LEGAIT Etienne

 

1911-2005

 

` sommaire

 

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ELOGE par le Professeur C. BURLET

Etienne LEGAIT est né le 1er Avril 1911. Il doit être un des rares Professeurs de cette Faculté dont la date de naissance était connue de tous les étudiants. Rares sont les promotions qui ont oublié le poisson en chocolat de son anniversaire. Ce jour là tous ses collaborateurs assistaient à son départ du Laboratoire de la rue Lionnois vers l'amphithéâtre Parisot, et personne n'oubliera l'air gourmand et secrètement heureux de ses yeux, ni sa phrase rituelle : « comme disait Remi COLLIN, un de plus donc un de moins ».

Bien que la famille réside à Chartres, où son père dirigeait une entreprise d'armement, il suit à Nancy, son frère élève-ingénieur dans une Grande Ecole, et y débute ses études médicales. A 20 ans il est Externe des Hôpitaux de Nancy, il réussit l'Internat trois ans plus tard. Il poursuit parallèlement des études scientifiques, et complète sa formation médicale par une licence ès Sciences Naturelles. Très attiré par les sciences morphologiques, l'Ecole nancéienne est alors au sommet de sa renommée, il parcourt avec succès la filière anatomique d'alors : Préparateur, Aide, Prosecteur, et en 1939 Chef de Travaux d'Histologie et Embryologie.

La déclaration de guerre interrompt son parcours et il est affecté comme médecin militaire dans un hôpital de campagne en bordure du front. Fin 39, il est fait prisonnier, il le restera jusqu'en 1942, il est libéré pour cause médicale. Il soutient sa thèse de médecine à son retour de prisonnier, elle est consacrée aux organes péri-épendymaires qui bordent les ventricules cérébraux. Il est lauréat de l'Académie de Médecine, Prix Testut en 1943. Il réussit l'Agrégation d'Histologie et d'Embryologie, est nommé Chef de Travaux Agrégé, puis Maître de Conférence en 1949, il a 38 ans.

La notoriété du Laboratoire du Professeur Remi COLLIN est telle que les élèves y sont nombreux et tous très ambitieux. Dans son analyse de la situation Etienne LEGAIT se donne peu de chances d'accéder au rang de Professeur à la Faculté de Médecine de Nancy. Il propose alors sa candidature à un poste de Professeur extraordinaire d'Histologie et d'Embryologie à l'Université de Fribourg en Suisse. Sa candidature est retenue et il y exerce tout en restant attentif aux évolutions nancéiennes. Effectivement, suite au décès accidentel du fils de Remi COLLIN, promis à la succession, il revient à Nancy, il est nommé Professeur d'Histologie et d'Embryologie, il a 41 ans.

En 1950, il épouse Hermance de Rameix qu'il a connue à Bruxelles à l'occasion de stages chez les Histologistes Belges alors grands spécialistes de l'hypophyse. Quatre garçons naîtront de cette union. Chercheur au CNRS, elle sera sa plus fidèle collaboratrice.

Profitant de missions d'enseignement dans le cadre de la coopération avec les Facultés de Médecine des pays de l'Afrique francophone, il décide d'un programme d'anatomie comparée des systèmes hypothalamo-hypophysaires de Mammifères ; il entreprend une récolte de cerveaux animaux, en partageant son temps entre l'enseignement et des campagnes de chasse. Il a d'ailleurs développé une véritable passion pour ce sport si particulier. En quelques années il a acquis une formidable collection d'hypophyses et de diencéphales d'un grand nombre d'espèces de Vertébrés.

Ce matériel exceptionnel sera à la base de ses travaux d'histologie et de morphologie comparée des lobes hypophysaires ; grâce à des techniques de morphologie quantitative, il établira une corrélation entre le développement conséquent du lobe intermédiaire de l'hypophyse et l'adaptation de chaque espèce à la vie sans eau. Ses travaux d'anatomie comparée seront à l'origine de toute une série de paradigmes expérimentaux menés sur les animaux de laboratoire pour identifier les relations entre ce lobe intermédiaire et la sécrétion de l'hormone antidiurétique.

Les années soixante voient arriver l'intégration hospitalière, il est nommé Biologiste des hôpitaux, Chef de Service, mais refuse toute fonction hospitalière : il souhaite se consacrer entièrement à la recherche fondamentale. Il profite de la création des postes d'Attaché de Faculté, Assistant de Sciences fondamentales pour recruter une équipe de jeunes scientifiques.

Il a été membre du Comité Consultatif des Université et participé à la gestion plus universitaire que facultaire, et ce dans différentes structures : le Conseil académique de l'Université de Nancy, puis le Conseil de l'UER Physique-Chimie –Biologie.

Du point de vue des technologies nouvelles, alors que Georges GRIGNON développe le nouvel outil qu'est le microscope électronique, Etienne LEGAIT explore avec ses collaborateurs le champ des techniques histophysiologiques quantitatives que sont l'histochime, l'histoenzymologie, l'histoautoradiographie, l'immunocytochimie, la morphologie mathématique par l'analyse d'images.

Une très forte collaboration s'établit avec l'équipe de Michel BOULANGE du Laboratoire de Physiologie de notre Faculté, sur des recherches alliant des approches physiologiques et morphologiques des glandes et organes intervenant sur l'homéostasie hydrominérale. C'est dans le cadre de cette collaboration que furent obtenues les premières images mondiales de neuroanatomie immuno-cytochimique des systèmes neuronaux à vasopressine et ocytocine.

Une autre grande réalisation de sa vie scientifique est le rôle capital qu'il a joué dans l'édition scientifique francophone en assurant le secrétariat général, puis la vice-Présidence de l'Association des Anatomistes de langue française. Il deviendra éditeur en Chef de la revue des Anatomistes en 1965 ; il continuera d'assurer cette fonction de nombreuses années après son départ à la retraite en 1980.

Il est membres de très nombreuses sociétés scientifiques française et européennes (22), il a été l'organisateur de cinq congrès qui ont attiré à Nancy un grand nombre d'Anatomistes, d'Histologistes et de Neuroendocrinologistes.

Il est Commandeur dans l'Ordre des Palmes Académiques, Chevalier dans l'Ordre National du Mérite ; il a également été distingué par le Portugal qui l'a élevé au grade de Commandeur de l'Instruction Publique.

Son ascétisme et sa frugalité étaient légendaires ; ses dernières années ont été vécues dans la douleur. Sa conscience est restée pleine et entière au point de refuser toutes visites, tant il percevait ses transformations physiques. Il nous a quittés le 28 mai 2005 à l'age de 94 ans.

A ceux qui l'ont connu, il laisse le souvenir d'un Maître qui a assumé avec pugnacité ses tâches d'Enseignant et de Chercheur. Il était souvent critique et exigeant mais il a toujours su laisser une grande liberté aux Chercheurs de son Laboratoire. A chaque nouveau résultat acquis il témoignait de l'intérêt et terminait son propos par un « il faut continuer ».

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ELOGE par le Professeur G. GRIGNON

Il y a eu ce dernier dimanche de mai, cet appel téléphonique de Madame Legait, cette voix altérée, méconnaissable, comme hors du temps, … alors se sont éveillés d'innombrables souvenirs qui, brusquement ont envahi l'avant scène, pèle mêle, chacun repoussant l'autre dans un tourbillon qui enfin s'apaise …. Nous sommes en octobre 1948, 57 années reprendront place dans cette cohue, l'étudiant de troisième année que je suis, pénètre dans le Laboratoire d'Histologie où il est accueilli par le jeune Agrégé, Chef de Travaux Etienne LEGAIT, qui, fidèle à son habitude, est déjà là, installé à sa table de travail ; Etienne LEGAIT, qui, dans peu de temps, après un détour par Fribourg (Suisse), aura le privilège de diriger pendant trente années le Laboratoire d'Histologie que va bientôt lui léguer, en 1952, le prestigieux Professeur Remy COLLIN.

On entend à quelques pas de là les coups de balai du garçon de laboratoire, tandis que dans le couloir une odeur de cire venue de la salle de Travaux Pratiques le dispute à celle des souris qui, faute de mieux, sont installées sur une paillasse de l'entrée.

Alors commence la visite initiatique de ce lieu qui recèle pour moi encore nombre de mystères et commence un long monologue qui a été suivi de milles autres du jeune Agrégé qui, peut-être plus intimidé lui-même qu'on le croit, mêle souvenirs et règles de bonne conduite dans le laboratoire, recommandations et conseils pour devenir un bon histologiste. Pour ma part, plus intimidé que je ne veux le laisser paraître, mais rassuré par des propos qui paraissent plus bienveillants que menaçants, je quitte le Professeur LEGAIT, sans savoir que je ne quitterais ce Laboratoire historique que 25 ans plus tard pour aller m'installer dans mon propre laboratoire.

A cette époque, l'œuvre du Professeur LEGAIT dans le cadre de son activité universitaire est déjà importante. Il en a terminé avec la clinique ophtalmologique pour se consacrer entièrement à la recherche fondamentale. Il s'est déjà fait connaître pour ses travaux sur les énigmatiques organes épendymaires du troisième ventricule, sujet de sa thèse de Doctorat en Médecine. Ses travaux sur les dispositifs de régulation de la circulation dans les territoires vasculaires font autorité. Il abordera bientôt avec détermination et beaucoup de discernement des recherches sur l'histophysiologie du complexe hypothalamo-hypophysaire et notamment son rôle dans la régulation du métabolisme hydrique. Il saura utiliser, à bon escient, les techniques nouvelles qui, en cette époque, fusent de toutes parts, histochimie, biologie moléculaire, microscopie électronique … etc.

Il a au cours de sa carrière, organisé à Nancy plusieurs Congrès et notamment, en sa qualité de Secrétaire Général de l'Association des Anatomistes, le Congrès de 1970 qui fut un réel succès. Bref dans le domaine scientifique Monsieur LEGAIT fut un acteur de qualité qui a contribué dans son domaine de la morphologie à la réputation de notre Université.

Je ne saurais oublier la présence à ses côtés de Madame Legait qui avec une extraordinaire régularité a participé à l'activité du laboratoire, à l'enrichissement de ses publications scientifiques, notamment avec sa thèse de Médecine, travail monumental qui a fait à son époque autorité pendant de nombreuses années. Il y a plus, Madame Legait a su par sa gentillesse s'attirer la sympathie et l'estime du personnel du laboratoire. En un mot, elle a su résoudre par son comportement et sa compétence la difficile question de la présence de l'épouse du Chef de Service dans son laboratoire.

Il y avait certes, entre notre patron et nous, des discussions scientifiques et pédagogiques, il y avait aussi dont j'ai, pour ma part, gardé un excellent souvenir, les longues conversations à l'entrée de son bureau, conversations qui étaient le plus souvent de longs monologues où Monsieur LEGAIT, que je vois encore accoudé au radiateur, aimait à égrener ses souvenirs, ses commentaires sur mille et un évènements petits ou grand. Moments de détente qui souvent précédaient plus rarement mettaient un terme à la journée de travail. Permettez-moi au terme de cette intervention à la fois trop courte et trop longue, de renouveler mes respectueuses condoléances à Madame Legait et à ses fils, à toute sa famille.

Note  : Eloge funèbre prononcé par l'ancien Doyen G. Grignon le 2 juin 2005 (église Notre-dame de Lourdes – Nancy). G. Grignon devait décéder quelques mois plus tard.

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Compléments

 

I - TITRES UNIVERSITAIRES

Diplôme de médecine légale et de psychiatrie (1935)

Licencié ès-Sciences naturelles (certificats de zoologie générale, botanique générale et géologie générale)

Chef de clinique (1939)

Docteur en médecine (1942)

Agrégé d'histologie et d'embryologie (1946)

Professeur extraordinaire (chaire d'histologie et d'embryologie) de l'Université de Fribourg (Suisse), (1950-52)

Professeur d'histologie et d'embryologie (1952)

 

II - FONCTIONS UNIVERSITAIRES

Externe des Hôpitaux de Nancy (1931)

Préparateur d'anatomie (1932)

Interne des Hôpitaux de Nancy (1934)

Aide d'anatomie (1933)

Prosecteur d'anatomie (1936)

Chef de travaux pratiques d'histologie et d'embryologie (1939)

Agrégé chef de travaux (1946)

Maître de conférences agrégé (1949)

Professeur titulaire (1952)

Intégré avec effet ultérieur comme Biologiste des Hôpitaux, chef de service (1965)

 

III - DISTINCTIONS HONORIFIQUES

Chevalier de l'Ordre National du Mérite (1972)

Commandeur dans l'Ordre des Palmes Académiques (1977)

Commandeur de l'Instruction publique du Portugal (1972)

Médaille de la reconnaissance de la Nation (2002)

 

IV - DISTINCTIONS SCIENTIFIQUES

Lauréat de la Faculté de Médecine de Nancy (1930, 1932, 1942)

Lauréat de l'Académie de Médecine (Prix Testut, 1943)

Médaille de l'Association française pour l'Avancement des Sciences (1968)

Médaille de l'Université de Liège (1968)

Médaille de la Société Lorraine des Sciences (1970)

Médaille de l'Académie médicale de Stettin (1977)

 

V - DISTINCTIONS ELECTIVES

Membre élu du Comité consultatif des Universités (1949)

Secrétaire élu du Conseil de la Faculté (Fribourg, Suisse, 1951)

Membre élu du Conseil Académique de l'Université de Nancy (1962)

Membre du jury de l'agrégation (Histologie et Embryologie, 1961)

Membre du Conseil scientifique du Comité "Lorraine", de la Fondation pour la Recherche Scientifique (1970)

Membre élu du Conseil scientifique de l'U.E.R. Physique-Chimie-Biologie de l'Université de Nancy I (1970-73)

Membre élu du Conseil de l'UER Physique-Chimie-Biologie de l'Université de Nancy I (1973-76)

Membre élu du Conseil de la Faculté de Chirurgie dentaire (1976)

 

VI - SOCIETES SCIENTIFIQUES

Membre de l'Association des Anatomistes (1931), secrétaire général (1965), puis vice-président (1970)

Membre de la Société des Sciences de Nancy (1939), secrétaire (1960), puis président (1966-69)

Membre, secrétaire, vice-président et président de la Société de Biologie de Nancy

Membre correspondant de la Société de Biologie de Paris (1960)

Membre de la Société française d'Endocrinologie (1944) et vice-président

Membre de l'Association des Physiologistes (1949)

Membre de l'Association française pour l'Avancement des Sciences (1949)

Membre de la Société de Chimie Biologique (1950)

Membre de la Société française d'Angéiologie et d'Histopathologie (1950)

Membre de la Société Fribourgeoise des Sciences Naturelles (1950)

Membre de la Société française de Microscopie théorique et appliquée (1950)

Membre de l'Union libre des Anatomistes suisses (1950)

Membre de la Société de Pathologie comparée (1952)

Membre de la Société de Microscopie électronique (1959)

Membre de la Société Européenne d'Endocrinologie

Membre de la Société de Neuroendocrinologie expérimentale (1971)

Membre associé de l'Anatomical Society of Great Britain and Ireland (1972)

Membre de l'Anatomische Gesellschaft (1950)

Membre du Comité d'Organisation des Congrès européens d'Anatomie (1973)

Membre du Groupe d'Etude des Rythmes biologiques

Membre de la Société d'Ecophysiologie (1975)

Membre du Conseil de la Société de Neuroendocrinologie expérimentale (1975)

 

VII - COLLOQUES

Membre du Comité d'Organisation du 30ème Congrès de l'Association des Physiologistes (1962)

Secrétaire général du 87ème Congrès A.F.A.S. (Nancy, 1968)

Vice-président du 55ème Congrès de l'Association des Anatomistes (1970)

Vice-président du 3ème Congrès européen d'Anatomie (Prague, 1973)

Membre du Comité d'organisation du VIIème Colloque de Neuroendocrinologie expérimentale (Nancy 1975)

 

VIII - TITRES MILITAIRES

Médecin commandant de réserve

Prisonnier de guerre (1939-42)

Rapatrié puis libéré pour cause médicale