VUILLEMIN Jean-Paul

1861-1932

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Le Professeur Paul VUILLEMIN (1861-1932) par le Professeur G. PERCEBOIS - Annales Médicales de Nancy Tome XI - Février 1972

Le 13 février 1861, « entre le Mardi Gras et le Mercredi des Cendres », Auguste VUILLEMIN, percepteur à Docelles, connut une grande joie : sa femme, Julie GUERY, épousée en 1856, donna naissance à un fils, Jean-Paul. Déjà, peu de temps après leur mariage, un garçon était né, mais il mourut en bas-âge. Une fille, Marie, avait précédé Jean-Paul au foyer. Auguste VUILLEMIN espérait que la mort épargnerait ses deux enfants. Le pauvre homme lui avait déjà payé un lourd tribut ; marié en première noce à Laure PARISOT, comme lui de Vicherey, il en avait eu un enfant. Très tôt, la mort lui ravit ces deux êtres aimés.

Le nouveau-né était de constitution délicate. Aussi fut-il particulièrement choyé par sa mère qui, chaque jour, l'emmenait au grand air. Longtemps, elle conserva cette habitude et quand devenu écolier, son fils disposa de moins de temps, ils sortirent ensemble après le déjeuner ou après la classe. Férue de botanique, initiée à cette science par son père, possédant comme lui un herbier riche des plantes de la région qu'elle complétait en toutes occasions, Madame VUILLEMIN guida très tôt son fils dans ce monde végétal qu'elle vénérait.

Jean-Paul fréquenta l'école très jeune: d'abord la « Salle d'asile de Soeur Marcille », puis la classe de l'instituteur, M. TREVILLOT, qui lui inculqua de solides notions de mathématiques.

Les enfants grandissant, il s'avéra nécessaire d'aller habiter un lieu plus propice à leurs études. Epinal, à proximité était toute désignée : M. VUILLEMIN pourrait conserver ses fonctions à Docelles où il se rendrait par le chemin de fer de la Vologne ; la famille trouverait un toit chez le grand-père GUERY, veuf depuis peu. On s'y installa donc, en 1869, rue d'Ambrail. La maison s'appuyait aux remparts. Une tour dominait le jardin, gagné sur les anciens fossés ; un ruisseau le traversait. L'intérieur était tout aussi attrayant pour une jeune imagination. On y trouvait des herbiers, des collections de fossiles, de minéraux, des livres anciens.

Le grand-père, Constant GUERY, avait commencé, dans sa jeunesse, des études de pharmacie à Strasbourg, qu'il avait dû interrompre à la mort de son père. Revenu à Epinal, il fut successivement employé à la Préfecture, caissier à la Recette Générale, puis Fondé de Pouvoir et enfin, Archiviste départemental. Ces fonctions ne lui firent jamais abandonner complètement les Sciences naturelles. C'est ainsi qu'il travailla aux collections du Musée de la ville et qu'occasionnellement, il enseigna la botanique au collège. Il constitua une importante collection géologique avec son frère, officier du Génie ; et surtout, il ne manquait pas une occasion d'herboriser, avec sa fille d'abord puis, plus tard, avec son petit-fils, Jean-Paul. Le grand-père et l'enfant sortaient presque quotidiennement ensemble ; courtes promenades après la classe ou excursions plus longues des jours de congé. Souvent c'était toute la famille qui se rendait aux champs. Il était d'usage d'aller, chaque année, goûter à la « Fontaine des Quarante Semaines » qu'avait embellie un GUERY, en 1847, l'oncle Joson. C'est dans les anfractuosités de cette fontaine que VUILLEMIN rencontra, des années plus tard, le sujet de sa première note scientifique, une mousse « Schistostega osmundacea ».

Durant le premier semestre de 1872, Paul, élève de 6ème au collège d'Epinal, rédigea un journal. Levé chaque jour à 6 heures, parfois à 5, il revoit ses leçons jusqu'à 7 heures, déjeune, dit ses prières en famille et fréquente l'école de 8 h. à 10 heures. Il se consacre à ses devoirs jusqu'à midi. L'après-midi, la classe se termine à 4 heures. On lui accorde une heure de récréation, puis les devoirs et les leçons l'occupent jusqu'au dîner. A 9 heures il est heureux d'aller se coucher. Sa classe compte 18 élèves, ses places sont bonnes. Les jours de congé, le lever est retardé à 7 heures. L'après-midi, il se rend chez des camarades ou les reçoit chez lui. Selon le temps ou l'humeur, on regarde des images ou l'on joue à la guerre ; on construit même des forts dans le jardin qu'on fait sauter avec de la poudre et des pétards. Le dimanche soir est consacré à une partie de nain jaune avec le grand-père, « Papa Constant ».

Les promenades en famille tiennent aussi une grande place : « on va au bois, on regarde avec ironie manoeuvrer au Champ de Mars les Prussiens qui occupent la ville, puis l'on rentre chargé de fleurs que l'on met soigneusement sous presse ».

Paul possédait un coin de jardin où il surveillait ses fleurs, ses fraisiers. Outre son journal, il écrivait des poèmes : « L'Etat actuel de la France », « Le Printemps », « Un père perdant son enfant jeune encore ». Il créait des pays imaginaires dont il dressait les cartes et rédigeait l'Histoire. Enfin, il manifestait beaucoup de goût pour le dessin ; il fit le portrait de sa soeur, le sien également.

Vicherey, berceau de sa famille paternelle, l'accueillait chaque année. Il s'y rendait avec sa soeur, Marie, et sa mère ; son père, retenu par ses fonctions, les accompagnait rarement. Voici comment, en 1875, il décrivait ses occupations estivales : ...« après dîner, pour me reposer, je suis allé à la Rochotte où j'ai trouvé 54 variétés de plantes fleuries maintenant, sans compter les mûres. Hier matin, je suis allé sur une hauteur, au-dessus de Grimonviller et je me promets de vous y mener. C'est à quatre petits kilomètres de Vicherey et la vue y est bien aussi belle qu'à Sion. Comme ensemble, elle vaut mieux car d'un même point on domine à la fois de tous les côtés. J'ai dessiné le paysage... ».

En 1877, Paul VUILLEMIN arriva au terme de ses études secondaires. Très fort en mathématiques, il était entendu qu'il préparerait Polytechnique, encouragé en cela par ses professeurs. Sa place était déjà retenue dans une école spéciale quand, l'atavisme, l'ambiance familiale, les plaisirs de l'enfance, se manifestèrent brutalement et poussèrent VUILLEMIN à se consacrer à l'Histoire naturelle. Un ami, souvent rencontré à Vicherey, Charles SOYER, amoureux lui aussi de botanique, étudiait la médecine à Paris ; il encouragea VUILLEMIN à suivre cette voie.

Sur le point de quitter Epinal, son collège, sa famille, J.-P. VUILLEMIN, fit l'apprentissage de la mort et de la maladie. « Papa Constant » son grand-père, mourut ; l'adolescent ressentit douloureusement cette séparation qu'il n'avait jusqu'alors envisagée que provisoire. De plus, la santé de sa mère s'altéra, sa vue flaiblit ; elle devait devenir aveugle deux ans plus tard.

1878. Il a 17 ans, les cheveux blonds, le teint pâle, les yeux bleus, clairs, transparents. Comme sa mère, il est de petite taille (1 m 59). Il arrive à Nancy, accompagné de son père qui lui trouve une chambre rue de la Source, à l'angle de la rue du Cheval-Blanc et lui choisit, rue Callot, le restaurant où il devra prendre ses repas : chez LAVOCAT.

La Faculté était alors place de l'Académie, à l'emplacement de l'actuelle Bibliothèque universitaire. Le Laboratoire d'Histoire naturelle ouvrait sur un jardin où l'on trouvait des plantes médicinales, ainsi qu'un bassin rempli de plantes aquatiques, enfin, rareté pour l'époque, il s'y dressait un ginkgo. L'enseignement pratique de la Botanique était dispensé près de la porte Sainte-Catherine dans une bâtisse, ancien corps de garde devenu entrepôts du jardin botanique, dans « des pièces en soupente, aux fenêtres à tabatière, où l'on gelait en hiver et rôtissait en été ».

En plus de ses études médicales, VUILLEMIN, bachelier es-Lettres, devait préparer le baccalauréat es-Sciences, restreint. Il s'acquittait si bien de toutes ces tâches que non seulement il réussit ses examens, mais très rapidement il prit une part active à l'enseignement et à la vie scientifique de l'Université. Le 1er mars 1880, il fut nommé après concours, aide d'Histoire naturelle à la Faculté de médecine, ce qui lui assura, outre 1000 francs d'émoluments annuels, d'être exempté des droits d'inscription. En 1881, le 1er juin, jeune préparateur inconnu (son nom est orthographié VILLEMIN à deux reprises dans le procès-verbal), il présenta sa première note, devant la Société des Sciences de Nancy, par l'intermédiaire du professeur LE MONNIER. Des liens d'amitié devaient s'établir entre les deux hommes et persister durant toute leur existence. LE MONNIER et MACE, présenteront la candidature de VUILLEMIN à la Société des Sciences lors de la séance du 15 novembre 1882 et, à la réunion suivante, le 1er décembre, après un rapport verbal de MACE, VUILLEMIN sera élu à l'unanimité, membre titulaire. Il devait en être le secrétaire durant l'année 1883.

Il logeait alors rue Saint-Georges, au 43, presqu'en face de la cathédrale, chez COLLIN, bottier. Le 1er janvier 1884, il fut nommé, après concours, Chef de travaux d'Histoire naturelle, remplaçant MACE, devenu agrégé. Son poste d'aide d'Histoire naturelle échut à PRENANT. Le 31 juillet de la même année, il soutint sa thèse de doctorat en médecine. Le sujet, bien que botanique, « de la valeur des caractères anatomiques au point de vue de la classification des végétaux. Tige des composés », fut accepté par le président de son jury, le doyen TOURDES, professeur de médecine légale, qui voulut bien y trouver, « une application utile dans la pratique et notamment en médecine légale ». Ses juges étaient, outre le président, MM. BEAUNIS, professeur (remplaçant M. Coze) ; BAGNERIS, agrégé de physique et MACE, agrégé de botanique. Ses parents n'y assistaient pas ; VUILLEMIN leur dépeignit la séance en termes euphoriques dans une lettre rapidement rédigée juste avant « l'arrosage ». LE MONNIER était dans la salle.

Engagé conditionnel d'un an, le nouveau docteur dut accomplir ses obligations militaires. Il fut affecté à Lille, à la 1ère section d'infirmiers militaires, le 11 novembre 1884. La promiscuité, la nourriture de la caserne, l'abandon surtout de ses activités intellectuelles, lui firent mal supporter cette vie nouvelle. Il pouvait cependant loger en ville, prendre ses repas au restaurant et très rapidement, il eut des loisirs, compensation des gardes de jour et de nuit qu'il ne tarda pas à assurer en tant qu'infirmier de visite. Il en profita pour renouer avec ses activités antérieures ; ainsi il assista, dans les Ardennes, à une session de la Société française de botanique, il alla à Paris où il fut présenté à Van TIEGHEM, enfin, à Lille même, il rencontra régulièrement des biologistes, dont l'abbé BOULAY, avec qui il étudia les mousses. Il connut à cette époque des périodes d'inquiétude et de doutes : la pratique médicale pour laquelle il n'avait jamais manifesté beaucoup d'intérêt, lui répugne ; en outre, son avenir à la Faculté de Nancy lui paraît aléatoire. Il envisagea, un moment, de demander un poste dans l'enseignement secondaire, à Paris, afin d'assurer sa vie matérielle et de préparer une thèse de Sciences au Muséum ou à la Sorbonne. Son père, averti, l'en dissuada et lui conseilla de prendre patience.

Il devait être libéré à la fois de ses hésitations et de son service militaire par la mort subite de son père survenue le 30 septembre 1885. Une permission lui permit d'arriver, la veille, au chevet du moribond. Une semaine plus tard, il retourna à Lille. Fils de veuve, il fut libéré de ses obligations militaires et revint définitivement en Lorraine.

Dès la rentrée de 1885, il reprit ses fonctions de chef de travaux, s'installant rue des Ponts au n° 9, dans deux pièces du second étage et prenant ses repas à l'Hôtel du Faisan, rue des Quatre-Eglises. D'emblée, il manifesta une intense activité, outre les fonctions à la Faculté de médecine, il enseigna dans divers établissements de la ville, soit occasionnellement, comme au Lycée, soit d'une manière régulière, à l'Ecole professionnelle de l'Est, à l'Union de la Jeunesse lorraine, à l'Ecole Stanislas. Il menait alors ses recherches dans « le laboratoire sale et poussiéreux » des élèves de la Faculté, place Carnot. A ses préoccupations botaniques s'ajoutèrent des études mycologiques aboutissant en 1886 à la publication, dans le Bulletin de la Société des Sciences, d'un important mémoire de 125 pages, consacré à des « Etudes biologiques sur les champignons ». Il entretint à cette époque des relations amicales avec des professeurs de l'Ecole des Eaux et Forêts, MM. MER, HENRY, BARTET et s'intéressa beaucoup à la phytopathologie. Dès 1887, il publia le résultat de ses premières recherches dans ce domaine. La maladie des pruniers et des cerisiers en Lorraine, le chancre des conifères, le bacille du pin d'Alep, le rouge des feuilles du pin sylvestre et d'autres sujets du même ordre le retiendront durant de nombreuses années.

1888 est l'année de la parution de son premier gros ouvrage, « La biologie végétale » édité par J.B. BAILLIERE ; un volume, in 16, de 380 pages qui sera, plus tard, traduit en russe. Il a 27 ans, ses lettres reflètent vitalité et optimisme : « je pourrais tranquillement, à moins de nouvelle aubaine, faire la petite note que j'ai promise au Journal de Botanique, sur la première forme du parasite des cerisiers (d'not'jardin) »... « étudier le charmant parasite des coquelicots dont j'ai été quérir dimanche une nouvelle cargaison à Bosserville, fabriquer des fromages avec M. MER » ...« jeudi, je dois aller à Malzéville y faire mes travaux pratiques ; c'est là le beau côté de la situation. Vendredi, mon libraire avait déjà vendu dix Biologie »...

En juillet 1889, il termina avec succès ses examens de licence es Sciences et obtint le prix annuel (1000 francs de livres à choisir). Ce succès ne fit qu'attiser son ardeur, il rassembla et classa sans attendre, les documents que depuis des années il amassait et commença la rédaction de sa thèse de doctorat es Sciences consacrée à « La subordination des caractères de la feuille dans le phylum des Anthyllis ». Il soumit ce travail à M. BONNIER, professeur de botanique à Paris, qui après quelques hésitations, l'accepta bien que n'émanant pas d'un de ses élèves. La soutenance eut lieu à Paris, le 12 mai, M. BONNIER, présidant le jury composé de MM. MUNIER, CHALMAS et GIARD. Les sujets imposés par la Faculté étaient le « Trias en Lorraine » et « Les animaux producteurs de galles ». Ce fut un succès.

Ses fonctions à l'Ecole professionnelle, permirent à VUILLEMIN de rencontrer puis d'apprécier la fille du Directeur, Mlle TABELLION. Il l'épousa en 1893 ; leur voyage de noce leur fut l'occasion de visiter Bellinzona, Lugano, Milan, Venise, après quoi le couple revint à Nancy et s'installa 27, rue Grandville. Chargé du cours d'Histoire naturelle (depuis le 1er novembre 1892), VUILLEMIN espérait devenir Professeur ; malheureusement, « trois fois les concours se succédèrent sans qu'une place eut été accordée à la Faculté de Nancy ». Il connut des moments d'angoisse quand il fut question de transformer la Chaire d'Histoire naturelle. Finalement un poste d'Agrégé fut créé pour le concours de 1895. Cela n'arrangeait pas VUILLEMIN qui espérait la titularisation et se trouvait maintenant placé devant l'alternative de devenir Agrégé et le rester neuf ans sans être sûr d'être titulaire, ou de ne pas se présenter et voir ainsi le poste occupé par un autre. La mort dans l'âme, il se prépara à l'épreuve « je ne souffrais pas seulement dans mon amour propre, j'avais dû abandonner avec un profond regret, avec un vrai chagrin, un ensemble considérable de recherches commencées, pour me livrer à une stérile révision de travaux anatomiques qui ne m'inspiraient qu'un médiocre intérêt. J'étais arrivé justement au summum de mon activité quand la fatale nécessité d'envisager le concours avait brusquement tari la source de ma production scientifique ».

Le 25 janvier 1894, « une grosse et grande Jeanne » naquit au foyer de VUILLEMIN, à la place du garçon que l'on attendait. Elle n'en fut pas moins bien accueillie.

La rentrée de 1894 fut marquée par « un événement sensationnel ». Pour la première fois des filles, des étrangères, fréquentaient l'Université. Deux Bulgares s'étaient inscrites à la Faculté des Sciences, neuf Bulgares et une Russe en Médecine. L'Est Républicain du 25 octobre 1894 annonçait... « une seconde étudiante russe arrivera prochainement à Nancy ».

VUILLEMIN les accueillit chaleureusement, leur ouvrit son foyer et les aida dans leurs études. Il inspira leur thèse ce qui lui vaudra de présider la première Thèse de Médecine soutenue par une femme à Nancy.

En 1895, l'année de l'Agrégation, VUILLEMIN fit d'abord un bref séjour à Paris au mois de mars, puis, le 16 mai il y revint et s'installa dans un appartement, laissé libre depuis la mort d'un parent de sa femme, 54 boulevard Saint-Michel. Dès le lendemain, il rendit visite aux membres du Jury, MM. PERRIER du Muséum, GUIGNARD de l'Ecole de Pharmacie, MATHIAS DUVAL de la Faculté de Médecine, FARABEUF, professeur d'Anatomie à l'Ecole de Médecine et GLEY de la Sorbonne. Sur le boulevard, il rencontra des Nancéiens, les uns membres d'un Jury, tel PRENANT, d'autres comme LAMBERT, JACQUES, FROELICH, concourant pour la physiologie, l'anatomie ou la chirurgie.

Le 20 mai, eut lieu le tirage au sort. Sa leçon de trois quarts d'heure fut consacrée aux plantes à gomme. Le 31, il composa, durant cinq heures, en anatomie et physiologie. Puis il donna lecture de son exposé de titres et travaux en vingt minutes. Restaient les épreuves pratiques de dissection et la leçon d'une heure. Cette leçon fut exposée le 18 juin 1895. VUILLEMIN parla savamment des « adaptations parasitaires sur les Animaux » et le « dernier mot de la conclusion tomba comme l'heure sonnait ».

Deux grandes joies marquèrent la fin de l'année, ce fut le 18 novembre, la naissance d'un fils, André, puis, quelques jours plus tard, le 22, VUILLEMIN, nommé Agrégé le 1er novembre fut titularisé dans les fonctions de Professeur.

La famille agrandie, l'appartement de la rue Grandville ne suffit plus, on décida d'aller habiter à Malzéville, dans la maison des beaux-parents TABELLION. En ajoutant deux pièces au rez-de-chaussée et autant à l'étage, les deux familles pourraient cohabiter sans gène.

Dès juillet 1896, la famille VUILLEMIN s'installa au 16 de la rue d'Amance, aujourd'hui rue Maurice-Barres, à Malzéville. VUILLEMIN y trouva fort heureusement un jardin où il put poursuivre ses observations botaniques. Les années suivantes il s'intéressa aux variations et anomalies des plantes ; un massif de phlox recevra sa visite attentive quotidienne, en avril et en mai pendant six ans. Les enfants eux-mêmes, apprendront à déceler la moindre irrégularité et la soumettront à leur père (la rosé à cent feuilles, « observation inédite de mon fils Paul », juillet 1926) (les anomalies végétales p. 129). Ainsi s'accumuleront des documents qui, plus tard, en 1926, feront l'objet d'un fort volume.

Dans son bureau du second étage, il établissait son programme d'enseignement dans le détail, tenait à jour ses cours qu'il rangeait soigneusement dès la fin de l'année scolaire.

Il se rendait chaque jour à son laboratoire, place Carnot. Plus tard, quand la Faculté fut transférée rue Lionnois, il fut plus irrégulier, n'allant à son laboratoire que pour des observations microscopiques ou des cultures, réservant la rédaction de ses notes, la préparation de ses cours, entretenant sa volumineuse correspondance, chez lui à Malzéville.

Le 16 décembre de cette année, à peine installée dans son nouvel intérieur, Madame VUILLEMIN donna le jour à son troisième enfant, Henri. Durant le printemps 1898, tous les membres de la famille furent successivement atteints par uns « mauvaise grippe ». VUILLEMIN, très touché, fut obligé de s'aliter pendant un mois. C'est pourquoi, profitant des vacances de Pâques, toute la famille s'échappa à Epinal, chez Mme VUILLEMIN. Malheureusement, après quelques jours de gaie réunion, une hémorragie cérébrale la terrassa. Elle resta 10 jours sans retrouver l'usage de la parole avant de s'éteindre entourée des siens. La naissance du quatrième et dernier enfant, Paul, survint dans cette ambiance de deuil, le 17 mai. Il fut baptisé dans l'intimité, sa soeur, Jeanne, étant marraine ; un cousin, étudiant, étant parrain.

Un an plus tard, VUILLEMIN perdit l'usage de l'oeil droit et présenta des vertiges. On incrimina l'usage du microscope. Celui de VUILLEMIN était un monoculaire, acheté d'occasion, éclairé par la lumière d'un gaz, traversant une boule de cristal remplie d'eau. Un instrument dont « aucun de nos étudiants ne voudrait aujourd'hui, déclarant qu'on ne peut travailler avec ça », comme l'écrira plus tard le Recteur ADAM.

Soigné par son ami, le Docteur KNOEPFLER, VUILLEMIN recouvra la vue en quelques jours, mais un scotome persista. D'autre part, le malade présentant un mauvais état général, on lui conseilla de prendre un long repos au grand air. L'année scolaire s'achevait, VUILLEMIN attendit que soient soutenues des thèses de son laboratoire, puis il partit avec son épouse dans une propriété que celle-ci possédait près de Blénod-les-Toul, la ferme de St-Fiacre. Les enfants restèrent à Malzéville sous la tutelle des grands-parents.

A Saint-Fiacre, VUILLEMIN trouva un vallon encaissé entre des bois qu'occupait une ferme en son centre, encadrée par deux chemins. En face de la ferme, s'écoulait d'une niche de pierre, l'eau aux propriétés curatives, d'une fontaine miraculeuse.

A gauche en arrivant, s'élevait une ancienne chapelle bâtie sur une terrasse, entre la forêt et le rideau de sept tilleuls centenaires. Le choeur, éclairé par une élégante fenêtre ogivale, abritait un rétable polychrome, daté de 1522. C'est au premier étage de cette chapelle que le couple s'installa sommairement. Ultérieurement et jusqu'en 1913, la famille, au complet, vint chaque année y passer le mois d'août.

Quelques-unes des observations qu'y fit le Professeur VUILLEMIN furent publiées : « La mante religieuse dans la vallée de la Meuse » (1905), « La Flore du vallon de Saint-Fiacre » (1907).

On aperçoit Saint-Fiacre depuis la route nationale 60, après Blénod-les-Toul, en se rendant vers Vaucouleurs. Il y a d'abord, à gauche, un étang au bord duquel s'élève une croix de mission, le vallon de Saint-Fiacre apparaît peu après sur la droite. A hauteur de la borne qui se dresse à la limite des départements de la Meurthe-et-Moselle et de la Meuse, on découvre un chemin de terre qui conduit à la ferme et à la Chapelle. Peu de choses ont changé depuis que VUILLEMIN y vécut. Les propriétaires sont différents. La ferme a été restaurée, de même que le toit de la Chapelle. Le rétable a été transporté à la Chapelle des Cordeliers à Nancy. Les sept tilleuls centenaires frissonnent toujours au vent et la Fontaine miraculeuse distribue parcimonieusement son eau à une mare boueuse.

Elu président de la Société des Sciences de Nancy le 16 janvier 1899, Paul VUILLEMIN devait montrer à ses collègues, lors de la dernière séance de l'année, le 26 décembre, les avantages d'une fusion de cette Société avec la « Réunion biologique », fondée quatre ans plus tôt et dirigée alors par PRENANT.

Au cours de sa séance publique du 22 décembre 1902, l'Académie des Sciences, à laquelle VUILLEMIN adressait des notes depuis 15 ans, lui décerna le Prix MONTAGNE, le rapporteur était PRILLIEUX, les Commissaires, MM. Van TIEGHEM, BORNET, GUIGNARD, BONNIER et ZEILLER : « en étudiant les champignons arboricoles, M. VUILLEMIN a découvert beaucoup de faits nouveaux et fait connaître des organismes si particuliers qu'il en a pu faire les types d'une famille nouvelle, celle des Hypostomacées. Comme à son ordinaire, M. VUILLEMIN a étendu ces études spéciales à des considérations générales ».

Dès le début du siècle, VUILLEMIN faisait autorité. Nommé membre de la Commission de Nomenclature des Plantes cellulaires par le Congrès International de Botanique de Vienne, en 1905, élu membre honoraire de l'Académie des Sciences de Naples (mai 1909), il prit part aux délibérations de la Commission Internationale de Nomenclature cryptogamique du Congrès de Botanique de Bruxelles (1909) et fut chargé de présenter au Congrès de Londres, une liste de nomina generum conservanda.

Passionné par les problèmes d'Enseignement, ardent partisan de réformes des études médicales et de l'agrégation, VUILLEMIN se présenta en mai 1912 aux élections de renouvellement du Conseil de l'Instruction publique. Elu, il devait rester en fonction de longues années par suite de la guerre. Le 17 février 1913, à 52 ans, il fut élu membre correspondant de l'Académie des Sciences dans la Section Botanique, en remplacement de M. STRASBURGER, décédé ; il obtint la majorité absolue au 1er tour (39 voix sur 40 votants).

En novembre 1918, alors qu'il venait de son laboratoire de la rue Lionnois et s'apprêtait à monter dans un tramway, il fut renversé devant l'Hôpital Central par une voiture militaire. Il perdit connaissance. Transporté à l'Hôpital il y reçut les premiers soins, après quoi il voulut être ramené à son domicile. Par la suite, il présenta des troubles de la motilité, qui ne firent que s'accentuer.

VUILLEMIN arrivait à la fin de sa carrière et ses amis constataient avec tristesse ou indignation que le ruban rouge ne lui avait pas été accordé. Il fut nommé Chevalier dans l'Ordre de la Légion d'Honneur, le 1er octobre 1923 (promotion Pasteur). Ce fut l'occasion d'une réunion à la fois solennelle et amicale dans le grand Amphithéâtre de la Faculté de Médecine, le samedi 19 juillet 1924. Un comité constitué par les soins des Professeurs THIRY et LASSEUR, avait décidé d'offrir au Maître son portrait, réalisé par E. FRIANT. Trente séances de chacune deux heures et demie permirent à l'artiste d'immortaliser le regard à la fois tendre et sarcastique de VUILLEMIN. Il était entouré de ses amis, parmi lesquels le Docteur KNOEPFLER, le Professeur LE MONNIER, de ses élèves, certains trop tôt disparus furent évoqués par THIRY : (GRUYER, JANNIN, JOLY, LEGRAIN, MELCION, MOUGINET), de ses collègues, de sa famille enfin, dont ses fils qui, curiosité du destin, furent tous ingénieurs, la plupart Polytechniciens, empruntant la voie que leur père avait délaissée à leur âge.

Pendant les quelques années qui précédèrent sa mort, VUILLEMIN rassembla les documents qu'il avait accumulés durant son existence laborieuse. Il publia successivement trois ouvrages : « Les Anomalies végétales, leur cause biologique », en 1926 ; « Les Animaux infectieux » en 1929 ; et « Les champignons parasites et les mycoses de l'Homme » en 1931. Bien que physiquement diminué, il assuma son enseignement jusqu'à sa retraite, le 13 janvier 1931.

Retiré à Malzéville, il se faisait porter à sa table de travail quelques jours encore avant sa disparition, afin de rédiger une étude, destinée à la Revue médicale de l'Est que lui avait demandée le Professeur ETIENNE. Il s'éteignit le 29 juin 1932. Il fut inhumé le samedi 2 juillet, au cimetière de Malzéville, où sous la même dalle, reposaient déjà son beau-père TABELLION, sa soeur Jeanne, ainsi que sa belle-mère. Plus tard, son épouse vint le rejoindre, ainsi que leur fille Jeanne. Décoré à titre posthume pour ses travaux, ce fut le Recteur Louis BRUNTZ, délégué par le Ministre, qui déposa sur le cercueil les insignes d'Officier de la Légion d'Honneur.

SON OEUVRE :

La production scientifique du Professeur VUILLEMIN est abondante. Plus de 300 communications scientifiques et plusieurs ouvrages didactiques écrits dès sa vingt troisième année et jusqu'à la veille de sa mort dans un style clair, concis et recherché tout à la fois, qu'il serait vain de vouloir exposer succinctement.

Essentiellement Botaniste, il a dès 1881, fait connaître au travers d'une centaine de publications, ses découvertes et ses idées concernant maints aspects des Phanérogames et de leur classification. Ses thèses de Médecine et de Science sont consacrées à l'anatomie des végétaux et à la taxonomie. Toujours, il s'interroge sur la signification des éléments de la plante qu'il étudie. Les modifications qu'il apporte à des conceptions classiques et parfois erronées, aboutissent à réviser la classification des Dicotylédones et des Monocotylédones.

S'armant du microscope, il scrute l'intimité des cellules. Outre les particularités morphologiques ou physiologiques qu'il décèle ainsi, son esprit méthodique s'empare de ces techniques pour parfaire les classifications. L'étude approfondie de son apport à la botanique ne peut être envisagée dans cette revue et dépasse nos compétences.

Dès 1885, le monde mystérieux des champignons capte son attention, et bientôt son intérêt pour la Mycologie ira grandissant. Près de 150 travaux lui seront consacrés : travaux de Mycologie pure, qui lui font fouiller la cellule fongique, découvrir des noyaux inconnus, assister à la mitose de certains, se servir de l'aspect d'autres pour écarter des genres mal classés, étudier la formation des membranes, des spores, etc... Et puis, comme toujours, son besoin d'ordonner le mène à créer une famille nouvelle : celle des Hypostomacées, à faire connaître ses conceptions de systématicien dans un mémoire volumineux : « Les bases actuelles de la systématique en Mycologie », puis, plus tard, dans un traité « Les champignons - Essai de classification ».

Très tôt (1887), il essaiera de mieux connaître l'action des Cryptogames sur les Phanérogames. Son apport à la Phytopathologie paraît considérable : comme pour la botanique et pour les mêmes raisons, nous ne nous y arrêterons pas. Sachons, toutefois, que les maladies cryptogamiques des conifères, du chêne, du cerisier, du tilleul, de la vigne, celle des oseraies ou de la betterave, d'autres encore, ont bénéficié de son attention méthodique.

A partir de 1895, VUILLEMIN étend son domaine d'investigation aux méfaits des champignons sur l'homme. La Mycologie médicale est alors dans l'enfance, et l'influence du savant nancéien sera diverse, mais en définitive, s'avérera bénéfique.

Ses premières tentatives concernent les Microsporum. Il décrit, dans deux notes, M. vulgare isolé d'une pelade, qu'il rapproche de M. audouini, décrit par MALASSEZ. Cinq ans plus tard, ayant eu l'occasion d'isoler un champignon d'une teigne tondante chez une petite malade du Professeur HAUSHALTER, VUILLEMIN revient sur ses conceptions qu'il trouve erronées, M. vulgare n'existe pas ; pas plus que M. audouini de MALASSEZ. Il s'agit, en fait, de saprophytes de la peau saine. L'agent véritable est celui qu'il vient d'observer et qui répond en tout point à la description de M. audouini, décrit par GRUBY dès 1843.

Le muguet l'occupe en 1898-99. Il montre la multiplicité des espèces isolées et partant, la nécessité d'une identification complète afin de mieux connaître leur rôle exact, en pathologie. A ce sujet, il décrit Endomyces albicans (Candida albicans) (chez qui il sera le seul à voir des asques). Il insiste sur la parenté des complications du muguet, sur l'existence de localisations diverses, en particulier viscérales.

En ce qui concerne l'agent du Pityriasis versicolor, il montre qu'il est morphologiquement différent des levures, ce qui justifie la création du genre Malassezia.

En 1901, il observe une Trichosporie de la moustache, affection alors inconnue en France, il en étudie l'agent qu'il nomme Trichosporum beigeli (Rabenhorst). Le hasard fait que, l'année suivante, un malade du Professeur BERNHEIM présente la même affection.

En 1918, aidé de M. LASSEUR, il étudie une souche de Madurella mycetomi isolée d'une lésion périnéale par Robert JOLLY. A la même époque, ce dernier soumet à sa perspicacité un microorganisme responsable d'une adénite. Secondé par le Docteur SIMONIN, alors préparateur au Laboratoire d'Histoire naturelle, VUILLEMIN identifie cet agent pathologène qu'il nomme Nocardia jollyi, en hommage au jeune savant lorrain brutalement disparu.

Dans d'autres circonstances il semble s'être laissé abuser et n'avoir pas su envisager la possibilité de contamination lors de l'isolement de champignons de lésions humaines. Ainsi, en 1900, avec LEGRAIN, il décrit Saccharomyces granulatus obtenu par culture d'un pus de tuméfactions maxillaires. En 1912, il décrit Glenospora graphii, champignon rencontré sur la cornée par MORAX. Il le considère comme un parasite de l'oeil et de l'oreille. En 1921, ce sera Glenospora gandavensis obtenu de l'expectoration au cours d'une bronchite fétide.

A Eurotium (Aspergillus) amstelodami il pense pouvoir attribuer un rôle pathogène parce qu'il l'a cultivé, avec LASSEUR, à partir d'un prélèvement effectué par le Docteur BEDIN au niveau d'une tourniole que présentait, comme d'autres, une infirmière de l'hôpital de Malzéville. De même pour Lichtheimia ramosa, saprophyte fréquent, qu'il isole du mucus nasal de chevaux.

Pourtant, il sut écarter certains champignons isolés de manière comparable et pour lesquels il manquait d'arguments convaincants, aussi peut-on lire page 78 de son traité « Les champignons parasites et les Mycoses de l'homme » : « En 1925, un malade de Nancy (service de Spillmann) présente au bras une série d'abcès simulant des gommes ulcérées de sporotrichose. DROUET n'obtint de ces lésions ouvertes que des cultures de Cl. Herbarum ne poussant qu'au dessous de 37", l'émulsion de blastopores ne fut pas agglomérée par le sérum de la malade ».

Ces observations reflètent les erreurs et les défauts de cette discipline qui cherchait sa voie. Beaucoup plus constructives et d'un intérêt plus durable sont les tentatives de classification de VUILLEMIN. Classification des mycoses, mais surtout classification des agents de ces affections. Certaines furent erronées et on ne manqua pas - de nombreuses années plus tard - de reprocher à VUILLEMIN d'être à l'origine des termes Monilia albicans et Moniliase qui, s'ils ne gênent pas les médecins, sont inacceptables pour les mycologues, Monilia étant la forme parfaite des Stromatinia, agents phytopathogènes, responsables de maladies de certains fruits et dont la morphologie et la physiologie sont très différentes.

Le fait que cette erreur ait été admise pendant longtemps témoigne bien de l'autorité dont jouissait à cette époque le Maître nancéien. « Le premier travail critique, entrepris pour remédier à cette confusion, ne fut publié que 12 ans après la mort de VUILLEMIN » (LANGERON M. et TALICE R.V.) Ann. Parasit., 1932, 10, 4). « En 1923, Mlle BERKHOUT a osé, la première, démembrer le genre Monilia tel que le concevait VUILLEMIN... » (LANGERON M. et GUERRA P.), Ann. Parasit., 1938, 16, 40).

Dès 1904, il démontre la « nécessité d'instituer un ordre des Siphomycètes et un ordre des Microsiphonés parallèles à l'ordre des Hyphomycètes ». En 1908, il insiste sur l'utilité du groupe des Microsiphonés, que l'on connaît mieux aujourd'hui sous le nom d'actinomycetes ; c'était là faire oeuvre utile et on ne peut lui faire un grief d'avoir conservé ces organismes parmi les champignons alors qu'ils sont plus proches des Bactéries.

Des champignons difficiles à classer parce que morphologiquement très pauvres, mais d'un intérêt capital pour les mycologues médicaux, les Fungi imperfecti ou Adelomycètes, étaient souvent négligés. VUILLEMIN eut le très grand mérite de s'attacher à ce groupe, d'en déceler les particularités structurales, à partir desquelles il bâtit une classification encore utilisée aujourd'hui ; (« Matériaux pour une classification rationnelle des Fungi imperfecti » - « les Conidiosporés » - les Aleuriosporés »).

Le grand mycologue que fut LANGERON, critique souvent dur et implacable pour VUILLEMIN, reconnaît « qu'un progrès considérable a été accompli grâce à la nouvelle classification fournie par VUILLEMIN » qu'il s'agit là d'une classification « originale et féconde » « à peu près unanimement adoptée » (LANGERON M. et VANBREUSEGHEM R.). Précis de Mycologie, Masson édit., Paris 1952 (respectivement p. 205, p. 15, p. 183).

Si l'on considère la mycologie, pure ou appliquée, comme l'une des facettes de la Botanique, au même titre que l'étude des Phanérogames, on peut dire que cinq publications sur six faites par VUILLEMIN ont trait à cette discipline à laquelle, par atavisme et par goût, il voua toute sa vie. Il restait peu de temps à consacrer à d'autres projets ; cependant, sa fonction à la Faculté de Médecine, ses charges d'Enseignement, l'amenèrent à s'intéresser à quelques problèmes de Bactériologie et de Parasitologie.

La Bactériologie l'a très peu retenu et c'est surtout avec des préoccupations de systématicien qu'il l'a abordée. Son intervention en bactériologie médicale, a été malheureuse ; à propos de la nature de l'agent de la scarlatine, il ne saisit pas la portée des travaux des DICK, il rejette le rôle des Streptocoques qu'il considère comme de simples supports du véritable responsable qui est, pour lui, Rickettsia scarlatinae.

Ses travaux de Parasitologie médicale sont disparates et ressortissent plus à des préoccupations didactiques ou de nomenclature qu'à des observations cliniques ou biologiques. Des études générales : « Spirochètes et spirochètoses » - « Introduction à l'étude des parasites chez l'homme » (1923) - Le Parasitologie dans ses rapports avec l'Art Médical » (1924) devaient trouver leur plein épanouissement dans son traité « Les animaux infectieux » paru en 1925. L'agent de la syphilis, pour lequel il propose le binôme Spironema pallidum l'arrête quelque peu. Un parasite fréquent du mouton, observé alors deux fois à Nancy chez l'homme, Sarcocystis tenella, est le sujet de sa scrupuleuse attention.

Les vers et en particulier leur place taxonomique, sont l'objet de plusieurs travaux : « l'échinocoque » - « les Nématés », « que sont devenus les Helminthes ». La pénétration des oxyures à travers la paroi intestinale dont une thèse récente (HENEMAN-VANNLEST N - Contribution à l'oxyurose génitale chez la femme. Thèse méd. Nancy, 1969), rappelle la réalité, fut évoquée par VUILLEMIN à l'occasion d'une de ces observations par FROELICH, en 1897.

Quel que soit le thème de ses recherches, VUILLEMIN a le grand mérite de toujours s'élever du détail à l'ensemble, de tirer de cas particuliers des notions générales et universelles. Parfois même, il ne se contente plus de quelques lignes ou d'un paragraphe dans un ouvrage pour laisser libre cours à ses réflexions, mais il consacre des pages entières à des considérations de philosophie scientifique ou sociale, tirées de sa connaissance des phénomènes biologiques.

Essayant de définir le parasitisme, moyen terme entre l'antibiose, ou destruction d'un être par un autre et la symbiose, équilibre né d'échanges mutuels, il nous fait toucher du doigt la gradation que peuvent présenter ces états dans la nature : ce qui, à forte concentration, est antibiose et engendre la mort, produit sur le même support à une concentration moindre une hypervitalité, une symbiose. Et pourtant, même ce phénomène qui, localement semble favorable, entraîne à distance la mort du support par dépense excessive d'énergie. A propos des expériences de BOUCHARD, GUIGNARD et CHARRIN, montrant que le bacille pyocyanique ou ses produits, inhibent le Bacille charbonneux, il fait une allusion à l'antibiothérapie : « l'homme introduit dans la lutte des êtres antagonistes de nouveaux champions susceptibles de déplacer la victoire... L'homme est donc appelé, soit à opposer aux êtres pathogènes d'autres microbes agissant sous ses ordres et à son avantage, soit à dérober à ceux-ci leurs armes, pour en protéger plus sûrement l'organisme qu'il défend contre les parasites mortels ».

Dans « l'association pour la vie », il se plaît à opposer la solidarité biologique à la notion de lutte pour l'existence, alors très en vogue. En tout et partout, il y a, à la fois, antagonisme et synergie associés avec prépondérance de l'un ou l'autre de ces aspects selon les cas. Il n'est jamais bon de vouloir détruire l'un en pensant préserver ou avantager l'autre ; on risque alors de bouleverser l'équilibre biologique (des fourmis éloignent des insectes rongeurs de jeunes pousses, on chasse les fourmis et les arbres dépérissent). Même en médecine, mieux vaut développer la synergie que combattre l'antagonisme. L'asepsie vaut mieux que l'antisepsie : « Parfois hélas, on visait le microbe et on tuait le malade ». De la biologie, il passe à la sociologie : « les faibles comme les forts sont nécessaires à l'équilibre de la nature ».

Très souvent il s'interroge sur la valeur des caractères spécifiques, sur leur variation, sur les exceptions et leur nature (« la loi et l'anomalie » - « la périodicité des caractères spécifiques » - « la variation, conception de l'espèce » - « les anomalies végétales », etc.).

Ses opinions concernant l'Enseignement gardent, pour la plupart, un reflet d'actualité. En 1891, à 30 ans, il s'insurge contre la diminution du programme de Botanique dans l'enseignement des Facultés de Médecine. Botaniste fervent, il n'en revendique pas pour autant un enseignement intégral, au contraire la Botanique sera considérée comme élément de biologie comparée ; elle devra être enseignée par un botaniste, mais de formation médicale, afin de respecter les besoins et l'esprit de la pratique médicale. Ce qui ne signifie pas que tout doit être sacrifié à la pratique médicale ; « dans un établissement d'enseignement supérieur, il faut songer à l'avancement de la science en même temps qu'à l'éducation professionnelle ». Il faut que le praticien ait des connaissances générales et l'esprit scientifique formé pour « faire éclore les germes de perfectionnement de la science que les circonstances sèmeraient autour de lui ».

En 1900, il manifeste son émoi quand l'enseignement de l'Histoire naturelle est transféré du Muséum à la Sorbonne ; « l'Histoire Naturelle a quitté le Jardin du Roi pour endosser le froc de la vieille Sorbonne ». Il s'insurge contre l'enseignement par trop livresque, il insiste sur la vocation de l'enseignement supérieur qui est de développer chez l'élève l'esprit d'initiative ; « le signe distinctif de l'Enseignement supérieur, c'est l'activité de l'auditoire et non la forme scholastique du cours ex cathedra ».

Il a une conception moderne du Musée qui doit être « quelque chose de plus qu'un tombeau de bêtes mortes et de plantes sèches ».

En 1905, la réforme des études agite le corps médical. A Nancy, une commission composée de MM. GROSS, BERNHEIM, SPILLMANN, WEISS, HERRGOTT et SCHMITT, professeurs, HAUSHALTER, Agrégé, rapporteur, est chargée d'étudier le problème. Ses conclusions sont adoptées par l'Assemblée de Faculté réunie le 23 décembre ; on y note, entre autres, le désir de porter ultérieurement les études à cinq ans, d'incorporer le PCN aux Facultés de Médecine, de soumettre les étudiants à des interrogations régulières, de maintenir la thèse. Enfin, « la Faculté de Médecine n'étant pas destinée seulement à fournir l'enseignement professionnel, mais réalisant encore un foyer d'enseignement scientifique spécial, l'enseignement des Sciences biologiques, il conviendrait que le programme de cet enseignement soit étudié et qu'il soit institué un Doctorat es Sciences biologiques.

De son côté, la rédaction de la Revue Scientifique mène une enquête ; elle publie, en particulier, les opinions de VUILLEMIN. Il craint le retour à l'ancienne distinction entre Officier de Santé et Docteur ; « le praticien doit être Docteur et digne de ce titre ». Il réclame en outre un Doctorat de haut niveau ayant « à la fois la valeur technique des Brevets des Ecoles Spéciales et la valeur scientifique du Doctorat es Sciences ». Outre le Doctorat, la Faculté de Médecine pourrait délivrer des certificats de Licence qui, associés entre eux ou avec certains certificats de la Faculté des Sciences, permettraient d'accéder à des grades de Doctorat es Sciences spéciaux : biologie, pathologie, etc. Il reproche à l'Education médicale son manque d'unité « chaque enseignement forme un tout complet et indépendant. Les divers programmes ne sont coordonnés, ni subordonnés entre eux ».

Quant à l'Agrégation, il la supprimerait. Une commission nationale, formée de tous les Professeurs de la Spécialité et de sommités médicales nommées par le Ministre, établirait à époques précises, une liste d'aptitude. La Faculté et l'Université feraient leurs propositions parmi les candidats dont l'aptitude scientifique « serait garantie par la Commission compétente, en tenant compte, en outre, des qualités techniques et pédagogiques, révélées par l'exercice des fonctions auxiliaires ».

Le décret du 29 juillet 1912, réorganisant les études médicales, fut un sujet de mécontentement pour VUILLEMIN ; l'Histoire naturelle médicale, à laquelle il avait consacré ses efforts, n'est plus. Elle est remplacée par la Parasitologie et la Bactériologie. La Botanique qu'il avait sentie menacée quand il n'était encore que Chef de travaux, disparaît des programmes. La connaissance des champignons vénéneux ne sera plus enseignée aux médecins. Il craint pour l'avenir qu'une seule chaire n'accapare les attributs de plusieurs : les frontières sont imprécises entre Bactériologie et Maladies infectieuses, Parasitologie et maladies parasitaires, entre l'Histoire naturelle, l'Anatomie pathologique et la Clinique. Durant près de vingt années il lui faudra pourtant s'accommoder de ce nouveau régime.

La Chaire d'Histoire naturelle, devenue vacante à sa retraite, fut transformée en Chaire de Bactériologie ; le Professeur de VEZEAUX de LAVERGNE en devint le premier titulaire, le 10 octobre 1931.