METZ Roland

 

1934-1990

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` sommaire

 

ELOGE FUNEBRE

 

Le Docteur METZ a surmonté si courageusement et si discrètement sa maladie qu'il a interrompu quelques jours à peine ses consultations et travaux au Centre Alexis Vautrin avant de mourir le 13 février 1990.

Né à Metz en 1934, il fut élève du lycée Henri Poincaré à Nancy : un des anciens de l'époque racontait qu'il était pour ses camarades le conciliateur dans les querelles et celui qui apportait l'apaisement. Cette aptitude devait devenir, dans l'exercice du cancérologue, un don remarquable de paix pour les malades et leurs familles.

Docteur en médecine en 1961, il acquit au cours de l'internat des hôpitaux une grande compétence en médecine interne, car, écrivait-il, « une spécialisation ne peut être que le complément d'une pratique confirmée de clinicien interniste. Notre expérience, en particulier cancérologique, ne fait que le confirmer ». Ainsi, il rappelait volontiers sa formation générale auprès des Professeurs Herbeuval et Larcan.

Des certificats en médecine du travail, en rhumatologie, en électroradiologie, en carcinologie expérimentale, ensuite une ouverture permanente à toutes technologies nouvelles ne devaient jamais ni dévier sa vision globale sur la maladie, ni réduire l'attention à l'homme malade dans la plénitude de ses souffrances.

Le service militaire comme médecin-parachutiste révélait chez cet homme tout en douceur et discrétion un courage certain, le goût de l'effort et du sport auquel il dut renoncer ensuite par manque de temps. Il démontrait aussi une stabilité émotionnelle particulière qui fut plus tard offerte aux malades et aux familles dans l'activité cancérologique qui en demande souvent.

Après l'internat, le Docteur METZ contribua largement à la création de la radiothérapie à la Polyclinique de Gentilly. Parallèlement, il avait une activité de médecine interne au Centre Alexis Vautrin, qui se trouvait dans ses anciens locaux et ne comportait pas, à cette époque, de service de médecine. Au jeune directeur que j'étais, il déclara vouloir renoncer à son activité de radiothérapie, aussi bien qu'à tout secteur privé, comme c'était déjà la règle des Centres Anti-Cancéreux français. Il voulait se consacrer au traitement général des tumeurs étendues, dans le nouvel établissement projeté à Brabois.

Nos succès s'arrêtaient alors à la radiothérapie et à la chirurgie appliquées sur le territoire d'origine de la maladie. Je lui faisais observer combien la voie du traitement général à laquelle il voulait entièrement se consacrer était austère. Mais sans doute y avait-il chez lui un appel intérieur, pour soigner, soulager, accompagner les malades qui avaient dépassé le stade de la curabilité. Il persista dans sa décision. Ce fut une chance que d'intégrer à l'équipe en voie de formation son expérience cancérologique déjà solide.

Il devint ainsi, dans la région lorraine, le pionnier d'une discipline naissante, le créateur d'un service d'oncologie des tumeurs solides, auquel il devait donner un développement technique et scientifique considérable en hospitalisation traditionnelle et de jour, en consultation et en soins ambulatoires.

Il a institué l'usage de médicaments hormonaux et chimiques toujours nouveaux et de plus en plus efficaces ; et finalement ce fut une grande joie pour lui de contribuer à la guérison d'un nombre croissant de malades.

Travailleur infatigable, le Docteur METZ fut constamment en quête, à travers les publications scientifiques et rencontres médicales, des ressources médicamenteuses les plus récemment éprouvées. Il donnait régulièrement, avec ses collaborateurs, les résultats émanant de l'expérience de son service.

Le Docteur METZ est l'auteur de 200 publications scientifiques et autant de communications relatives à des domaines variés de la cancérologie. Son exercice l'a conduit à s'intéresser aux tumeurs et métastases osseuses, aux hypercalcémies néoplasiques, aux complications osseuses des traitements anti-cancéreux et à leurs traitements. L'essentiel de ses travaux porte toutefois sur les tumeurs des voies aéro-digestives supérieures et sur les tumeurs germinales. Il s'est également intéressé aux lymphomes, aux cancers du sein et aux modalités nouvelles d'administration de la chimiothérapie, voies intraartérielle, intracavitaire, ou continue. Il a participé à de nombreux essais multicentriques évaluant l'efficacité d'agents cytostatiques nouveaux, en particulier au groupe « Screening » de l'Organisation Européenne de Recherche sur le traitement du cancer et au Groupe médical du traitement des tumeurs de la Fédération Nationale des Centres de Lutte Contre le Cancer. Il a été coordinateur d'essais portant sur l'hormonothé-rapie des cancers de la prostate et du sein, sur la chimiothérapie des cancers du sein et sur l'utilisation antiémétique des antisérotonines.

Il a livré son savoir et son savoir-faire à de nombreux étudiants et médecins-stagiaires. Il a fait preuve d'une disponibilité sans limites, pour informer et conseiller d'innombrables confrères dans leur exercice quotidien, dans cette médecine très difficile, utilisant les médicaments spécifiques et élaborant la façon complexe de les administrer. Il a formé de multiples élèves dont plusieurs sauront poursuivre avec compétence les tâches de soins, d'enseignement et de recherche.

Il acceptait le harcèlement permanent des appels téléphoniques, dans un exercice qui y expose grandement, avec une patience et une disponibilité qui forçaient l'admiration de ceux qui en étaient témoins.

Dans l'activité quotidienne il était un soutien permanent pour la concertation médicale pluridisciplinaire. Il savait susciter tous recours de traitement possible, même à rencontre des causes les plus défavorables. Il avait une manière très discrète, mais très convaincante d'argumenter en touchant aussi bien le cœur que l'intelligence. Quelquefois, dans ses relations avec les confrères, il recourait à un humour assez britannique, sans jamais imposer son avis. Avocat infatigable des causes les plus difficiles, il fut un exemple de ténacité pour l'équipe de soins ; il anima ainsi, pendant 20 ans, une équipe d'infirmières et de médecins, dévolus de cœur et d'intelligence à leurs tâches. Comme directeur, j'ai reçu d'innombrables remerciements et témoignages des malades et des familles sur la qualité des soins et de l'accueil du Docteur METZ, de ses collaborateurs et de ses collaboratrices.

Le destin a voulu qu'il vive dans sa propre personne une épreuve comparable à celle qu'il avait rencontrée chez de nombreux malades. C'est alors que le médecin, l'homme intérieur a donné plus que jamais la plénitude de ses capacités exceptionnelles de patience, de maîtrise de soi, de discrétion et d'acceptation. L'objectivité totale, sémiologique et thérapeutique, fut complète vis-à-vis de lui-même. Il n'y eut jamais de repli sur soi ; la générosité professionnelle fut maintenue constamment. Ce fut là un enseignement pour tous, une très forte confirmation du dépassement possible de l'homme sur lui-même, un don gratuit marqué d'une chaleur et d'une lumière qui viennent d'ailleurs.

Cette générosité se traduisait bien sûr par une austérité des horaires de travail, qui empiétaient sur les soirs, les samedis et les dimanches. Il faut remercier chaleureusement Madame Metz et ses fils pour les sacrifices qu'ils ont acceptés. Les collaborateurs du Centre Alexis Vautrin et camarades anciens, tous ses confrères et amis proches ou lointains se trouvent très profondément associés à leur peine.

Professeur C. CHARDOT