MONOYER Ferdinand

1836-1912

` sommaire

Le petit secret de l'échelle de Monoyer

Texte extrait de " L'ophtalmologie " par C. THOMAS - Numéro Spécial du Centenaire de la Revue (1874-1974) Annales Médicales de Nancy

C'est à un agrégé venu de Strasbourg que la Faculté de Médecine de Nancy confia la charge de Cours d'Ophtalmologie. Son nom est resté célèbre : Ferdinand Monoyer. Né à Lyon le 9 mai 1836, il avait été institué Agrégé de Physique à la Faculté de Médecine de Strasbourg le 30 mai 1863, avant d'être nommé, le 14 octobre 1872 à la Faculté de Médecine de Nancy. C'est un arrêté du 12 décembre 1873 qui a officialisé l'enseignement d'Ophtalmologie à Nancy, sous la forme d'une « charge de Cours Complémentaire et de Clinique Ophtalmologique ».

Si le nom de Monoyer est célèbre au point d'être, encore aujourd'hui, connu des Ophtalmologistes du monde entier, c'est qu'il est l'auteur de la définition de l'unité de valeur de réfraction, la dioptrie, universellement adoptée en Optique Médicale depuis le Congrès d'Ophtalmologie de Bruxelles en 1875. Dans la bibliographie, on cite parfois comme père de la dioptrie « Monoyer de Lyon ». On ne peut nier que, le 24 avril 1877, Monoyer quitta la Faculté de Médecine de Nancy pour être nommé Professeur de Physique Médicale à la Faculté de Médecine de Lyon, sa ville natale. Mais c'est avant d'être à Lyon, et alors qu'il enseignait à Nancy, qu'il a écrit dans les Annales d'Oculistique un article paru en octobre 1872 « Sur l'introduction du système métrique dans le numérotage des verres de lunettes et sur le choix d'une unité de réfraction ». Dans cet article, apparaissait pour la première fois le nom de « dioptrie », valeur exprimant la puissance d'une lentille par l'inverse de sa distance focale exprimée en mètre. Dans la Revue Médicale de l'Est en 1876 (page 223), il est revenu sur le sujet à propos de « Verres de lunettes fabriqués et numérotés conformément au système métrique et à la nouvelle notation en dioptries métriques ». « C'est également durant son séjour à Nancy qu'il a publié (dans la Revue Médicale de l'Est 1874, page 346 à 392) une nouvelle échelle optométrique décimale ». L'échelle de Monoyer existe toujours et se trouve être encore la plus répandue dans le monde sauf dans les pays anglo-saxons qui n'ont pas suivi, pour les tests d'acuité, la normalisation décimale. Mais ces pays anglo-saxons avaient déjà fait l'effort méritoire d'abandonner l'ancienne numérotation en pouces des verres d'optique médicale, pour se rattacher à la définition décimale de la dioptrie de Monoyer et permettre un emploi véritablement universel.

Il est à remarquer qu'à cette époque, la Chaire de Physique Médicale de Nancy s'intéressait à l'Ophtalmologie non seulement en la personne de l'Agrégé mais aussi dans celle du Titulaire. C'est ainsi que le Pr. Charpentier publia chez Doin en 1881 un livre intitulé : « L'examen de la vision au point de vue de la Médecine Générale ». Ce petit livre de 137 pages, écrit dans une langue très dépouillée et fraîche, contient en particulier la description d'une technique qui est restée dans les ouvrages classiques sous le nom de « Méthode de Charpentier » : c'est la mesure par réflexion sur la cornée de l'angle que fait la ligne visuelle avec la perpendiculaire au centre de la cornée, c'est-à-dire ce que nous appelons aujourd'hui l'angle Kappa, angle dont les variations sont susceptibles de créer un aspect de strabisme alors que pourtant la vision binoculaire est normale, donc qu'il n'y a pas de strabisme au sens physio-pathologique du terme.

Si Monoyer, Agrégé de Physique Médicale, a continué à publier des travaux d'Optique durant son séjour à Nancy (et bien souvent à la Société de Médecine de Nancy), il n'a pas oublié qu'il avait été chargé, en Ophtalmologie, non seulement d'un Cours théorique, mais aussi d'un Cours de Clinique. C'est pourquoi nous trouvons dans la Revue Médicale de l'Est des titres de publications sur des sujets qui étonneraient aujourd'hui de la part d'un physicien : tatouage de la cornée, différents procédés d'opération de cataracte, luxation complète et spontanée de cristallin transparent, zona ophtalmique, rétinite pigmentaire, ectropion, angiome traité par galvanocaustiques, etc. Cette activité clinique de Monoyer avait été permise par la création dans un ancien Dépôt de Mendicité, devenu Hôpital Saint-Léon, annexe du vieil Hôpital Saint-Charles, d'une Clinique des Maladies des Yeux, à côté de deux cliniques médicales.