoluer et me permettre de m'écarter de la discipline fondamentale pour faire le lien avec la clinique. Nos relations ont été celles d'un père et d'un fils, avec ses joies, ses problèmes, ses crises. Mais les difficultés inévitables d'évolution ont toujours été résolues grâce à une amitié profonde, une affection, une estime et une compréhension réciproques.

La mort laisse un grand vide dans notre laboratoire. Nous sommes tous profondément attristés par sa disparition. Nous pensons avec chaleur et sympathie à la douleur et au désarroi de son épouse qui sut l'assister avec amour tout au long de son épreuve. Qu'il me soit permis d'affirmer ici qu'il restera toujours présent dans notre mémoire et dans nos coeurs.

Professeur R. ROYER