HERBEUVAL René

1912-2007

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L'hématologie

L'école gérontologique nancéienne (1878-1913)

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ELOGE FUNEBRE prononcé par Pierre LEDERLIN aux obsèques de  René HERBEUVAL le 23 octobre 2007

C'est avec beaucoup d'émotion qu'il me revient à présent d'évoquer le souvenir de mon Maître le Professeur René HERBEUVAL. En fait, je veux dire notre Maître car je reconnais dans l'assemblée de nombreux visages amis qui furent ses élèves et qui auraient tous pu, comme moi, s'acquitter de ce devoir de mémoire : nous aurions d'ailleurs sûrement recueilli quantité de témoignages différents, tellement étaient multiples les facettes de son attachante personnalité. C'est donc au nom de tous ses élèves que je voudrais rappeler le souvenir de celui qui fut notre Maître, qui nous enseigna plus que la médecine et surtout nous donna, par son exemple, le goût et l'enthousiasme pour la pratique médicale.

Mes souvenirs du Professeur HERBEUVAL sont innombrables, et même si les premiers remontent à plus de 45 ans, aucun n'est flou dans ma mémoire, tant ce grand Monsieur de la médecine savait imprimer son empreinte sur les étudiants. Je rappellerai brièvement les trois périodes principales où j'eus la joie, à des titres divers, d'être son collaborateur.

La première, la plus importante à mes yeux, fut pour moi une découverte et un éblouissement : mon premier stage d'externe à la Maison de Secours – actuellement Maison Hospitalière Saint Charles-. Ce n'est pas sans une certaine appréhension que je m'y rendis à l'automne 1963. J'avais obtenu le poste de haute lutte à la répartition car il était très convoité en raison de l'excellence de l'enseignement qui s'y dispensait. Situé en dehors de l'enceinte hospitalière, ce service avait d'ailleurs une réputation un peu mystérieuse : on disait qu'il s'y pratiquait une médecine différente, et que l'on était confronté aux cas les plus étranges, aux diagnostics les plus difficiles. Son patron surtout, le Professeur HERBEUVAL, était entouré d'une aura particulière, la rumeur hospitalière disait qu'il savait tout et que passer dans son service était un gage de réussite à l'Internat, mais qu'il était exigeant, souvent incisif, certains le craignaient, beaucoup l'adoraient, tous étaient subjugués. J'ai tout de suite adoré ce Maître tellement différent des autres patrons de l'époque. En ces temps où le mandarinat était encore une réalité, Monsieur HERBEUVAL n'était pas un mandarin, bien au contraire il faisait figure d'électron libre au sein du corps professoral. Ce terme d'électron reflète d'ailleurs assez bien une partie de la personnalité de Monsieur HERBEUVAL, tellement son activité, son imagination dans les domaines les plus variés, sa vivacité d'esprit nous laissaient admiratifs et envieux.

Excellent clinicien à une époque où scanner et IRM n'existaient pas, il était souvent le seul à palper une pointe de splénomégalie qui avait échappé à ses collaborateurs qu'il brocardait ensuite avec gentillesse, car notre Maître à l'occasion pouvait se montrer très taquin.

Enseignant hors pair, il a marqué des générations d'étudiants. A une époque où il était de bon ton de passer le moins de temps possible à la Faculté, les carabins se pressaient à ses cours pour le voir mimer la démarche parkinsonienne ou l'élocution du myxoedémateux. Il n'était pas nécessaire de prendre des notes, un cours de Monsieur HERBEUVAL restait enregistré à jamais dans la mémoire.

Le Professeur HERBEUVAL était aussi un chercheur passionné qui avait créé de toutes pièces dans son service un laboratoire de cytologie hématologique et où il avait mis au point une technique originale de leucoconcentration qui allait lui valoir auprès de ses collègues une réputation nationale et internationale. Nous étions nombreux à nous bousculer derrière les oculaires des microscopes pour apercevoir par cette technique des cellules sanguines inaccessibles à l'examen standard.

Enfin dans cette atmosphère trépidante de soin, d'enseignement, de recherche, qui faisait de la Maison de Secours un mini CHU avant l'heure, avait lieu au milieu de chaque matinée une parenthèse miraculeuse, une pause d'une demi heure, appelée "la glycémie" au cours de laquelle, devant un café, tous les membres de l'équipe se réunissaient autour du maître pour lui exposer leurs problèmes et lui en demander les solutions qu'il donnait presque toujours. Je garde de ces fameuses "glycémies" un souvenir inoubliable, tellement il paraissait exceptionnel à l'époque pour un jeune externe de pouvoir aborder et s'entretenir directement avec son professeur et tout son staff au sein duquel, je tiens à rappeler la présence du regretté Professeur Gérard CUNY, son premier élève et son élève préféré, trop tôt disparu et qui aurait dû être ici à ma place pour prononcer cet éloge.

La deuxième période de l'existence exceptionnelle de ce grand Patron est celle de la maturité : le Professeur HERBEUVAL devient le chef de service de la Clinique Médicale A à l'Hôpital Central, où je fus successivement, et grâce à son appui jamais mesuré, son interne, son Assistant Chef de Clinique, son jeune agrégé. Cette période fut celle de la Médecine Interne. Les grandes salles communes de 20 lits abritaient l'hématologie en salle 9, la diabétologie en salle 11, la néphrologie en salle 13 et la réanimation en salle 15. En même temps mon Maître avait été appelé par ses collègues à présider la CMC et c'est là qu'il donnera la pleine mesure de ses talents d'entrepreneur véritablement visionnaire. C'est à lui que revient l'idée de bâtir sur le plateau de Brabois, à l'époque désert, un nouveau bâtiment hospitalier moderne en face duquel pourrait s'édifier une nouvelle faculté. Il se battra avec acharnement, c'était bien dans son tempérament, pour voir aboutir ses projets : c'est alors l'époque des voyages incessants dans les ministères parisiens, dont il revenait parfois harassé mais jamais abattu et malgré la lourdeur de sa tâche, restant attentif à la marche de son service et disponible pour nous éclairer de ses conseils.

La troisième période est celle de l'orientation définitive. En 1974 la clinique Médicale A s'installe au 7 ème étage du bâtiment flambant neuf de Brabois et, sous l'impulsion de son patron, se tourne vers la pratique presque exclusive de l'hématologie. Bien qu'ayant excellé dans la gériatrie et la médecine interne, Monsieur HERBEUVAL avait en effet toujours gardé une affection particulière pour l'hématologie. Parallèlement, Monsieur HERBEUVAL accède à une reconnaissance nationale puisqu'il est élu par ses pairs Président de la Conférence Nationale des Présidents de CMC : nous sommes alors fiers d'être les élèves d'un patron aussi prestigieux.

Viendra 1982, l'époque de la retraite que Monsieur HERBEUVAL passera la plupart du temps à Menton dans la ravissante résidence dont il avait réalisé lui-même une bonne part de l'aménagement : étonnamment cet esprit supérieur et que l'on aurait pu croire entièrement consacré aux activités intellectuelles était aussi un travailleur manuel efficace, obstiné et perfectionniste. Il apportera un soin tout particulier à la mise en valeur d'un jardin méditerranéen dans lequel je garde le souvenir d'une incroyable visite en sa compagnie, visite certes différente des visites hospitalières d'antan, mais durant laquelle il me fit un cours inoubliable sur les 40 variétés différentes de mimosas. Il n'oubliait toutefois pas sa Lorraine natale où il revenait généralement passer quelques semaines à l'automne et au printemps. Ma femme et moi nous nous réjouissions de sa venue et de constater que les années n'avaient aucune prise sur lui : il gardait en effet la même vivacité d'esprit, la même curiosité universelle, s'intéressant à tout, lisant tout et, chose peu courante à son âge, se passionnant pour l'informatique. Il avait mis au point, m'avait-il dit un système d'arrosage automatique de son jardin, piloté par ordinateur.

Le temps qui passait ne suscitait chez lui aucune anxiété, il avouait lui-même être surpris et heureux de sa belle longévité sans affaiblissement de ses capacités et l'acceptait avec sérénité, aidé en cela par l'admirable présence attentive et affectueuse de son épouse.

Avec le Professeur HERBEUVAL disparaît un modèle du médecin et de l'honnête homme du XXème siècle devant lequel nous, ses élèves, nous inclinons avec respect, admiration et affection.

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HOMMAGE (texte paru dans la revue "binome" de la faculté de médecine de Nancy)

Le Professeur René HERBEUVAL est décédé en octobre 2007, dans sa 95ème année et les membres enseignants de notre Faculté, dont beaucoup furent ses élèves, ressentent sa disparition avec émotion et une grande tristesse.

Le Professeur HERBEUVAL a été en effet durant près de 5 décennies une des grandes figures de la vie hospitalo-universitaire locale, mais aussi nationale, ainsi qu'un précurseur dans de nombreux domaines. Dès les années 1960, il est un des premiers à s'intéresser à la Gériatrie et il crée une école réputée au sein de laquelle allait s'illustrer ensuite son élève le Professeur Gérard CUNY. En 1970 il se tient sur les fonds baptismaux de la Médecine Interne et contribue avec enthousiasme au développement de cette nouvelle spécialité avant de revenir, à partir de 1980, vers la discipline qu'il chérissait et qu'il n'avait jamais cessé de pratiquer, l'Hématologie, dont il favorise l'individualisation au sein du CHU.

Parallèlement, il se met avec passion et efficacité au service de la communauté hospitalière : Président de la CME du Centre Hospitalier lors de plusieurs mandats, il sera l'âme de la création du nouvel hôpital de Brabois. Son activité inlassable et sa vision réaliste de l'exercice hospitalier l'amènent à la Présidence de la Conférence Nationale des Présidents de CME ; à ce titre il sera un conseiller avisé et écouté de Madame Simone VEIL alors Ministre de la Santé.

Excellent clinicien, enseignant hors pair, chercheur passionné - ses travaux sur la leucoconcentration lui vaudront une réputation internationale - le Professeur HERBEUVAL émerveillait ses interlocuteurs par son dynamisme, sa vivacité d'esprit et ses talents de novateur.

Titulaire de la Croix de Guerre, Chevalier de la Légion d'Honneur, Commandeur dans l'Ordre des Palmes Académiques et Officier dans l'Ordre National du Mérite, le Professeur HERBEUVAL était un modèle de médecin et d'honnête homme. Avec lui disparaît l'un des derniers représentants des «grands patrons» hospitalo-universitaires du XXème siècle.

Professeur P. LEDERLIN

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I - TITRES UNIVERSITAIRES

Préparateur de Bactériologie (194l)

Chef de Clinique médicale (1941)

Docteur en Médecine (1943)

Médecin du Centre Universitaire de Médecine Préventive (1994-46)

Assistant à l'Institut Régional d'Education Physique de Nancy (Pr. Merklen) (1945-46)

Attaché de Recherches du C.N.R.S. (1945-46)

Agrégé de Médecine Générale (1946)

 

II - TITRES HOSPITALIERS

Externe des Hôpitaux (1934)

Interne des Hôpitaux (1937)

Médecin Assistant des Hôpitaux (1944)

Médecin des Hôpitaux (1946)

 

III - RECOMPENSES ET DISTINCTIONS

Lauréat de la Faculté (1937)

Premier Prix de Thèse (1943)

Lauréat du Fonds Lorrain de Recherches Scientifiques (1943 et 45)

Attaché de Recherches du CNRS (1945-46)

Boursier de Voyage de l'UNESCO aux USA (1951)

Chevalier de la Légion d’Honneur

Officier du Mérite National

Commandeur des Palmes Académiques

 

IV - TITRES MILITAIRES

Médecin-Chef du 32ème G.R.D.I. (guerre 1939-40)

Blessé de guerre (mai 1940)

Prisonnier de Guerre (mai 1940)

Croix de guerre (Citation à l'Ordre de la Division)

Médecin des Forces Françaises de l'Intérieur

 

V - SOCIETES SAVANTES

Membre de la Société de Médecine de Nancy (1943)

Secrétaire annuel de la Société de Médecine de Nancy (1944-45)

Membre Titulaire de la Société Française de Pathologie res­piratoire (1946)

Membre  Titulaire de la Société Française d'Hématologie (1947)

Membre de la Société Internationale pour l'Etude des Bronches (1950)

Membre Titulaire de l'American Society of Gerontology (1951)

Membre Fondateur de la Société Française de Gérontologie (1951)

Membre Titulaire non Résident de la Société de Pathologie comparée (1951)

Membre de l'Association des Médecins de Langue Française (1951)

Membre de la Société Française de Pathologie Interne (1951)

Membre de la Société Internationale de Pathologie Interne (1954)

Membre du Comité de Rédaction de la Revue Française de Gérontologie (1955)

 

VI - ENSEIGNEMENT

Participation à l'Enseignement de Bactériologie (Pr. de Lavergne 1941-42)

Participation à l'Enseignement de la Clinique Médicale (Pr. Perrin 1941-42)

Participation à l'Enseignement de la Clinique Médicale (Pr. Drouet 1942-45)

Participation à l'Enseignement du Diplôme d'Hygiène et de Médecine du Travail (1945-47)

Participation à l'Enseignement du Diplôme Supérieur de Pneumo-Phtisiologie (1952-55)

Chargé de l'Enseignement de la Séméiologie médicale (1946-49)

Chargé  de l'Enseignement de la Clinique des Maladies des Vieillards (1944-55)

Chargé de l'Enseignement de la Pathologie Interne (1955)

Chargé de la Suppléance de la Chaire de Clinique Médicale B (Pr. Drouet 1955)

 

VII - PARTICIPATION A DES CONGRES

XXVIème Congrès Français de Médecine, Paris, 1947

Ier Congrès International de Gérontologie, Liège, 1950

IIème Congrès International de Gérontologie, St-Louis, 1951

IIIème Congrès International de Gérontologie, Londres, 1954

IIIème Congrès International de Médecine Interne, Stockholm, 1954

 

VIII - CONTRIBUTION A DES OUVRAGES DIDACTIQUES

Encyclopédie Médico-chirurgicale, Traité d'Ophtalmologie, Année Thérapeutique en Ophtalmologie (1954)

Traité Thérapeutique Ophtalmologique, Masson (1956)

The Old Age in the modern World. Livingstone, London

Thérapeutique pneumo-phtisiologue. Les monographies mé­dicales et scientifiques. Garnier, Paris

Cellules cancéreuses et insolites du sang circulant, Masson (1965)

 

IX - FAITS MARQUANTS

Création (avec J. Parisot) du Centre de Réadaptation des personnes âgées de Bainville sur Madon

Président de la CME (CMC à l'époque) (1964-82 - création du CHU de Brabois)

Président des présidents de CME (1978-82)

Membre de la Royal Medical Society (Londres)

Président du congrès français de médecine interne

 

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Article de l'Est-Républicain (1-6-1982)
A l'occasion de la retraite de R. Herbeuval (septembre 1982)

Article "Président des présidents"

« J'ai sans doute été marqué par l'exemple de mon frère Jean, qui avait douze ans de plus que moi et avait fait des études de médecine. J'ai commencé par être élève au collège de La Malgrange, puis au lycée Poincaré. Après mes bachots, mon désir était de faire médecine. Je suis entré à la faculté de Nancy en 1930 et mon frère a pris entièrement en charge mes études alors qu'il était installé comme généraliste à Bar-le-Duc ».
Né à Foug dans le Toulois, le 20 novembre 1912, René Herbeuval garde une grande reconnaissance à son père, mouleur aux Fonderies de Pont-à-Mousson, puis commerçant ainsi qu'à son frère. « Ils m'ont permis de mener à bien des études difficiles, à une époque où, même aux derniers échelons, nous n'étions pas payés ou presque ».
La guerre interrompt ses études. « Médecin-chef du 32e groupe de renseignements divisionnaires, j'ai été gravement blessé en sautant sur une mine en 1940. D'ailleurs, les trois camarades qui ont sauté avec moi sont morts. J'ai été fait prisonnier dans mon lit, dans la citadelle de Calais, puis transféré en Belgique. Je me suis évadé dès que j'ai pu marcher, mais j'ai été rattrapé à Lille ».
Après une nouvelle évasion « à la Fernandel : je suis simplement monté dans un train de permissionnaires allemands qui rentraient sur Paris », René Herbeuval entre alors dans la Résistance.
« J'ai passé ma thèse en 1943, terminé mon internat, passé l'assistanat des hôpitaux en 44, l'agrégation en 46. Je suis alors devenu chef de clinique en octobre 46 à la maison de secours où je suis resté pendant quinze ans ».
Simultanément, René Herbeuval ouvre un cabinet en ville.
« C'était l'époque où les salaires, même celui d'un chef de service, étaient infimes. Mais c'est à la maison de secours que j'ai découvert la gérontologie, à un moment où personne n'en parlait encore. Quand j'ai prononcé ce mot pour la première fois devant mes collègues, ils se demandaient ce que ça voulait dire ».
En 1962, M. Herbeuval est nommé chef du service de médecine A du centre hospitalier régional après avoir été nommé en 1956 professeur titulaire de la chaire de pathologie médicale.
En 1963, il est élu président de la commission médicale consultative. Il restera à sa tête dix-huit ans et demi, accédant même à la présidence nationale de la conférence des présidents de commissions consultatives. « C'est comme ça que j'ai pu obtenir beaucoup de choses pour Nancy, je ne m'en cache pas, par exemple le scanner corps entier ».
A la tête de la commission qui prend l'initiative des constructions, discute les budgets, plaide pour les créations de postes, le professeur Herbeuval a été un homme de constant dynamisme. « Je ne me suis pas fait que des amis. Pour construire Brabois, il a fallu mener une lutte très dure. Pour acquérir les bâtiments de l'hôpital Jeanne-d'Arc à Toul, pour réaliser l'hôpital d'enfants, chaque fois il fallait convaincre les adversaires ».
Tout cela en s'occupant de réadaptation, de maladies du sang et notamment du cancer, et en assurant la présidence active du comité "Lorraine" de la fondation nationale pour la recherche médicale. « Je n'abandonnerai pas cette présidence là en partant en retraite », affirme le professeur Herbeuval, heureux que ce comité ait collecté « 20 millions de francs (en francs constants) de crédits de recherche en douze ans ».
Père de quatre fils, M. Herbeuval est titulaire de la croix de guerre, chevalier de la Légion d'honneur, commandeur dans l'ordre des Palmes académiques et officier de l'ordre national du Mérite.