` sommaire

 

Le professeur Louis-Charles Engel (1821-1880)

 

Une carrière écourtée par la maladie et parsemée d’écueils

 

PIERRE LABRUDE

 

 

La vie et la carrière universitaire du professeur Louis-Charles Engel sont très mal connues. En effet, elles ont été à peu près totalement ignorées depuis son décès survenu en début d’année 1880, et jusqu’à nos jours. Cette méconnaissance tient sans doute à plusieurs raisons. La première est qu’il n’a intégré la Faculté de médecine de Strasbourg qu’assez tardivement, étant déjà quadragénaire, et longtemps après y avoir été aide de botanique. La seconde raison est que sa carrière a été coupée en deux par la guerre de 1870 : après avoir été agrégé à Strasbourg pendant plus d’une décennie, il est devenu professeur à Nancy. Mais cette période nancéienne a été très courte, à peine un peu plus de sept années, puisqu’arrivé officiellement en Lorraine en octobre 1872, il est mort en février 1880. La troisième raison est peut-être que la discipline de la chaire dont il a été titulaire, botanique et histoire naturelle médicale, a disparu à la suite des réformes des études médicales. La quatrième enfin est qu’il a sans doute été éclipsé par son fils Rodolphe, qui, très jeune, a été agrégé à Nancy et qui a été, presqu’aussitôt, nommé professeur titulaire à Montpellier. Le but de ce court travail est donc d’essayer de tirer Louis-Charles Engel de l’oubli à peu près total dans lequel il se trouve et de dresser un premier bilan de ce qu’il est possible d’écrire sur lui et sur ses activités.    

 

Les origines, les études de médecine et les premières années d’activité

 

Né à Strasbourg le 21 avril 1821, Louis-Charles est le fils d’Ignace Dominique Engel, cordonnier, et d’Anne Barbe Schaeffer. Très intéressé dès son plus jeune âge par les sciences naturelles, il a la capacité d’effectuer des études médicales à l’issue d’études secondaires littéraires. Mais, désireux d’entreprendre une carrière universitaire, il n’y parvient qu’assez tardivement.

 

Sa première fonction dans l’université est celle d’aide de botanique à la Faculté de médecine de Strasbourg. Obtenue à la suite d’un concours, il l’exerce à partir du 1er mars 1841 et jusqu’en 1842. Il est reçu docteur en médecine à Strasbourg en 1843 à l’issue de la soutenance d’une thèse intitulée « Recherches historiques et critiques sur l’albuminurie et la maladie de Bright » (note 1), dont le volume est de vingt-huit pages, comme cela est très classique à ce moment.

 

Dans son discours aux obsèques de Louis-Charles, le doyen Tourdes nous apprend qu’il exerce d’abord la médecine en milieu rural, puis pendant quatre années en qualité de médecin cantonal à Truchtersheim, à une douzaine de kilomètres au nord-ouest de Strasbourg, en direction de Saverne. Son fils Rodolphe naît à Fegersheim, à quelques kilomètres au sud de Strasbourg, en avril 1850. Il vient exercer à Strasbourg où il est médecin communal et médecin des Postes. C’est là que, désirant entrer à l’université, il se prépare à affronter les épreuves du concours d’agrégation de médecine.

 

Les concours d’agrégation de 1853 et 1860

 

Charles-Louis décide de se présenter au concours d’agrégation dans la section des sciences naturelles. A cette époque, le concours est local, c’est-à-dire qu’il se passe à Strasbourg et que le jury est constitué par des professeurs de la faculté. Parmi les diverses épreuves que le candidat doit subir, figure la rédaction d’une thèse spéciale, dite « thèse d’agrégation ». Compte tenu des deux concours que Charles-Louis a passé et des publications que nous connaissons de lui, il apparaît que l’ouvrage « Histoire naturelle et pharmacologie des médicaments astringents végétaux », cité en 1853, et d’un volume de 36 pages, correspond à la thèse qu’il présente au concours de 1853-1854 (certaines épreuves ont lieu en début d’année 1854) où il n’est pas reçu. Le « vainqueur » est Léon Coze qui sera successivement chargé du cours de matière médicale et de pharmacie, puis professeur titulaire de la chaire de matière médicale et thérapeutique, avant de venir à Nancy comme Louis-Charles. Pour sa part, « L’influence du climat et de la culture sur les propriétés médicales des plantes », paru en 1860 en 35 pages est le travail présenté pour le concours de 1860, où il est admis le 30 juin.

 

Agrégé de sciences naturelles à la Faculté de médecine de Strasbourg, Louis-Charles entre en fonction le 1er novembre 1862. Il devient l’agrégé du professeur Antoine Fée, titulaire de la chaire de botanique et d’histoire naturelle médicale depuis 1833. Entre temps, il a été nommé bibliothécaire adjoint à la Faculté le 8 février 1861, une fonction qu’il exerce pendant neuf années. D’après les affiches relatives aux enseignements, il a la charge du cours de parasitologie : les helminthes en 1866-1867, et la parasitologie en général en 1868-1869. Cet enseignement disparaîtra en tant que discipline individualisée avec le départ de la Faculté. Sous l’Annexion, il sera réparti entre plusieurs chaires dont celle d’hygiène.

 

Dans les années qui précèdent la Guerre de 1870, Louis Engel participe à l’activité de la Société des sciences de Strasbourg, fondée en 1828 et qui sera transférée à Nancy où elle deviendra la Société des sciences de Nancy. Il en est élu membre le 7 juin 1864. Le travail effectué en 1979-1980 par le professeur Gilbert Percebois à propos des publications de la société dans le domaine de la biologie, montre que les communications que Louis Engel y présente ne sont pas fréquemment suivies par la parution de « vraies » publications, mais qu’elles ne font le plus souvent que l’objet de comptes rendus dont la longueur s’échelonne de quelques lignes à une ou deux pages. Un bulletin paraît à partir de 1868 mais nous savons quelle a été l’activité de Louis Engel auparavant par ce qu’en a dit et écrit le doyen Tourdes. En 1865, Engel est l’auteur d’une note : « Sur le développement du Dystoma endolabum et sur les cercaires vivantes renfermées dans les kystes qu’on rencontre habituellement dans la crevette de rivière (Gammarus pulex) ». En 1868, il présente un « œuf de poule monstrueux » que le compte rendu mentionne en quatre lignes, et la reproduction de la plante Hydrocharis morsus ranae (note 2) par ses bourgeons hibernaux. Le texte est ici une « vraie » publication de cinq pages. Le 2 mars 1870, Engel fait une communication sur les insectes d’automne, en particulier de la famille des Fulgores (note 3), que le bulletin ne fait que mentionner.

 

Nous savons que Charles-Louis a obtenu une licence de sciences naturelles et qu’il est reçu docteur ès sciences naturelles à Paris en 1872, année où la Faculté de Strasbourg est transférée à Nancy. Son travail s’intitule « Recherches morphologiques sur les ferments alcooliques » et il donnera lieu à plusieurs publications. Avant le transfèrement, la faculté compte trente-sept enseignants. D’après l’Histoire de la médecine à Strasbourg, parmi les sept agrégés parvenus au terme de leur temps d’agrégation, seuls deux souhaitent quitter l’Alsace : Herrgott et Engel. Engel « suivrait volontiers la faculté », Herrgott aussi, mais à la condition de devenir professeur. C’est ce qui se produira puisque François-Joseph Herrgott sera nommé professeur d’accouchement en 1872.

 

La chaire de botanique et d’histoire naturelle médicale de Nancy en 1872.

 

Louis-Charles Engel est nommé professeur titulaire de la chaire de botanique et d’histoire naturelle médicale de la Faculté de médecine de Nancy par le décret d’organisation du 1er octobre 1872. Il est donc le successeur du professeur Fée qui avait demandé sa mise à la retraite à la suite de la guerre (note 4). La cérémonie d’inauguration de la Faculté et de l’Ecole supérieure de pharmacie qui lui est temporairement rattachée (note 5) a lieu le 19 novembre 1872 à l’occasion de la rentrée universitaire. Elle comporte différents discours, en particulier du recteur Dareste de la Chavanne et du doyen Stoltz. Les enseignements commencent le lendemain. La Faculté répartit ses services dans les locaux qui étaient auparavant attribués à l’Ecole préparatoire de médecine et de pharmacie à l’intérieur du Palais académique, et, à côté, dans ceux de l’Ecole primaire supérieure de garçons. Dans le Palais, l’Ecole bénéficiait d’une trentaine de pièces éclairées au gaz et d’une surface totale légèrement inférieure à mille mètres carrés. Parmi ces pièces figure un « vaste salon des collections avec des annexes pour réparations ». C’est sans doute cette salle qui accueillera les collections transférées de Strasbourg.

 

Si le mot botanique a encore une signification précise pour nous aujourd’hui, qui nous permet de penser que l’enseignement comporte sans doute une partie de botanique systématique et un ensemble de connaissances sur les plantes médicinales, peut-être de la région et sur celles qui sont couramment employées en médecine, il n’en est pas de même pour la locution « histoire naturelle médicale ». Ces mots et l’enseignement correspondant ont en effet aujourd’hui totalement disparu, et il nous est difficile de savoir ce qu’ils « recouvrent ». Heureusement, le doyen Stoltz les a définis dans le discours qu’il a prononcé lors de la séance de rentrée de l’université le 19 novembre 1873, pour le premier anniversaire de la présence à Nancy de la faculté dont il est l’administrateur. Pour Stoltz, la botanique « est celle des sciences qui est la plus élémentaire et la plus attrayante ». Sa connaissance est très nécessaire au médecin : « il doit connaître exactement toutes les plantes indigènes et exotiques employées dans la pratique, savoir les nommer par leur nom botanique, leurs caractères distinctifs, la famille, le genre et l’espèce auxquels elles appartiennent ». Cela ne peut s’apprendre convenablement qu’avec l’aide d’un jardin botanique. Pour sa part, l’histoire naturelle comprend « la description des objets tirés des trois règnes de la nature sous le rapport médical, c’est-à-dire leur usage en médecine. Le médecin doit savoir d’où proviennent les substances qu’il emploie sous forme de médicaments et comment on se les procure ; comment ces substances sont préparées. La matière médicale classe ces substances selon leur action, et la thérapeutique générale est la science des indications ». Stoltz ajoute que l’histoire naturelle et la matière médicale ont besoin de collections. C’est pourquoi nous allons voir que la faculté s’emploie à les développer et à leur trouver un emplacement qui permet leur exposition et leur étude.

 

Louis-Charles Engel a donc la responsabilité de la chaire, de son organisation, des enseignements théoriques et pratiques et de la recherche jusqu’à son décès, survenu le 16 février 1880. Il reçoit un traitement annuel de 7000 francs. Au cours de cette période, il est nommé officier d’Académie (aujourd’hui chevalier des Palmes académiques) le 29 décembre 1873, et officier de l’Instruction publique (aujourd’hui officier des Palmes) le 6 janvier 1880. Les deux décorations, habituellement et comme ici, se succèdent assez vite.

 

La création du laboratoire d’histoire naturelle

 

Où se trouve le laboratoire du professeur Engel pendant ces années ? La Faculté et l’Ecole supérieure de pharmacie se sont installées dans des locaux situés à l’intérieur du Palais académique, cependant que les bâtiments de l’Ecole primaire supérieure de garçons, qui se trouvent à côté, à l’angle de la place de l’Académie (note 6) et de la rue de Serre, qui appartiennent à la ville, ont été mis par celle-ci à la disposition de l’université. Ces bâtiments entourent une cour intérieure. C’est aujourd’hui l’emplacement de la bibliothèque de la Faculté de droit et des sciences économiques, des bâtiments dont elle dispose en bordure de la rue de la Ravinelle (note 6), et du petit parking qui se trouve entre l’actuelle bibliothèque et l’ancien palais académique. A partir de 1875, une grande salle de 24 mètres sur 9 située dans l’aile droite du Palais (du côté du passage (de) Haldat, là où était auparavant l’Ecole préparatoire de médecine et de pharmacie) est aménagée avec des vitrines en vue d’héberger et de présenter les collections d’histoire naturelle et d’anatomie. Un peu plus tard, les modifications apportées par le décret du 20 juin 1878 au régime des examens conduisent à créer un laboratoire de travaux pratiques de botanique et histoire naturelle, et un jardin botanique. En effet, la circulaire du 20 novembre de cette année précise les travaux qui sont obligatoires pour tous les élèves en cours d’études à partir de novembre 1879. Enfin, pour la période qui se termine avec le décès d’Engel en 1880, la galerie périphérique de la cour de l’école primaire supérieure est supprimée en 1879 par l’obturation des arcades, et la place gagnée grâce à ces modifications permet la création de laboratoires. L’espace compris entre les anciennes arcades du côté Est devient le laboratoire d’histoire naturelle, cependant que la cour disparaît en raison de la création d’un jardin botanique.

 

Les recherches menées par Louis Engel et les publications qu’elles suscitent     

 

Les compte rendus des séances solennelles de rentrée de l’université permettent de connaître une partie des travaux pédagogiques et de recherche auxquels Engel se livre de 1872 à 1880. Le rapport de 1873, paru l’année suivante, fait état de quatre publications (ou ensembles) depuis 1871 : une traduction d’un ouvrage de Minnich paru en allemand, Les thermes de Baden, en Suisse en 1871 ; « Notes sur quelques ferments alcooliques. Découverte d’un nouveau genre et d’une nouvelle espèce », aux Comptes rendus de l’Académie des sciences, en 1872 ; une autre traduction à partir de l’allemand d’un ouvrage de Virchow, De la méthode anthropologique, parue à la Revue scientifique en 1873, et la mention d’une dizaine d’« articles ou traductions par année » à la Revue d’hydrologie médicale. Il s’agit sans doute de la recension d’articles. Tourdes écrit dans l’éloge qu’il prononce : « Traductions et articles dans diverses revues : Revue scientifique, Revue d’hygiène, Revue médicale de l’Est. Trois volumes de la Bibliothèque scientifique internationale : Les Sens (Bernstein), Les Volcans (Vogel), Les Nerfs et les Muscles (Rosenthal) ».

 

En 1874, selon la même source, Engel est l’auteur de deux articles : « Remarques sur un cas de transposition générale des viscères » qui paraît à la Revue médicale de l’Est, et « de la force et du mouvement » que publie la Revue scientifique. L’année suivante, 1875, paraissent : une nouvelle traduction de l’allemand, Les sens, de Bernstein, qui constitue le seizième volume de la Bibliothèque scientifique internationale ; une dizaine d’articles dans la Revue d’hydrologie ; et « Communication préliminaire sur les êtres organisés microscopiques que l’on rencontre dans les eaux des environs de Nancy » qui est présentée à la Société des sciences de Nancy, l’ancienne Société des sciences de Strasbourg. Engel est frappé par la maladie à partir de 1875, peut-être même déjà l’année précédente, et sa production scientifique diminue alors. Il faut attendre 1879 pour qu’il présente un nouveau travail : « Des bactéries dans leur rapport avec la fièvre puerpérale », qui fait l’objet d’une communication à la Société des sciences en juillet. Je n’ai pas trouvé d’autre parution ultérieurement. Au total, cela représente « officiellement » huit publications et traductions de 1872 à 1879, mais il en existe d’autres. Le rapport du doyen Tourdes sur les travaux de la faculté, le 22 novembre 1880, fait état du décès du professeur Engel le 16 février précédent. Le texte est court puisqu’il ne compte que onze lignes. Ce même rapport mentionne la création du jardin botanique dans « la cour de la faculté », « avec le concours du professeur Le Monnier ». Si Engel a certainement entendu parler de sa création, il est probable qu’il n’a pas vu sa réalisation.

 

Dans le travail déjà cité sur les travaux de la Société des sciences de Nancy, le professeur Percebois indique que Louis Engel est l’un des quatre animateurs de la société à ses débuts à Nancy, ses collègues étant ici Emile Baudelot, Alexis Millardet et Charles Monoyer. Les membres titulaires sont classés par ordre d’ancienneté, et Engel occupe le dixième rang. A sa mort en 1880, il est au huitième. Le bulletin ne paraît à Nancy qu’à partir de 1873, dans une seconde série et en y partant du tome un. Entre cette année 1873 et 1879, M. Percebois mentionne dix travaux qu’Engel présente aux séances, et, comme à Strasbourg, presque tous se limitent à quelques lignes dans les procès verbaux. Le 30 novembre 1874, la note s’intitule « Sur un nouveau ferment de la gomme qui, sous son influence, se transforme en sucre ». L’année suivante, il est question de l’analyse par microscopie des eaux de puits de Nancy. En 1876, il traite des « ulcères observés sur des cyprins dorés, provoqués par le mycélium d’un champignon », et de « l’histoire naturelle microscopique des eaux du département de Meurthe-et-Moselle ». C’est la seule vraie publication de la série. Tourdes lui donne un titre plus précis : « Sur l’analyse microscopique d’un grand nombre d’eaux provenant de puits de Nancy ou de petits cours d’eau du département de Meurthe-et-Moselle ». En 1877, Engel décrit ses « recherches sur les Saccharomyces ; découverte de Saccharomyces roseus », et, l’année suivante, il s’agit « d’un nouveau genre d’infusoires (Scepionobates triangularis) ». Enfin, en 1879, deux communications ont trait à la bactériologie. Le 19 mai, il fait part de « la présence de bactéries d’une espèce particulière dans le sang d’une femme morte d’une maladie puerpérale infectieuse », puis, le 23 juin, il décrit des « faits nouveaux relatifs aux bactéries ». Le compte rendu de la séance n’en indique rien de plus. Comme cela est fréquent à cette époque, Tourdes indique un titre différent pour ce dernier travail, ou pour les deux derniers, qu’il date de juillet 1879, et qu’il écrit : « Sur les bactéries dans leurs rapports avec la fièvre puerpérale ». Pour terminer, je dois encore citer deux notes que je n’ai trouvées que chez Tourdes et qui ont dû être présentées à la Société des sciences de Nancy : « Sur des larves d’oestre sous la peau d’un chevreuil » et « Sur les bactéries et sur la reproduction des baccillus (sic) par les gonidies ». 

 

Comme on peut le constater, ces travaux se rapportent essentiellement à la biologie, à la bactériologie et à la parasitologie des eaux. Nombre d’entre eux ne sont pas mentionnés dans les comptes rendus d’activité présentés lors des séances solennelles de rentrée de l’université. Par ailleurs, il faut reconnaître que, s’ils correspondent à ce qu’on entend par « sciences naturelles », ils n’ont guère de rapports avec la botanique et l’histoire naturelle ! Tout ceci ne manque pas d’étonner.

 

Pendant ces quelques années de professorat, Louis Engel participe à la publication de la Revue médicale de l’Est qui est dirigée par un conseil présidé par le doyen de la faculté et par un comité de rédaction composé d’une dizaine de professeurs et d’un rédacteur en chef.

 

Les interventions du professeur Engel à l’Ecole supérieure de pharmacie

 

En accord avec l’article 12 de la loi du 21 germinal an XI (1803) qui crée les écoles de pharmacie, deux commissaires issus de la Faculté de médecine siègent dans les jurys d’examens. Ils participent aussi aux visites d’inspection des pharmacies et des magasins des droguistes. Ils sont élus par le conseil de la Faculté pour une année et ils peuvent être réélus. Celui-ci choisit habituellement des professeurs dont les disciplines d’enseignement sont proches de celles de l’école (botanique, matière médicale, chimie, toxicologie, etc.). Cette présence médicale dans les jurys de pharmacie sera abolie par le décret du 12 juillet 1878. Le premier vote du conseil de la faculté désigne deux professeurs qui vont siéger jusqu’en décembre 1874. Les commissaires de l’année 1875 sont élus à la séance du 21 décembre 1874 ; il s’agit du professeur Engel et du professeur Nicolas Blondlot, titulaire de la chaire de chimie médicale et toxicologie. Tous les deux sont réélus le 23 décembre 1875. Engel ne sera plus élu ensuite cependant que Blondlot meurt en 1877.

 

Par ailleurs, la vacance de la chaire d’histoire naturelle pharmaceutique de l’Ecole au moment du transfèrement, et les difficultés de recrutement d’un professeur conduisent Engel à assurer plusieurs intérims depuis l’ouverture des enseignements en novembre 1872 jusqu’au 1er décembre 1876. En effet, les deux premiers enseignants, Gustave-Clément Fleury et Philippe Cauvet, tous les deux pharmaciens militaires et anciens agrégés de l’Ecole de pharmacie de Strasbourg, ne peuvent venir à Nancy en raison de leur affectation militaire. C’est ensuite Edouard Heckel qui, nommé le 1er août 1876, quitte l’Ecole dès le 1er octobre, soit deux mois plus tard. C’est seulement le 1er décembre 1876 que la chaire reçoit un titulaire qui viendra à Nancy et y restera, en la personne du médecin militaire démissionnaire Gustave-Marie Bleicher. Cette participation du professeur Engel aux enseignements de pharmacie est logique puisqu’en plus, à ce moment, l’Ecole est provisoirement rattachée à la Faculté (note 5).

 

Le décès du professeur Engel   

 

Engel meurt le 16 février 1880. Dans son éloge, le doyen Tourdes indique que les premières atteintes de la maladie qui l’a emporté s’étaient produites quatre années auparavant et, qu’après une phase où un rétablissement avait eu lieu, la maladie avait repris en août 1869.

 

Ce décès est annoncé assez succinctement dans le rapport annuel de la Faculté présenté par le doyen en novembre 1880 à l’occasion de la rentrée de l’université, et il n’est pas suivi, l’année suivante, par la publication d’une biographie du défunt. Cependant, les textes des discours prononcés au cimetière le 19 février lors des obsèques paraissent dans le numéro 5 de l’année 1880 de la Revue médicale de l’Est. Le premier discours, qui constitue une biographie du disparu, est prononcé par le doyen Tourdes au nom de la Faculté, et le second par son chef de travaux Eugène Macé au nom des étudiants, La disparition du professeur Engel est annoncée au début de la séance du 1er mars de la Société des sciences.  

 

Les difficultés dues au décès du professeur Engel. L’avènement de Macé et de Vuillemin

 

Le décès du professeur Louis-Charles Engel se traduit par d’importantes difficultés, tant en matière d’enseignement qu’en matière de recrutement d’un successeur. Depuis l’arrivée de la Faculté à Nancy, Engel n’a bénéficié que de la collaboration d’un aide. Celui-ci a été successivement Lemaire, puis Millet et Simon. Adrien Lemaire mérite quelques précisions en raison de sa carrière, et il sera encore question de lui un peu plus loin dans le présent texte à propos du concours d’agrégation de médecine de 1883. Né en 1852 à Senones (Vosges) et licencié ès sciences naturelles à Nancy en 1873, il occupe les fonctions d’aide de botanique et de pharmacologie à la Faculté de février 1873 à février 1876. Après son service militaire, commencé à partir de ce moment, il devient préparateur de botanique à la Faculté des sciences chez le professeur Le Monnier le 1er novembre 1877. Reçu docteur en médecine à l’issue de la présentation d’un travail de botanique médicinale en mars 1882, il désire devenir maître de conférences dans une faculté des sciences ou agrégé dans une faculté de médecine.

 

Engel avait demandé et obtenu la création d’un emploi d’agrégé de sciences naturelles, mais personne n’avait été nommé au concours de 1878 et il en sera de même en 1880. La Faculté n’a donc personne pour assurer les enseignements à la mort d’Engel, et elle se tourne vers les autres établissements nancéiens comme l’avait fait l’Ecole de pharmacie de 1872 à 1876. Elle choisit de demander l’aide du professeur de botanique de la Faculté des sciences, Gaston Le Monnier. Elle aurait aussi pu choisir Gustave-Marie Bleicher qui est médecin, pharmacien et docteur ès sciences, et professeur d’histoire naturelle pharmaceutique. Gaston Le Monnier enseigne en médecine pendant quatre années et trace les plans du jardin botanique qui va occuper le quadrilatère formé par les bâtiments situés le long des rues et de la place, et du côté du Palais académique. Les premières plantations et la pose des étiquettes ont lieu pendant l’année 1880-1881.

 

La Faculté s’efforce cependant de trouver un enseignant de botanique et histoire naturelle en son sein. Au moment du décès d’Engel, le chef de travaux de cette dernière discipline est Eugène Macé, nommé en septembre 1879. Celui-ci, né à Château-Salins en 1856, a suivi à Nancy le cursus de la Faculté des sciences, celui de l’Ecole de pharmacie et celui de la Faculté de médecine. Licencié ès sciences naturelles en 1879, il a soutenu sa thèse de doctorat en médecine le 11 février 1881 et il a été reçu pharmacien de 1e classe la même année. Comme l’emploi d’agrégé de sciences naturelles n’est pas occupé et qu’il est mis au concours de 1883, Macé se présente. Il est en concurrence avec Adrien Lemaire déjà cité, mais celui-ci n’est pas admis. Macé, agrégé, devient alors chargé du cours de botanique et d’histoire naturelle médicale. Son préparateur est Jean-Paul Vuillemin depuis le 1er mars 1880. Ce dernier est reçu en 1884 au concours pour l’emploi de chef de travaux et il soutient sa thèse de doctorat en médecine le 31 juillet sur un sujet de botanique.

 

La chaire d’histoire naturelle est (enfin) déclarée vacante le 9 mars 1889 et Macé en est nommé titulaire par le décret du 22 juin. Lorsqu’en mars 1893 il accède à la chaire d’hygiène à la suite du décès du professeur Léon Poincaré, intervenu en septembre 1892, Vuillemin reçoit la charge du cours de botanique et histoire naturelle. Reçu à l’agrégation de 1895, il est institué agrégé le 1er novembre. Mais, la chaire ayant été déclarée vacante par l’arrêté du 29 juillet, Vuillemin en est nommé professeur titulaire le 22 de ce même mois de novembre.

 

Conclusion

 

La disparition rapide du professeur Engel, après seulement quelques années de professorat nancéien, de novembre 1872 à février 1880, soit environ sept années, dont les dernières ont été perturbées par la maladie, ne lui a pas permis de marquer la Faculté par sa présence et par son activité. Celle-ci a surtout consisté, compte tenu des circonstances, à organiser ses enseignements tant en médecine qu’en pharmacie, son laboratoire de recherche, celui de travaux pratiques, sans oublier la galerie des collections, et ceci sans beaucoup d’aide puisque seule la présence d’un aide de laboratoire nous est connue. Disparu rapidement, sans doute éclipsé par la brillante et rapide réussite de son fils Rodolphe (note 7), il a aussi certainement pâti de l’érosion subie par l’enseignement de la botanique et de l’histoire naturelle dans les études médicales jusqu’à leur suppression des programmes.

 

Notes

 

1. La maladie de Bright a changé de dénomination et elle s’appelle maintenant glomérulonéphrite. Elle porte le nom du médecin britannique Richard Bright (1789-1858) qui est considéré comme le père de la néphrologie.

2. Cette plante a reçu de nombreux noms : Hydrocharis des grenouilles, morène, petit nénuphar, grenouillette. Appartenant à la famille des Hydrocharitaceae, c’est une plante aquatique flottante, courante dans les bassins, qui ressemble à un nénuphar et qui développe de petites fleurs blanches à cœur jaune.

3. La famille des Fulgores, aujourd’hui Fulgoridae, est constituée d’environ cent vingt-cinq espèces d’hémiptères, souvent tropicaux, colorés et ressemblant aux lépidoptères (papillons). Décrits par Latreille en 1807, ils possèdent souvent un prolongement céphalique appelé « lanterne » parce qu’on a longtemps cru qu’il émettait de la lumière.

4. Antoine Laurent Apollinaire Fée, né en 1789, est d’abord pharmacien militaire et professeur dans les hôpitaux militaires. Ayant accédé à la chaire à Strasbourg en 1833, il prend sa retraite à la suite de la guerre de 1870. Il est nommé professeur honoraire en 1872. Membre de l’Académie de médecine et président de la Société botanique de France, il meurt à Paris en 1874.

5. Pour simplifier la gestion de l’université et en raison des chaires restées vacantes à l’Ecole supérieure de pharmacie au moment du transfèrement, celle-ci est temporairement rattachée à la Faculté de médecine. Ce rattachement disparaît avec le décret du 11 janvier 1876. Il n’avait rien à voir avec la présence de deux professeurs de médecine dans les jurys d’examens de pharmacie.

6. A l’époque, la place devant le Palais académique s’appelle « place de l’Académie », tandis que la rue qui est derrière, l’actuelle rue de la Ravinelle, porte le nom de « rue Lepois ».         

7. Louis-Charles Engel n’a pas fait l’objet d’une notice dans le Dictionnaire de biographie française, contrairement à son fils Rodolphe.

 

Sources documentaires utilisées

 

Archives de la Faculté de médecine de Nancy, déposées au musée de la Faculté, et versées aux Archives départementales en 2017. Registre du personnel de la faculté, n°7835.

Bulletin de la Société des sciences de Strasbourg, de 1868 à 1870, et Bulletin de la Société des sciences de Nancy, de 1873 à 1880. Cette publication est disponible en ligne.

Dumont-Leroux C., L’Ecole de médecine de Nancy 1822-1872, thèse de doctorat en médecine, Nancy, 1978, 205 p., ici p. 141 et 142.

Histoire de la médecine à Strasbourg, ouvrage collectif, réalisé sous la présidence de J.-M. Mantz, et la direction de J. Héran et B. Reumaux, Strasbourg, La Nuée Bleue/Dernières Nouvelles d’Alsace/Faculté de médecine de Strasbourg, 2e édition, 1997, 799 p., ici p. 242, 245, 351, 356-358, 402 et 771.

Index Catalogue of the Library of the Surgeon-General’s Office, US Army, Authors & Subjects, Washington Government Printing Office, 1883, vol. 4, p. 245. La notice cite les thèses de doctorat et d’agrégation, qui figurent respectivement dans les volumes 10, 19 et 29 des collections. 

Labrude P. et Strohl S.-A., « Le transfèrement depuis Strasbourg et les dix premières années de l’Ecole supérieure de pharmacie de Nancy (1872-1882). Un exemple de la difficulté à créer un établissement d’enseignement supérieur presque ex nihilo et dans l’urgence », Revue d’histoire de la pharmacie, 2007, n°353, p. 25-40.

Larcan A., « Histoire du Journal médical de Nancy », Annales médicales de Nancy, numéro spécial du centenaire de la revue 1874-1974, 1975, vol. 14, p. 17-39, ici p. 18-19.

Legras B., Les professeurs de médecine de Nancy Ceux qui nous ont quittés, Amazon Fulfillment, Pologne, 4e édition, 2019, 615 p., passim.

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Molaro C., « Gaston Le Monnier (1843-1931) », dans Les enseignants de la Faculté des sciences de Nancy…, op. cit., p. 362-364.

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