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Pneumo-phtisiologie

 

par D. ANTHOINE

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les activités hospitalo-universitaires à Nancy (1975-2005)

 

Aucune des grandes disciplines médico-chirurgicales du CHU de Nancy n'a connu au cours de son évolution autant de modifications d'hommes et de structures que la Pneumo-Phtisiologie.

Ceci tient au fait que cette discipline a éclaté à Nancy en plusieurs écoles, différentes les unes des autres, s'occupant de sujets différents, et non regroupées dans une même « chapelle » comme dans beaucoup d'autres CHU (services de pneumologie clinique  A, B, C ; services consacrés à l'insuffisance respiratoire ; services d'imagerie thoracique ; services de pneumo-pédiatrie ; service d'immuno-allergologie respiratoire et d'asthmologie ; services de chirurgie thoracique).

J'ai donc l'honneur, en tant qu'un des derniers « dinosaures » de cette discipline encore en activité, à la fois comme Professeur émérite à la Faculté de Médecine et ancien Coordonnateur de la Fédération médico-chirurgicale de Pneumologie, d'essayer de retracer un panorama, aussi complet que possible, de ce qu'a été celle-ci  au cours de ces 50 dernières années au CHU de Nancy.

Reçu à l'externat des Hôpitaux en 1952, j'ai effectué un de mes tous premiers stages hospitaliers dans le service de « Pneumo-Phtisiologie femmes » à l'Hôpital Villemin, dirigé à l'époque par le Pr. J. GIRARD, très tôt décédé, dont les collaborateurs étaient les Dr. J-P. GRILLIAT et A. SIMON. L'association P.A.S.-strepto y régnait en maître pour traiter les multiples tuberculeuses hospitalisées.

Le service de « Pneumo-Phtisiologie hommes » était situé dans le bâtiment adjacent, séparé par les anciennes galeries de cure, phénomène hérité des vieilles coutumes sanatoriales. Ce service était dirigé par le Doyen SIMONIN, assisté des Dr. PILLOT et R. HUTTIN. Heureusement pour les malades, le sous-sol   communiquait  entre les deux services ...!

Le Dr. P. BRIQUEL, spécialiste de la thoracoscopie avant l'heure, présidait aux destinées du second étage de l'Hôpital Maringer, réservé aux tuberculeux chroniques. Certains malades célèbres y avaient installé leur domicile ! Il « régnait » également sur la « Pension Villemin », située au 3ième étage et qui était réservée aux malades privés.

Le Dr. SENOT, qui était installé en privé place Saint-Jean, dirigeait le petit service de radiologie situé au sous sol de Villemin et avec sa fidèle Madeleine nous tirait à l'époque d'excellents clichés thoraciques, dont certains me servent encore actuellement pour mon enseignement.

En face, à l'Hôpital Maringer, se trouvait le service des insuffisants respiratoires, créé par le Pr. P. SADOUL, qui rentrait tout auréolé de son séjour aux USA chez COURNAND, et dont l'adjoint était le Pr. J. LACOSTE , dit  « le Savant Cosinus ».

La chirurgie thoracique, tout à ses débuts, se pratiquait à l'Hôpital Central, dans le service du Pr. CHALNOT, dit « le Pépére ». Le Pr. J.  LOCHARD y faisait ses grands débuts.

Je retrouvais la même configuration des services et les mêmes responsables médicaux  en 1956, étant alors Externe en premier, de nouveau, dans le service de « Pneumo-Phtisiologie femmes », dirigé maintenant par le Pr. G. de REN, successeur du Pr. GIRARD. Etant reçu interne titulaire au concours 56, je traversais la galerie de cure pour occuper les fonctions d'interne dans le service de « Pneumo-Phtisiologie hommes » du Doyen SIMONIN, assisté de ses mêmes collaborateurs les Dr. PILLOT et HUTTIN. Mon « binôme » d'internat était alors M. BOULANGE, futur président de l'Université Henri Poincaré. A la demande du Doyen SIMONIN, notre chef de service, nous dûmes tous les deux passer, à Paris, l'écrit du diplôme national de Pneumo-Phtisiologie. M. BOULANGE fut reçu second et moi-même quatrième !

C'était l'époque « phare » de la tuberculose pulmonaire (plus de 600 cas hospitalisés dans mon année d'internat). C'est pendant ce stage que se situe un « épisode historique » : pendant notre contre-visite du soir, R. HUTTIN et moi-même, avons été les témoins du siège de notre premier étage par la police, armée « jusqu'aux dents », traquant un de nos malades algériens, membre éminent du F.L.N. Pour éviter un drame, nous dûmes parlementer avec lui, pendant un long moment, pour qu'il accepte de nous remettre son arme et de se rendre à la police et ce n'était qu'en 1957 !

C'était le plein emploi de la... « trithérapie » (déjà!!) et l'apport du « rimifon » avait sérieusement modifié le pronostic de la maladie. Beaucoup de nos malades gagnaient ensuite le Sanatorium de Lay Saint Christophe, futur Centre Paul Spillmann, dirigé alors par le Dr. BERTHEAU, assisté de Mme le Dr. J. BOULANGE, pour continuer leur traitement.

A mon retour du service national, effectué de novembre 1957 à novembre 1959 dans  la « Royale » pour partie à l'Hôpital d'instruction des Armées Sainte Anne à Toulon, en pneumologie, puis à Briançon au Sanatorium de la Marine où je m'initiais à la chirurgie thoracique auprès du Pr. LONGEFAIT de Marseille, je quittais ma discipline pour parfaire pendant le reste de mon internat mes connaissances en cardiologie et en médecine interne.

Pendant mon absence de Nancy, beaucoup de choses avaient changé : le Pr. P. LAMY avait succédé à l'Hôpital Villemin au Doyen P. SIMONIN à la tête du service de Pneumo-phtisiologie hommes. La tuberculose était en passe d'être détrônée par le cancer broncho-pulmonaire et les perfusions d'antituberculeux étaient remplacées par les perfusions de Caryolysine. Le Pr. GRILLIAT avait pris la direction d'un service de Médecine D, consacré à l'immuno-allergologie et à l'asthmologie, situé à l'Hôpital Saint Julien.

De 1962 à 1976, j'intègre le service du Pr. P. LAMY, occupant successivement les fonctions d'attaché, de chef de clinique-assistant des hôpitaux, puis de PU-PH, non chef de service (en 1966) (service toujours réservé aux malades de sexe masculin !).

C'est à cette époque que le Pr. P. BERNADAC, arrive de Bordeaux, pour occuper les fonctions de chef du service de radiologie de l'Hôpital Villemin ; ce sera le début d'une longue et fructueuse collaboration ! C'est aussi à ce moment que s'ouvre au rez-de-chaussée de Villemin le service de chirurgie thoracique du Pr. J. LOCHARD avec pour collaborateur le futur Pr. J. BORRELLY. Le Pr. VAILLANT intègre le service de « Villemin femmes ».

En 1976, on crée à mon attention, au Centre Paul Spillmann à Lay Saint Christophe, un service de Pneumologie C, ouvert aux malades des deux sexes. J'y resterai 11 ans jusqu'en 1987 (11 ans d'exil... c'est long !) avant de ramener mon service, dans des locaux rénovés, au premier étage du bâtiment « Villemin femmes » que j'occuperai avec ma collaboratrice O. FADE-SCHNELLER jusqu'au départ en retraite du Pr. LAMY auquel je succéderai à la tête du service de Pneumologie A, situé dans le bâtiment « Villemin hommes », en 1992.

L'ouverture du groupe hospitalier de Brabois va « redistribuer les cartes » de la Pneumologie.

Le service de Médecine D du Pr. JP. GRILLIAT va occuper tout  le 10ème étage du bâtiment principal ainsi que ses collaborateurs : le Pr. MONNERET-VAUTRIN, les Dr. THEVENIN, VINIAKER, YOU et Gisèle KANNY.

Le service des insuffisants respiratoires du Pr. P. SADOUL va occuper les premier et second étages de la tour DROUET ainsi que ses collaborateurs les Pr. POLU, DELORME et UFFOLTZ rentré du Maroc.

Le Pr. LACOSTE installe son service d'études de la fonction respiratoire au rez-de-chaussée du bâtiment principal de Brabois.

Le Pr. P. BERNADAC prend la direction du service de Radiologie, situé au premier sous sol du bâtiment principal, avec ses collaborateurs les Dr. CLAUDON et HENNEQUIN.

1993 est une date capitale pour la Peumologie dans son ensemble ! Elle prélude à la création de la Fédération médico-chirurgicale de Pneumologie qui va regrouper sur le même site de BRABOIS tous les services de la discipline. Ceci est facilité par le transfert à l'Hôpital Central, dans les locaux de l'ancienne clinique Bonsecours, du service de Médecine D, dirigé par Mme le Pr. MONNERET-VAUTRIN, qui a succédé au Pr. GRILLIAT parti en retraite.

La Fédération est alors composée des 5 services suivants :

- Le service de Pneumologie A (Pr. ANTHOINE) et le service de Pneumologie B (Pr. VAILLANT, qui a succédé au Pr. de REN, à son départ en retraite) vont occuper tout le 10ème étage du grand bâtiment de BRABOIS .

- Le Pr. UFFOLTZ succède au Pr. LACOSTE comme chef de service des explorations fonctionnelles respiratoires au rez-de-chaussée du bâtiment.

- Le Pr. POLU est responsable du service des Maladies Respiratoires qui reste dans la tour DROUET.

- Le service du Pr. BORRELLY qui a succédé au Pr. LOCHARD, lui-même successeur du Pr. CHALNOT, monte de l'Hôpital Central pour s'installer au rez-de-chaussée du bâtiment principal de Brabois.

Ce regroupement permet la création de locaux neufs de consultation multidisciplinaire au 1er sous-sol du bâtiment principal, ainsi que celle d'une unité d'endoscopie interventionnelle au 1er étage.

J'assumerai les fonctions de coordonnateur de cette Fédération de 1994 à 1997, date de mon départ en retraite hospitalière ; le Pr. VAILLANT  me succédera jusqu'à son départ en 1999.

Les choses vont ensuite se précipiter après les départs à la retraite des Pr. ANTHOINE, UFFOLTZ, VAILLANT, POLU et le passage en exercice privé du Pr. BORRELLY.

La Fédération se dissout et chacun des services reprend son autonomie.

Les services A et B de Pneumologie fusionnent pour ne plus former qu'une seule unité, sous la responsabilité du Pr. Y. MARTINET. Le service des Maladies Respiratoires passe sous l'autorité du Pr. F. CHABOT. Le service des explorations fonctionnelles respiratoires sous celle du Pr. HAOUZI, assisté du Dr. B. CHENUEL (MCU). Le service de Radiologie est dirigé par le Pr. D. REGENT. Le service de Chirurgie thoracique est redescendu à l'Hôpital Central sous la direction du Pr. G. GROSDIDIER, assisté   du Dr. J. SIAT.

La PNEUMOLOGIE, au CHU de Nancy, démarre un nouveau cinquantenaire. Place aux jeunes !!, mais les « vieux » n'ont pas démérité, loin sans faut !!!

 

Après la description de l'évolution géographique des services de Pneumologie  au sein du CHU de Nancy et du cursus des différents responsables, il nous faut maintenant décrire l'activité médicale de chacun sur le plan des soins, de l'enseignement et de la recherche.

Nous placerons évidemment en première place le Pr. SADOUL qui a grandement contribué au renom national et international de l'Ecole Pneumologique de Nancy, en vulgarisant « urbi et orbi » l'étude de la fonction respiratoire et le traitement des insuffisances respiratoires aiguës et chroniques (BPCO - Emphysèmes - Apnées du sommeil), avec l’ensemble de ses collaborateurs cliniciens (Pr. LACOSTE, le père de la « ductance au CO » ; Pr. POLU ; Pr. DELORME ; Pr. CHABOT ; Dr. CORNETTE), et de ses chercheurs de l'Unité INSERM U14 (PESLIN, SAULNIER, SCHRIJEN, TECULESCU, GILLES, GIMENEZ, entre autres). De très nombreux pneumologues français et étrangers sont venus se former à cette discipline nouvelle, à un moment où tout le monde pneumologique ne parlait que de Tuberculose.  Qui ne se souvient des fameuses journées de Pont à Mousson et de Nancy !

Signalons aussi que le Pr. SADOUL a dirigé, à l'échelon national, l'ANTADIR, poste occupé actuellement par le Pr. POLU.

Le service d'Immuno-allergologie, dirigé successivement par les Pr. GRILLIAT et  MONERET-VAUTRIN a beaucoup travaillé sur l'allergie respiratoire et sur la maladie asthmatique avec les Dr. THEVENIN, VINIAKER et YOU. Cette dernière, avec sa collaboratrice, Mme le Pr. G. KANNY, s'est maintenant plus spécialement orientée vers l’étude de I' allergie digestive, domaine où elle a acquis une importante notoriété.

Les Services cliniques de Pneumologie A et B ont effectué, quant à eux, une énorme mission d’enseignement, responsables avec les Pr. LAMY, ANTHOINE et VAILLANT du CES, puis du DIS de la spécialité, formant de très nombreux spécialistes lorrains et étrangers, puis du Module de Pneumo-Phtisiologie dans le cursus normal des études médicales, module très apprécié des étudiants, qui ont amèrement regretter sa disparition à la suite de modifications, pas toujours heureuses, loin sans faut, décidées « en haut lieu ». Ajoutons à cette liste le DU de pathologie pulmonaire professionnelle, unique pendant très longtemps en France, qu'ont fréquenté de très nombreux médecins français et étrangers (Marocains et Syriens, en particulier). C'est ainsi que Mr. LARAQUI, Professeur de Médecine du Travail à la Faculté de Médecine de Casablanca, a été formé à Nancy. N'oublions pas non plus la création de la Fédération médico-chirurgicale de Lorraine, très active, qui tient tous les ans sa journée d'Enseignement post Universitaire dans une des villes de la région en plus de séances plus spécialisées consacrées à la cancérologie, à l'asthme, à l'imagerie, à l'endoscopie.

L'Enseignement post-Universitaire de Pneumologie a aussi été très demandé par l’ensemble des médecins généralistes lorrains et les Pr. ANTHOINE et VAILLANT ont multiplié les soirées dans les 4 départements de la région lorraine. Il en a été de même pour l'étranger francophone : Belgique, Luxembourg, Tunisie et surtout Maroc, compte tenu des relations privilégiées entre la Faculté de Médecine de Nancy et celles du Maroc. Rappelons à cet effet que le Mr. UFFOLTZ a été Professeur durant 4 ans  à la Faculté de Rabat.

De très nombreux documents de travail ont été réalisés à l'intention des étudiants et des pneumologues français (Polycopiés, Monographies, Manuels, CD).

Le Pr. ANTHOINE préside à Paris, depuis plus de 15 ans, les journées annuelles d'enseignement post-universitaire de Pneumologie, appelées Journées Pierre BOURGEOIS, dont le succès ne se dément pas.

L'activité clinique s'est tournée vers plusieurs domaines : la Cancérologie thoracique ; la mucoviscidose ; les maladies pulmonaires d'origine professionnelle ; la lutte antitabagique ; l'imagerie thoracique.

Les services de Pneumologie Clinique ont, de toujours, développé, avec l'aide du service des isotopes (Pr. BERTRAND et KARCHER) et du Centre  Alexis VAUTRIN (Dr. BECKENDORF et SPAETH) les moyens les plus perfectionnés de diagnostic et de traitement des cancers bronchiques primitifs (rappelons ici que la Lorraine est, hélas, la région de France, où il existe le plus de cancers bronchiques). Citons, actuellement en pointe, les techniques les plus modernes : la TEP ou PET- Scan et la fluorescence endobronchique !

Le traitement des enfants atteints de mucoviscidose, devenus adolescents, a été développé, en Pneumologie A, en symbiose avec les services correspondants de Pédiatrie (Pr. VIDAILHET ; Pr. MONIN ; Dr.  J. DERELLE), sous la responsabilité du Dr. Ph. SCHEID et désormais de Mme le Dr. MONCOUQUIOL.

La lutte antitabagique s'est beaucoup développée ces dernières années sous l'impulsion du Pr. MARTINET (actuel Président du Comité National contre le tabagisme) et du Dr. BOHADANA,  responsables d'une importante consultation spécialisée.

Compte tenu de l'activité minière et industrielle régionale, l'étude des Pneumoconioses a toujours passionné les Pneumologues lorrains (Dr. DECHOUX). Les Pr. SADOUL, puis ANTHOINE ont dirigé le Collège des 3 Médecins du Nord-Est de la France, en partenariat avec leurs collègues Strasbourgeois, jusqu'à sa regrettable disparition.

Le Pr. ANTHOINE est actuellement responsable du groupe de travail national concernant l'étude des maladies pulmonaires professionnelles, émanation des 2 sociétés scientifiques françaises de Pneumologie et de Médecine du Travail.

L'Imagerie Thoracique, sous l'impulsion  des Pr. BERNADAC et ANTHOINE, « les frères jumeaux de l'imagerie thoracique », a été l’une des renommées nationales et internationales du CHU de Nancy. Elle a donné lieu à de multiples publications, monographies, manuels, et documents informatiques dont le « point d'orgue » sera le lancement en janvier 2005 d'un DVD pédagogique unique dans sa conception (2,1 Go et 3000 images), réalisé à partir des documents de leurs deux collections avec l'aide technique du Dr. JC. HUMBERT.

N'oublions pas dans ce panorama la collaboration fructueuse qui a toujours existé avec les services d'anatomie pathologique du CHU : les Dr. B. PIERSON et MANGIN-CHEVAL, parents du diagnostic cytologique du cancer bronchique dans l'expectoration et l'aspiration bronchique, les Pr. DUPREZ, FLOQUET, VIGNAUD et PLENAT. N'oublions pas non plus de citer les travaux actuels de recherche fondamentale sur les tumeurs malignes pleuro-pulmonaires réalisées jusqu'au 31/12/04 à I'EA3443 (Pr. MARTINET) et depuis à l'EMI0014 du Pr. GUEANT (Mme N. MARTINET et Pr. VIGNAUD).

Et pour clore cette riche énumération, rappelons que la Pneumologie Lorraine toute entière avait eu le grand honneur d'organiser le Congrès francophone des Maladies Respiratoires en Juin 1994, il y a 10 ans !!! (1200 participants : le record du Palais des Congrès).

 

Le rappel de toutes ces données montre, à l'évidence, que les Maladies Respiratoires occupent une place importante au sein des disciplines cliniques du CHU de Nancy !