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Les grands et petits chemins de la gynecologie

 

LEÇON INAUGURALE du professeur M. RIBON

 

Faite à la Faculté de Médecine de Nancy le 17 Juin 1977

 

 

Monsieur le Recteur de l'Académie, Monsieur le Président de l'Université Nancy I, Messieurs les Doyens des Facultés de Médecine, Mes Chers Collègues, Mesdames, Messieurs,

 

La continuité est une loi de nature et vous venez d'évoquer, Monsieur le Doyen, la puissance des traditions.

Aucun mot ne peut mieux caractériser l'Université, communauté des Maîtres et des Elèves, fleuve de vie intellectuelle assurant la « tradition », c'est-à-dire la transmission ininterrompue du savoir.

Au sens large, la tradition témoigne de la pérennité des institutions ; les coutumes universitaires ont bien résisté à huit siècles de mutations et de crises périodiques parmi lesquelles les événements de 1968 ne furent qu'un ébranlement de moyenne amplitude. Au début du XIIIe siècle, les étudiants de Bologne élisent eux-mêmes leur recteur. A Paris, l'Aima Mater est en grève durant 2 ans ; la Magna Charta de 1231 lui octroie la personnalité juridique et le droit de grève. L'Université de Paris est dirigée par un recteur, responsable des enseignements, et par un chancelier qui décerne les grades et accorde les licences.

« Ne vous divisez pas - concentrez vous toujours », conseillait un chancelier à son auditoire vers 1250.

La cohésion des Universités ne peut que gagner au maintien des coutumes et au respect de la tradition.

Monsieur le Recteur, en honorant de votre présence l'installation solennelle d'un professeur de cette Université, dont vous êtes le chancelier, vous nous apportez à tous un témoignage de solidarité communautaire, et un précieux encouragement.

Jadis à Pont-à-Mousson, puis à Nancy, le professeur jurait : « de remplir avec exactitude et zèle les fonctions qui lui étaient confiées, de n'enseigner sciemment aucune hérésie, de n'introduire aucune discorde dans la Faculté, de vivre en paix, amitié et fraternité, autant qu'il le pourrait, avec ses collègues, de tout faire pour le bien de l'Académie, de ne jamais lui causer de préjudice ».

Les prestations de serment ont vécu, mais l'essentiel, aujourd'hui, n'est-il pas de réaliser plutôt que de promettre ?

 

Monsieur le Président de l'Université, Messieurs les Doyens,

Trente et une années, jour pour jour, séparent mon entrée dans les fonctions de chef de clinique de la Maternité, le ler avril 1946 (il n'y avait qu'un seul poste à l'époque), et la parution au Journal officiel de ma nomination à la chaire de Gynécologie-Obstétrique, le ler avril dernier.

La première qualité de l'accoucheur est certes la patience, mais je suis d'autant plus sensible à vos aimables paroles, cher Doyen et Ami grignon, que la marche inexorable du temps, après m'avoir fait perdre quelques illusions de jeunesse, commençait à ébranler mes espérances.

Voici une excellente leçon pour ceux qui s'engagent dans le cursus honorum universitaire ; comme la violette dont la couleur est celle de l'Université, ils doivent accepter de croître lentement dans une ombre discrète, avant d'offrir l'éclat de quelques fleurs.

Depuis huit siècles, l'accroissement des effectifs du Corps enseignant a toujours résulté de gestations rares et prolongées.

L'histoire de l'Université de Pont-à-Mousson est édifiante à ce sujet. En 1637, la Faculté de Médecine ne compte qu'un professeur titulaire. Un second est bien prévu, réservé même malgré son jeune âge, car il est le fils de Pierre barot mort en 1630. Le jeune Marc barot mettra onze ans pour obtenir ses grades et ne sera nommé qu'en 1641 !

Dans une lettre du 3 juin 1661, patin, doyen de la Faculté de Paris, annonce à son ami falconet qu'il fût sollicité par le Duc de Lorraine pour venir à Pont-à-Mousson - en qualité de doyen avec bons gages et lettres de noblesse -, mais qu'il a décliné cet honneur.

En 1679, la Faculté n'est représentée que par un professeur, son doyen, Christophe pillement. Ce pillement, doyen pendant 36 ans, devint célèbre en publiant l'observation du Fœtus Mussipontanus découvert en 1659 à l'occasion de l'autopsie d'une femme de 60 ans, porteuse d'une grossesse abdominale, arrêtée au sixième mois, et en rétention depuis une trentaine d'années.

L'occupation française allait introduire le mode de nomination sur concours, disposition que confirma le Duc Léopold par édit de 1699.

Au total, l'ancienne Faculté de Médecine Lorraine ne compta que trente professeurs en deux siècles : 23 à Pont-à-Mousson entre 1592 et 1768, et 7 à Nancy de 1768 à 1793.

Ne nous plaignons donc pas trop de ces temps que nous vivons.

Pour un homme, il ne peut être mission plus agréable que de témoigner sa gratitude à tous ceux qui, à un titre ou à un autre, ont contribué au succès de ses entreprises.

 

C'est en premier lieu à mon Epouse, à mes Parents, à mes Amis, que j'exprime mes sentiments d'affectueuse et profonde reconnaissance.

Honorer ses Maîtres est un devoir rappelé dans le Serment de Genève, proposé en 1948 par l'Association Médicale Mondiale et dont voici le deuxième alinéa :

« Je garderai à mes Maîtres le respect et la reconnaissance qui leur sont dus. »

 

C'est en 1942, comme externe du Professeur fruhinsholz, que je fus initié à l'art des accouchements.

Le Professeur vermelin lui succéda dans la chaire de clinique obstétricale qu'il occupa de 1943 à 1961. Pendant ces dix-huit années, je fus son élève et son collaborateur : six ans comme chef de clinique, neuf ans en qualité de chef de travaux, enfin trois ans comme agrégé du concours de 1958.

La forte personnalité de mon regretté Maître cachait, derrière un aspect sévère, une nature bienveillante empreinte de bon sens.

Transposant le langage héraldique, il se définissait à ses amis comme cœur d'or sur fond de gueules.

Ecartant tout dogmatisme, étranger aux spéculations hasardeuses de l'esprit, il fut homme d'action et de devoir, respectueux d'une éthique aristotélicienne, à la recherche d'un bonheur simple, résultat de l'exercice normal de facultés traditionnelles judicieusement employées ; ces dispositions expliquent son attirance vers les aspects sociaux de l'obstétrique.

Convaincu de l'importance croissante de l'endocrinologie sexuelle, il m'expliqua très simplement, après l'échec au concours d'agrégation de 1949, que j'avais ainsi la chance de disposer de neuf ans avant qu'un nouveau poste d'agrégé fût mis au concours, pour Nancy.

Licencié es Sciences en 1953, je fus accueilli avec bienveillance par le Professeur André veillet, titulaire de la chaire de biologie générale de la Faculté des Sciences. Grâce à son aide, je pus soutenir une thèse de doctorat es Sciences d'Etat en avril 1958, deux mois avant l'ouverture du concours d'agrégation.

C'est à ces deux Maîtres que je dois mon orientation vers la biologie génitale, connaissance nécessaire, selon moi, à l'approche rationnelle de la gynécologie et de l'obstétrique modernes, ces deux parties complémentaires d'une même discipline, enfin réunifiée.

Entre 1961 et 1968, ce fut le Professeur Jean hartemannqui présida aux destinées de la Clinique obstétricale. Il me confia la responsabilité du Centre de prématurés et ne cessa, à aucun moment, d'aider à la réalisation de mes espérances. Esprit humaniste et libéral, il sut percevoir les voies nouvelles vers lesquelles il convenait d'orienter notre discipline.

Deux nouveaux services sont créés en 1966, de gynécologie d'une part, prénatal d'autre part.

Cette division, sans cloisons étanches, a permis le développement d'une haute technicité et d'un enseignement mieux adapté à la formation complète des gynécologues-accoucheurs.

Je reviendrai ultérieurement sur la signification de cette évolution.

Lui ayant succédé en 1968, le Professeur Jean richon, dont le père, le Professeur Louis richon, avait illustré la clinique médicale nancéienne de 1928 à 1942, a poursuivi cette politique de décentralisation interne, par la création de deux autres services : biologie sexuelle, médecine néonatale.

Homme bienveillant et scrupuleux, très conscient de la nécessité d'intégrer les progrès techniques à l'Art traditionnel des accouchements, le Professeur richon, mû par une conviction profonde que partagent ses collaborateurs de la Maternité, a su résister aux chants des Sirènes qui exposent les embryons, dans leur poche des eaux, au même sort funeste que les navigateurs de l'Odyssée lorsqu'ils approchaient du détroit de Messine.

Votre modestie dut-elle en souffrir, je vous demande d'accepter, mes chers Maîtres, l'assurance de ma très sincère reconnaissance.

Avant de quitter le domaine protégé de Junon, déesse des épouses et des mères, et que les sages-femmes romaines invoquaient sous le nom de Lucine, je tiens à dire la joie que me procure la présence de mes amis, les Professeurs colette, de Besançon, et delecour, de Lille.

Mon cher colette, vous êtes Nancéien de cœur et d'esprit et comptez bien des amis, tant à la Faculté qu'à la Maternité où vous venez régulièrement participer à nos réunions de travail.

Mon cher delecour, nous avons préparé ensemble l'agrégation à Paris, il y a vingt ans, et mon attachement aux Flandres a renforcé notre amitié ; vous avez soutenu ma candidature, devant le Comité consultatif, avec un talent dont cette cérémonie fait la preuve.

Les Professeurs agrégés landes, schweitzer, vert, complètent le Corpus Lucinae Nanceianum au sein de cet aréopage.

Je remercie les collègues et amis qui m'entourent et, parmi eux, trois autres membres d'une petite académie, inconnue parce qu'innominée, et dont la mission consistait, il y a vingt-cinq ans, à se partager équitablement la présence aux cours de la Faculté des Sciences !

 

Avant d'aborder le thème principal de cette Leçon, je tiens à respecter la coutume voulant que le nouveau titulaire prononçât l'éloge de son prédécesseur.

Or, cette chaire qui vient de m'être confiée résulte de la transformation de celle de clinique ophtalmologique, créée en 1948 pour le Professeur Charles thomas, et qu'il illustra durant vingt-huit années, jusqu'à l'époque inexorable de la retraite en 1976.

Mon cher Maître, je sollicite votre bienveillance car la mission est délicate pour un non initié aux secrets de votre Art.

L'histoire des chaires périodiques d'ophtalmologie révèle une instabilité mutato nomme dont le déterminisme secret appartient aux Conseils.

- La première, créée en 1899 pour le Professeur rohmer, devient « Médecine opératoire » en 1921 ;

- Reconstituée en 1928 pour votre Maître, le Professeur jeandelize, elle devient « chirurgicale » en 1939 ;

- Voici donc la troisième éclipse, cette fois en faveur de notre discipline.

Mais pourrions-nous discerner une prédestination ? Vous m'avez signalé deux faits que certains pourraient interpréter comme d'heureux auspices :

- La première revue d'ophtalmologie de langue française fut imprimée à Charleroi, en 1838, et portait un titre assez inattendu* : « Annales d'oculistique et de gynécologie » ;

- Vous avez, d'autre part, obtenu, lors de votre internat, le prix Alexis-Vautrin de gynécologie.

La vue est, assurément, celui de nos sens dont la grande portée fournit à la fonction sexuelle les informations les plus précoces et les plus aisément renouvelables. On peut aussi considérer notre spéculum comme le moyen optique d'une vision approfondie de la Femme.

Mais je ne chercherai pas à tirer argument de ces faits pour évoquer une certaine affinité secrète entre la gynécologie et l'ophtalmologie.

Votre carrière hospitalière et universitaire, vos qualités d'Homme et de Chef d'Ecole, la notoriété nationale et internationale que vous a valu l'ensemble de votre œuvre médicale, forment un tout impressionnant qu'une sobre esquisse ne peut révéler qu'imparfaitement.

Les études fonctionnelles de la vision, les greffes de cornée conduisant à la fondation de la Banque des Yeux, la lutte contre l'amblyopie et le strabisme dans le cadre d'un Centre d'éducation de la vue, les responsabilités que vous assumez dans les associations et instances internationales, vous ont valu de nombreuses distinctions françaises et étrangères.

Permettez-moi d'en évoquer deux, que je crois être les plus récentes :

- le Grand Prix de l'Académie de Stanislas remis solennellement au Salon carré de l'Hôtel de Ville, le 21 janvier 1973 ;

- l'attribution, à la promotion de Noël 1976, de la cravate de Commandeur de l'Ordre national du Mérite.

Mon Cher Maître, votre promotion à l'honorariat n'est pas de nature à réduire votre dynamisme et votre activité.

Votre vie est un exemple de courage, de dévouement, et d'énergie créatrice bienfaisante.

 

* Monsieur  le   Professeur  thomas   pense   que   le   gonocoque   fut   une des  raisons de ce choix, de par son affinité, à la fois génitale et oculaire.

 

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Mesdames, Messieurs.

Quand Hérodote visita l'Egypte, au milieu du Ve siècle avant notre ère, il fut étonné du morcellement de l'Art médical entre une foule de spécialistes. Il écrivait ceci :

« Tout est plein de médecins, les uns sont médecins pour les yeux, d'autres pour la tête, pour les dents, pour l'abdomen, pour les maladies de localisation incertaine. »

Ceci semblait dû à une grande spécificité des agents thérapeutiques, en l'occurrence les vertus des plantes et les formules conjuratoires ; à chaque maladie correspondait une plante et une formule spéciales, que, seul, le spécialiste initié connaissait, et dont il se réservait jalousement l'usage.

Mais n'en est-il pas de même aujourd'hui, dans notre XXe siècle finissant ?

Nos disciplines médicales classiques s'émiettent progressivement, conséquence d'une technicité de plus en plus poussée et spécialisée.

Le grand principe hippocratique « d'Individuation », qui fait de l'homme un « TOUT » au centre de l'univers, tend à céder progressivement la place à une certaine forme de matérialisme médical. L'homme tend à devenir un objet pour la science, un simple assemblage d'organes différents ; à chacun d'eux correspond une panoplie thérapeutique, certainement efficace, mais qui risque de faire prendre la partie pour le tout, en oubliant la finalité interne de la Vie.

En exprimant cette crainte, je songe naturellement à la fonction de reproduction, finalité dernière de l'appareil génital et de sa physiologie.

Ces quelques considérations liminaires permettent de mieux comprendre l'évolution de la discipline gynécologique dont j'ai choisi de vous entretenir.

Conformément au sens étymologique, la gynécologie englobe l'étude de la physiologie et des maladies qui sont particulières à la Femme ; il ne viendrait à l'idée de personne de soigner un appareil malade sans en connaître avec précision la finalité, et l'activité normale qui la réalise.

Chacun sait que l'appareil génital de la Femme fonctionne sans discontinuer entre la puberté et la post-ménopause, la gravido-puerpéralité ne faisant que modifier temporairement les dispositions anatomiques et physiologiques de base. Or, cet état gravido-puerpéral intermittent est si conséquent, de par son importance et sa signification, qu'il représente à lui seul au moins les trois quarts de la physiologie génitale.

Tous les gynécologues-accoucheurs admettent que l'obstétrique est à la gynécologie, ce que la physiologie est à la médecine.

Il ne s'agit pas là d'une opinion « que je suis seul à partager », selon une expression plaisante ; au XVIIIe congrès de gynécologie et d'obstétrique de langue française, tenu à Paris en 1959, le Professeur lantuEjoul déclarait :

« L'intimité des liens qui unissent l'obstétrique et la gynécologie ne sera plus discutée ; le terme général de gynécologie doit comprendre l'étude de la Femme, soit non enceinte, soit enceinte. »

L'unanimité des chefs d'Ecole français d'une part, la prise en considération de ce que la France restait un des rares pays où l'appareil génital était partagé « à l'égyptienne », d'autre part, ont conduit l'Education nationale et la Santé publique à décider l'intégration totale des deux titres, et la fusion des activités qui en découlent.

Contrairement à la tendance générale au morcellement que je signalais, voici un exemple rare du phénomène inverse.

L'histoire de la gynécologie et de l'obstétrique éclaire les raisons de cette évolution.

 

Cette histoire vaut la peine d'être contée, et je lui ai donné pour titre :

LES GRANDS ET PETITS CHEMINS DE LA GYNECOLOGIE

 

Notre Hippocrate de Cos, car il y en eut d'autres, vivait à l'époque d'Hérodote et avait assimilé, en un remarquable syncrétisme, les apports philosophiques et médicaux transmis à la Grèce par les civilisations antérieures, circum-méditerranéennes et orientales.

Après avoir dépoussiéré tout ce fatras, pour n'en garder que le meilleur, il sécularisa la Médecine et développa une nouvelle doctrine, naturiste et empirique, qui écarte toute spéculation hasardeuse de l'esprit, analyse minutieusement les caractères et le terrain des maladies, en recherche enfin les causes naturelles, établissant ainsi les bases d'une « méthode générale des Sciences », dont la Physiologie expérimentale de Claude bernard demeure le fidèle reflet, vint-trois siècles plus tard.

La doctrine hippocratique est imprégnée d'une philosophie discrète, sceptique plus que dogmatique, qui transparaît dès le premier des aphorismes :

« La vie est brève, l'art est long, l'occasion fugitive, l'expérience incertaine, le jugement difficile. »

L'œuvre et la pensée d'Hippocrate ont brillé sans éclipses pendant deux millénaires, et leur éclat n'est pas encore terni.

Les célèbres Ecoles de Salerne, d'influence gréco-arabe, de Cordoue et Montpellier, d'influence judéo-arabe et hispanique, n'ont fait que propager, en particulier en France, la doctrine médicale d'Hippocrate, remaniée en fonction des progrès des connaissances, mais souvent déformée par ceux-là mêmes qui ne cessaient de l'invoquer.

La rigidité de la philosophie scholastique a dénaturé la doctrine hippocratique jusqu'au XVIIe siècle, parce qu'elle niait qu'il fût possible de connaître la nature des choses. Les femmes étaient considérées comme l'image démoniaque du péché ; on les brûlait d'ailleurs assez facilement.

Seul reste vraiment hippocratique, l'Art des accouchements, seulement parce que la nature imposait ses lois.

La gynécologie proprement dite sombre dans le ridicule quand paracelse, ce cagliostro du XVIe siècle, nous explique le caractère monstrueux du sang menstruel :

« ... Le diable en produit les araignées, les puces, les chenilles, et tous les autres insectes dont l'air et la terre sont peuplés... »

Un siècle plus tard, mauriceau fait finement remarquer que : «   Si tout cela était vrai,  les hommes fuiraient assurément, plus qu'ils ne le font, la compagnie des femmes.  »

Devant de telles divagations, fruits d'un intellectualisme délirant, l'Obstétricie va représenter, à elle seule, l'ensemble des Sciences de la Femme.

Au XVIe siècle Ambroise parE, chirurgien militaire sans grade universitaire parce qu'il ignore le latin, va rétablir le bon sens hippocratique en préférant l'expérience à la théorie.

Publiées dès 1564, les Œuvres d'Ambroise parE représentent une somme d'observations répondant, écrit-il, « au désir des pauvres écoliers très instruits en théorie, mais n'ayant aucun moyen de pratiquer la science avec les préceptes qu'ils ont appris à l'école. »

L'Etape scientifique, annoncée par vEsale et son élève fallope, s'épanouit dès le XVIIe siècle avec l'invention du microscope et la découverte, par Régnier de graaf en 1671, des follicules et des corps jaunes de l'ovaire.

La Renaissance, qui fut l'âge du Baroque, s'intéresse aux formes changeantes et aux mouvements, d'où l'engouement naissant pour la Physiologie.

François mauriceau, dont tous les étudiants en Médecine apprennent la « manœuvre », fut le plus célèbre des gynécologues-accoucheurs du XVIIe siècle.

Son Traité des Maladies des Femmes grosses et de celles qui sont accouchées connut plusieurs éditions, dont la seconde, imprimée en 1675 - un siècle après parE - offre l'avantage de révéler l'esprit critique de l'auteur.

mauriceau réfute la découverte de de graaf, avec des arguments qui s'écartent de l'empirisme hippocratique. Il est scandalisé à l'idée : « que les femmes ont des œufs aussi bien que les animaux volatils, et que l'enfant en est engendré de la même manière que l'est un poulet de l'œuf dont il est formé ».

En gynécologie, mauriceau a décrit la dysménorrhée membraneuse et a établi la présomption d'un cancer génital en cas d'hémorragies post-ménopausiques.

Il a montré l'importance de la surveillance prénatale conduisant au « bon gouvernement de la femme grosse, laquelle doit penser pour deux : elle-même, mais aussi son enfant ».

Le XVIIIe siècle voit naître l'anatomie pathologique, avec morgagni, mais il faut attendre le milieu du XIXe siècle pour entrevoir la bifurcation entre les chemins que suivront, séparément, l'obstétrique et la gynécologie non gravidique.

L'étape technique débute alors, avec le développement de la chirurgie abdominale. Parallèlement à l'obstétrique confrontée à de redoutables problèmes - opération césarienne et infection puerpérale - mais qui ne se modifie pas radicalement, la gynécologie non gravidique étend régulièrement le champ de ses activités et la diversité de ses moyens.

L'articulation reste toutefois étroite, puisque nous voyons une sage-femme, élève de Mme lachapelle, Mme boivin, publier en 1833, avec Antoine dugès, neveu de la première et professeur à Montpellier, un Traité pratique des maladies de l'utérus et de ses annexes.

A l'inverse, nous voyons velpeau, professeur de clinique chirurgicale à Paris, publier en 1835 un Traité complet de l'Art des Accouchements. Citons également le traité des Travaux d'obstétrique et de gynécologie édité en 1882 par pajot, inventeur de la « loi d'accommodation » qui porte son nom.

Mais les querelles éclatent et le divorce se dessine. L'Académie de Médecine retentit, en 1850, des éclats de la dispute lisfranc-velpeau, au sujet des déviations utérines fixées et douloureuses.

Au premier, qui invoque la congestion et l'engorgement pelviens comme primum movens des troubles, le second oppose la notion de lésion organique primitive, que seule la chirurgie est en mesure de guérir.

Or, cette chirurgie se développe rapidement : Spencer wells pratique l'ovariotomie dès 1857 ; kOEberlE, à Strasbourg, en réalise douze entre 1862 et 1864, et propose, en 1863, une technique d'hystérectomie ; il imagine la ventrofixation de l'utérus en 1869.

Pionnier français de la chirurgie gynécologique, tout en enseignant et cultivant l'art des accouchements, kOEberlEne connut pas la notoriété qu'il méritait, parce qu'il refusa de quitter l'Alsace annexée pour suivre la Faculté de Strasbourg transférée à Nancy en 1872.

Après velpeau, il fut de mode d'opérer toute rétrodéviation, et la chirurgie allait s'emparer de la gynécologie pour trois quarts de siècle.

On entendra, plus tard, Jean-Louis faure célébrer en termes lyriques l'apogée de la chirurgie gynécologique - terme impropre, auquel il convient de substituer celui de « Gynécologie opératoire » - réclamer plus de moyens matériels, encourager la spécialisation vers les grandes opérations gynécologiques.

L'excellent gynécologue que fut siredey, clinicien scrupuleux et respectueux de la fonction, déclarait au Congrès de Paris de1925 :

« Quand je prenais part timidement aux Congrès de la Société d'Obstétrique, de Gynécologie et de Pédiatrie de Paris, j'étais à peu près le seul représentant de la Médecine ; et ma présence à ces réunions me donnait l'impression d'un véritable anachronisme. »

Mais la Roche Tarpéienne est proche du Capitole ; une mutation se préparait, annoncée au seuil de ce XXe siècle par les travaux nancéiens de prenant, bouin et ancel, accélérée après la Première Guerre mondiale grâce aux découvertes en endocrinologie sexuelle, aux moyens de dépistage des lésions organiques et des troubles fonctionnels, grâce enfin à l'acquisition de moyens thérapeutiques nouveaux dont l'efficacité devait réduire la place tenue par la chirurgie dans notre domaine.

Cette étape moderne est essentiellement dominée par la connaissance approfondie de la physiopathologie gynécologique.

Le chemin suivi par la gynécologie non gravidique s'infléchit nettement à partir de 1925, année où forgue reconnût que la gynécologie, pendant trente ans surtout chirurgicale, s'oriente désormais vers la biologie.

Dès 1930, à Nancy, le professeur Hamant et ses élèves attirent l'attention sur l'importance de la gynécologie préventive ; ils utilisent le colposcope d'HINSELMANN pour le dépistage précoce du cancer du col. Au Congrès de Bordeaux, en 1931, hamant et kOEnig définissent cette « gynécologie préventive » qui exige :

«   Une formation particulière des médecins et des étudiants. une participation consciente des sages-femmes auxquelles ces notions doivent être enseignées, afin qu'elles puissent déceler, chez les millions de femmes qu'elles examinent chaque année, tous les cas suspects devant faire l'objet de recherches complémentaires. »

 

Gynécologie et obstétricie françaises vont-elles se rejoindre et fusionner comme jadis ?

De plus en plus fréquemment, la gynécologie opératoire isolée fait l'objet de critiques.

laffont déclare au Congrès d'Alger, en 1935 : « La chirurgie ne constitue plus qu'un chapitre très important, mais limité, de la thérapeutique gynécologique » ; mocquot, au Xe Congrès de Paris en 1937, muret, au XIe Congrès de Lausanne en 1939, expriment des opinions identiques.

Inaugurant la chaire de clinique d'Accouchement et de Gynécologie de Paris en 1942, Louis portes, futur premier président de l'Ordre national des Médecins, s'élevait avec vigueur contre : « l'abus des stérilisations, des castrations et des hystérectomies injustifiées, pratiquées souvent pour des troubles fugaces parce que fonctionnels et qui, depuis l'épanouissement de la chirurgie opératoire, firent la honte d'une certaine pratique gynécologique ».

La fusion de la gynécologie et de l'obstétrique était réalisée depuis longtemps à l'étranger ; au début de sa préface à la première édition de son important Text-book of gynecology, parue à Baltimore en 1941, Edmund Novak écrivait : « Autrefois la gynécologie était une partie de la chirurgie, et cela n'existe plus aujourd'hui. »

Je vous ai rappelé que la fusion est désormais officiellement accomplie en France  (Nous devons à Louis portes la transformation des maternités en Services de gynécologie-obstétrique, confiés à des gynécologues-accoucheurs des hôpitaux. De même, la gynécologie-obstétrique constitue une discipline nouvelle dans l'Université, seule voie de recrutement des Maîtres de conférences agrégés correspondants).

 

Nous reconnaissons volontiers que le domaine commun est vaste et que l'homme, le mieux doué, ne peut affirmer simultanément sa parfaite maîtrise des différentes parties dont nous avons à connaître.

Mais ces différentes parties s'articulent harmonieusement entre elles, ce qui permet la mise en commun des divers moyens d'investigation et de traitement.

Le ministère de la Santé a récemment attiré l'attention des chefs de Service hospitaliers sur les problèmes d'Economie médicale, conseillant le rapprochement entre Services à finalité identique et susceptibles de bénéficier d'équipements communs. Un tel regroupement s'avère, par ailleurs, très favorable aux intérêts généraux des malades qui bénéficieraient de l'unité de lieu, de temps, et d'une conception commune des schémas thérapeutiques.

 

La gynécologie-obstétrique se prête parfaitement à cette concentration ; la cœlioscopie dépiste pareillement une tumeur ovarienne ou une grossesse ectopique ; l'opération césarienne et l'hystérectomie de nécessité procèdent toutes deux d'un même dispositif opératoire ; la microchirurgie de la stérilité exige un contexte d'investigations et d'épreuves fonctionnelles de contrôle ; pour cela il faut souder une équipe cohérente, dotée de moyens efficaces, et ne pas amenuiser son efficacité par une dispersion en des lieux d'action différents.

On ne peut évidemment tout connaître, mais je crois qu'il s'agit moins de tout savoir, que de savoir suffisamment de tout.

Nous devons former des gynécologues-accoucheurs complets, car on ne peut faire de la bonne gynécologie en ignorant l'obstétrique, ni l'inverse non plus. Même la néonatologie d'urgence vient compléter cette trilogie de base, puisqu'un accoucheur doit être capable de réanimer d'urgence un nouveau-né en état de mort apparente. Ainsi doté des connaissances fondamentales, indispensables et suffisantes, chacun pourra les développer en orientant ses activités vers un secteur restreint, ceci afin de mieux en exercer la maîtrise. Cette orientation préférentielle est enrichissante pour l'équipe tout entière ; même fractionné en différents secteurs, l'enseignement de notre discipline n'exposera plus, comme je l'ai dit, à faire prendre la partie pour le Tout.

 

Après avoir parcouru ces grands chemins, nous allons en emprunter de plus modestes qui nous feront découvrir l'évolution historique de la gynécologie à Nancy. Vous ne serez pas surpris de constater une évolution parallèle à celle qui s'est déroulée ailleurs.

La Faculté de Médecine de Nancy ayant résulté du transfert de celle de Strasbourg, il est intéressant de rappeler que Pierre-René flamant, premier professeur de Clinique d'Accouchement de Strasbourg en 1817, avait fait ses études médicales à Nancy peu avant la Révolution ; il dut sans doute être élève de lamoureux, « Professeur Royal de l'Art des Accouchements » de 1786 à 1789. flamant devait maintenir des relations avec Nancy, venant y présider des Jurys de Médecine, et appartenant à l'Académie de Stanislas, jusqu'à sa mort en 1833.

Son élève, Joseph-Alexis stoltz, lui succéda en 1834 et fut le dernier Doyen de la Faculté de Médecine de Strasbourg avant de devenir, en 1872, le premier doyen de celle de Nancy.

La gynécologie-obstétrique nancéienne était représentée par deux chaires qui se complétaient, avec stoltz comme professeur de clinique obstétricale et gynécologique, et François-Joseph herrgott comme professeur d'accouchement et de maladies des enfants.

Le triptyque : « gynécologie-accouchement-nouveau-nés » se voyait donc réalisé.

Mais, comme ailleurs en France, la séparation allait se produire ; on ne retrouve plus, dès 1880, qu'une seule chaire de clinique obstétricale ! L'autre a disparu, au profit semble-t-il de l'histologie. Séparée de l'obstétrique, la gynécologie nancéienne dérive à l'image d'un vaisseau fantôme qui, échappant au tourbillon de Charybde, va se perdre contre l'écueil de Scylla.

Fort opportunément, le somptueux legs boulanger, de 775000 F en 1910, impose le maintien d'une entité gynécologique confiée au Professeur vautrin.

Une chaire de clinique gynécologique est créée pour lui en 1924, pour s'évanouir à sa mort en 1927.

Le Professeur binet lui succède au Service, mais la chaire de gynécologie ne lui revient qu'en 1937.

Elle ne s'éclipse pas, lors de sa retraite en 1954 ; elle est occupée par le Professeur bertrand jusqu'en 1966.

Son transfert dans la chaire de clinique chirurgicale « B », en 1966, sera suivi de la disparition pure et simple de la clinique gynécologique ; chaire et service correspondants sont transformés en clinique chirurgicale « C », à orientation digestive.

 

Ainsi pendant 86 ans, de 1880 à 1966, l'obstétrique et la gynécologie nancéiennes ont suivi des chemins séparés, matériellement et spirituellement, jusqu'au sacrifice final de la Gynécologie sur les autels de la chirurgie.

Mais ce fut un sacrifice propitiatoire puisqu'il allait favoriser le retour de l'enfant perdu vers la maison-mère qui l'attendait.

Disposant de locaux suffisants, d'un laboratoire adapté à ses besoins de dépistage et de traitement, enfin de gynécologues-accoucheurs désireux d'obtenir l'intégralité des responsabilités en correspondance avec le double intitulé de leur titre, la Maternité demanda et obtint la création du Service de gynécologie.

Il faut ajouter que le « vide gynécologique » intervenait à une époque où les demandes augmentaient par suite du développement de la gynécologie sociale.

Le consensus général étant alors en faveur de la réunification de notre discipline, la Faculté et le Centre hospitalier estimèrent que le transport de la gynécologie à la Maternité n'appelait aucune objection.

Eu égard à ces diverses raisons, le ministère de la Santé me nomma chef de Service de gynécologie au C.H.U. en juin 1966, puis me détacha dans le service créé à la Maternité en novembre suivant. En 1968, la Faculté me confiait l'enseignement de la gynécologie et la direction du Certificat d'études spéciales.

Je dois enfin à la bienveillance de mes Collègues l'attribution de cette chaire de gynécologie-obstétrique ; qu'ils daignent accepter le témoignage solennel de ma reconnaissance.

La gynécologie-obstétrique Nancéienne a retrouvé son unité après un siècle de séparation.

Les chemins furent longs avant de se rejoindre, mais n'est-ce point un gage de durée ? Comme l'a dit un poète :

« Le temps n'épargne pas ce que l'on fait sans lui. »

 

Quittons désormais ces grands ou petits chemins de l'histoire.

Je ne voudrais pas conclure avant de m'être livré à un petit exercice d'analyse didactique, puisque telle est la mission d'un Enseignant.

J'ai choisi, pour thème, cette partie liminaire de la physiologie génitale qu'on peut appeler : l'Art d'aimer.

 

ovide avait de l'esprit mais peu de tendresse, de l'élégance dans l'élégie mais peu de science infuse. Mais avait-il besoin de ce qui lui manquait pour évoquer cet instinct si simple qui prélude avec harmonie à l'art d'engendrer ?

L'art d'aimer et d'engendrer est si naturel qu'on a tendance à oublier qu'il est le sixième sens, et qu'il appartient plus au domaine de la médecine qu'à celui de la philosophie.

Nous n'entendons plus parler que de sexologie ; or ce terme est étymologiquement synonyme de gynécologie, puisque sexus veut dire « ce qui est fendu », et que la littérature amoureuse a largement utilisé le mot « sexe » pour désigner la femme seulement. Si la « sexologie » renferme donc la totalité de ce qui se rapporte à la reproduction, il nous faut inventer un autre nom pour désigner l'art d'aimer, fonction partielle représentant une fin en soi.

Je suis tenté par Cupidologie, ou Cupidolatrie, la composition gréco-latine du mot n'offrant pas plus de dissonance que pour le mot sexologie. Mais ne perdons pas de vue l'aspect scientifique du problème.

Alors  que  les  fonctions végétatives  sont  incontrôlables, parce que nécessaires, les deux fonctions de locomotion et de reproduction sont gouvernables parce que facultatives, c'est-à-dire soumises à l'action de la volonté ; on peut refuser de se déplacer ou de se reproduire.

Cette analyse ne concerne évidemment que la reproduction, seule fonction essentiellement au service de l'espèce. bergson a écrit que chez l'homme, autour de l'intelligence, il y a une frange d'instinct et, mêlées aux prévisions raisonnées, des divinations intuitives. Cet instinct animal est générateur d'impulsions permettant à l'homme de résoudre les problèmes vitaux les plus compliqués tout en ignorant la raison d'être des moyens qu'il emploie.

— L'activité génitale, fin rationnelle ou instinctive, se décompose en deux fonctions :

— la fonction érotique, de conditionnement,

la fonction génésique, d'engendrement.

La première est subjective : Etat préparatoire ;

La seconde est objective : Acte de concevoir.

La « frange d'instinct » permet cette double performance aux plus incultes des Béotiens, sans nécessiter aucun effort intellectuel. Les races primitives les moins évoluées adoraient la puissance génésique, parce que facilement mesurable ; ils considéraient l'objet plutôt que le moyen. Mais oser écrire que « l'heure de l'homo eroticus est venue », me semble risible.

Certes, l'intellectualisme, privilège des individus évolués, peut dominer l'instinct et séparer volontairement ces deux fonctions l'une de l'autre ; le mot sexologie retrouverait alors son vrai sens étymologique. Comme l'a écrit récemment un Cupidologue de talent : « Tout, dans l'amour, qui n'est pas génésique est érotique ! » Argument spécieux s'appuyant sur une dichotomie trop simpliste ; imaginez un philosophe affirmant : qui n'est pas stoïcien est épicurien !

Il est bien certain que la physiologie génitale réalise aisément cette séparation arbitraire ; le risque n'est pas de la réaliser, mais de l'exploiter. On peut observer les conséquences néfastes de cette volonté, quasi liturgique, de sublimer les spectacles érotiques ; les moyens audiovisuels conduisent à un cercle vicieux : érotisme, érotomanie, prostitution, sadisme, etc. Il en est comme pour les vomissements de la grossesse qui s'aggravent d'eux-mêmes jusqu'à entraîner une situation périlleuse.

 

Voici le problème posé ; comment le résoudre ?

La maieutique des Cupidologues se traduit en des milliers de pages destinées à expliquer, aux foules ignares, les mécanismes complexes et subtils grâce auxquels elles pratiquent l'érotisme sans le savoir, comme monsieur jourdain faisait de la prose.

Ces ouvrages contiennent des faits exacts qui méritent d'être enseignés ; il vaut mieux ne pas les conseiller comme livres de chevet parce qu'ils favoriseraient le sommeil du lecteur bien avant qu'il ait pu découvrir et comprendre le « mode d'emploi » qu'il recherche !

Les gynécologues de jadis, à la fois naturistes et intelligents, écrivaient en formules très simples ce que la prose érotique moderne complique à plaisir.

Permettez-moi de vous lire un paragraphe extrait des Œuvres d'Ambroise Paré écrites voici quatre siècles :

« La manière d'habiter et faire génération »

« L'homme étant couché avec sa compagne et épouse, la doit mignarder, chatouiller, caresser et émouvoir s'il trouvait qu'elle fut dure à l'éperon ; et le cultivateur n'entrera dans le Champ de Nature humaine à l'étourdi, sans que premièrement n'aye fait ses approches qui se feront en la baisant, et lui parlant du jeu des Dames rabatues : aussi en maniant ses parties génitales et petits mamelons, afin qu'elle soit aiguillonnée et titillée jusqu'à ce qu'elle soit éprise des désirs du mâle, etc. »

Voici un « mode d'emploi » simple et de bon goût.

A l'opposé, les romans-fleuves actuels traitant de l'érotisme se livrent à des jeux d'esprit fort éloignés de la doctrine d'Hippocrate.

Que viennent faire ces élucubrations assimilant, par exemple, les obélisques à des emblèmes phalliques, et glosant sur la présence de l'un d'eux au Vatican, au centre de la place Saint-Pierre !

Que viennent faire les ragots d'alcôve se rapportant à chEops, tibEre, et bien d'autres !

Pourquoi dire que le fameux rapport kinsey, publié il y a 20 ans, a fait l'effet d'une bombe quand il annonçait que 86 % des Américains vivent en rupture avec le code moral ?

 

Toute cette littérature a un relent de faux intellectualisme et me semble indigne de faire l'objet d'un quelconque enseignement. Que l'activité génitale soit le fait de l'instinct ou de l'intelligence, que la fonction érotique soit isolée, ou bien, qu'à l'inverse, la fonction génésique le soit - comme pour l'insémination artificielle - tous ces faits appartiennent à la physiologie, science de la vie, et leur analyse exige de la rigueur scientifique, comme l'a voulu Claude bernard.

 

L'enseignement médical doit énoncer les faits et s'abstenir d'hypothèses fantaisistes.

La physiologie génitale est le support de la Gynécologie clinique. Son enseignement doit s'étager selon trois niveaux et selon une progression logique :

1. Enseignement de la biologie génitale : anatomie et physiologie ; il doit être intégré aux programmes scolaires, à tous les degrés.

2. Education conseillant des comportements, options, précautions, en faisant toujours référence aux lois de l'Espèce, mais en les adaptant aux conditions particulières de l'individu, du couple, de la famille, de la société.

3. Information médicale précise concernant les préventions, le dépistage, la surveillance, enfin la prescription de méthodes et de moyens qui n'enfreignent pas les règles de l'éthique ; même ce qui est légal, résultat de la loi du nombre, n'en acquiert pas pour autant un caractère moral, et l'arbitrage médical doit s'appuyer sur des certitudes.

 

Mesdames, Messieurs,

Rester dans le réel et le possible, c'est suivre le conseil donné il y a deux mille ans par hErophile, le célèbre anatomiste d'Alexandrie :

« Par-dessus tout, le médecin devra connaître les limites de son pouvoir ; car celui-là seul qui sait distinguer le possible de l'impossible est un médecin parfait. »